1 LES RACINES RÉFORMÉES DU QUÉBEC « Canadien-Français » ou « Québécois de souch
1 LES RACINES RÉFORMÉES DU QUÉBEC « Canadien-Français » ou « Québécois de souche » demeurent, dans notre imaginaire collectif, indissociables de « catholique ». Puisque les clercs ultramontains ont dominés la société canadienne-française des Rébellions des Patriotes jusqu’à la Révolution tranquille, on assume généralement qu’il n’y a pas eu – outre les Amérindiens et les minorités immigrantes – de communautés non-catholiques qui ont marqués significativement l’histoire de notre pays. Ce présent article vise à faire connaître les hauts faits des explorateurs, fondateurs, pionniers, et réformistes huguenots (protestants français) au Québec, dont l’importance est massivement méconnue mais auxquels notre patrie est grandement redevable. TABLE DES MATIÈRES La première tentative de peuplement………………………………………………………p. 2 La « France Antarctique » au sud du Brésil !.........................................................................p. 3 Des colonies huguenotes en Floride et en Caroline……………………………………….p. 3 Les fondateurs huguenots de la Nouvelle-France………………………………………....p. 5 La bêtise monumentale du cardinal Richelieu…………………………………………......p. 9 Une présence attestée… par le clergé romaniste………………………………………... p. 10 Dénombrer les calvinistes en Nouvelle-France…………………………………………..p. 13 Quelles formes prirent les persécutions ?...........................................................................p. 15 La lutte pour le gouvernement responsable………………………………………………p. 17 Le franco-protestantisme au Québec au XIXe siècle…………………………………….p. 20 Appendice – Champlain était-il huguenot ?.......................................................................p. 22 2 LA PREMIÈRE TENTATIVE DE PEUPLEMENT L’histoire des débuts de la Nouvelle-France est inséparable de celle de la diaspora huguenote. Le premier voyage que fit le navigateur Jacques Cartier en Amérique en 1534 fut financé par Philippe de Chabot, un magistrat réformé, Gouverneur de Bourgogne et de Normandie1. Amiral de France et ami de François Ier, il utilisa son influence pour convaincre le roi de l’importance d'une expédition française au Nouveau-Monde et demanda à Jacques Cartier d'être le chef de cette entreprise. Jacques Cartier lui-même, bien que catholique, était issu d'une famille protestante2. Plusieurs des matelots des équipages de Jacques Cartier lors des voyages de 1534 et 1535-1536 étaient des protestants3. Après un bref intermède, une première colonie fut établie à Cap-Rouge près de Québec en 1541 par Jean-François de la Rocque, sieur de Roberval, un huguenot originaire de Carcassonne au Languedoc. Le roi lui octroya le titre de Lieutenant-Général du Canada et lui donna le mandat de construire « des forts, des églises et des temples4 », ce qui est intéressant puisque les calvinistes appellent souvent leur lieux de culte des temples. Puisque les autorités civiles n’avaient fournies que des forçats à Roberval, cette tentative de colonisation s’avéra un échec cuisant et la colonie fut abandonnée dès 1543. Retourné en France, Roberval combattit pour le parti réformé lors des décennies subséquentes. Aucune tentative d’implantation définitive ne fut entreprise dans la vallée du Saint-Laurent au cours des six décennies suivantes. Cependant, il se développa pendant cette période une intense activité de pêche et de commerce dans l’estuaire du Saint-Laurent, au point que les historiens ayant étudié la question affirment que le trafic maritime était alors aussi important dans le golfe du Saint-Laurent que dans celui du Mexique (qui était à ce moment très achalandé)5. Des Français venaient annuellement sur les rives du Saint-Laurent à la saison estivale pour y faire du troc avec les Amérindiens. Comme les cités portuaires les plus portés à s’enquérir du Nouveau Monde étaient alors étaient alors des bastions huguenots comme La Rochelle, Saint-Malo et Dieppe, il est raisonnable de suggérer que bon nombre des commerçants venus en Canada pendant cette période étaient d’obédience réformée. 1 Marc PELCHAT et Marie-Claude ROCHER, « Lumière sur une présence oubliée : Les Huguenots en Nouvelle- France », Institut du patrimoine culturel – Université Laval, http://www.ipac.ulaval.ca/activites/colloques/les- huguenots-en-nouvelle-france/ (Consulté le 1er avril 2011). 2 Michel BARBEAU, « Les Huguenots en Nouvelle-France », Site généalogique de Michel Barbeau, http://pages.infinit.net/barbeaum/hugue.htm (Consulté le 1er avril 2011). 3 Richard LOUGHEED et al., L’étude de la religion au Québec – Bilan et prospective, Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 2001, p. 63. 4 Michel BARBEAU, opere citato. 5 Denis VAUGEOIS, « Samuel de Champlain – Fondateur de Québec », Société Radio-Canada, http://archives.radio-canada.ca/societe/histoire/clips/15264/ (Consulté le 10 octobre 2011). 3 LA « FRANCE ANTARCTIQUE » AU SUD DU BRÉSIL ! Au milieu du XVIe siècle, un des futurs chefs des protestants français, Gaspard de Coligny, Amiral de France et Gouverneur de Picardie, confia à Nicolas Durand de Villegagnon la mission de fonder un établissement permanent en Amérique du Sud. Coligny et le roi Henri II voulaient qu’une puissante base militaire et navale permette à la France de contrôler le sud du Brésil. Villegagnon, ancien chevalier de Malte passé au luthéranisme puis au calvinisme, espérait avec cette occasion fonder une nouvelle Genève6. Il avait visité le secteur du Cabo Frio en 1565 où plusieurs de ses marins coreligionnaires avaient déjà l’habitude de séjourner. En 1555, Villegagnon parti de Le Havre en Normandie avec une petite flotte mise à sa disposition par Coligny ainsi que 600 hommes et femmes (incluant des catholiques, dont deux bénédictins). Arrivé de l’autre bord de l’Atlantique la même année, il fonde le Fort Coligny sur l’île Villegagnon dans la baie Guanabara (bordant l’actuelle Rio de Janeiro) au sud du Brésil. Un bourg en briques, Henryville, est bâtit sur la côte en 1556. Villegagnon sollicita de l’aide auprès de Jean Calvin pour consolider le protestantisme en France antarctique. Le réformateur lui envoya une douzaine de Genevois dont le pasteur Pierre Richer et l’étudiant en théologie Guillaume Chartier qui débarquèrent en 1557 avec un second contingent (financé par Coligny) de 300 hommes et de quelques femmes à marier. Malgré que les principales problématiques qui surgirent étaient le cannibalisme des Amérindiens et l’indiscipline (sexuelle, notamment) de nombre de recrues, une vive division prit forme entre calvinistes et papistes. Il semble que les réformés se replièrent sur Henriville tandis que les catholiques restèrent au Fort Coligny. Malheureusement, la vie de la France antarctique fut de courte durée. La jeune colonie fut attaquée et décimée en 1560 par les Portugais catholiques. Les habitants français sont chassés, certains retournent en France comme l’écrivain Jean de Léry tandis que d’autres se réfugient dans la forêt environnante. Ils parviennent à maintenir des rapports commerciaux avec la France jusqu’à 1567 environ7. DES COLONIES HUGUENOTES EN FLORIDE ET EN CAROLINE Gaspard de Coligny, devenu entre-temps un des dirigeants politiques du mouvement réformé en France, ranima l’idée de créer une colonie refuge aux Amériques pour les Français d’allégeance calviniste. Il commandita donc les expéditions de deux huguenots, Jean de Ribault (natif de Dieppe) et René de Laudonnière (originaire du Poitou). Ribault tenta 6 Bartholomé BENNASSAR, « Dieu, le diable et le bon sauvage – La découverte du Brésil », L’Histoire, Numéro 243, mai 2000, p. 82-87. 7 Thierry WANEGFFELEN, « Rio ou la vraie Réforme – La France Antarctique de Nicolas Durand de Villegagnon entre Genève et Rome », Actes du Colloque franco-brésilien de l'Université de Paris-Sorbonne, Paris, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 1998, p. 161-175. 4 d’abord de s’établir à Charlesfort sur l’île Parris à l’extrême-sud de l’actuelle Caroline du Sud en 1562. Ribault installa une trentaine d’homme à cette localité, mais l’hostilité des Amérindiens et une mutinerie firent en sorte que le projet tourna au désastre, les mutinés prenant le large sur un radeau rudimentaire. En 1564, Coligny envoya un contingent de 300 hommes et quelques femmes de confession réformée sous le commandement de Laudonnière. Ils construisirent le Fort Caroline à l’extrême-nord de la Floride en 1562 (sur le site actuel de Jacksonville), mais leur colonie fut détruite par les Espagnols catholiques en 1565 qui tuèrent 142 Français pendant un bref siège puis assassinèrent 111 habitants après la reddition car ils refusaient d’abjurer le protestantisme. Un convoi de secours huguenots s’étant échoué sur la côte de Daytona Beach et du Cape Canaveral (en Floride centrale) à cause d’un ouragan, les Espagnols traquèrent les rescapés et en tuèrent 134 au Matanzas Inlet (la Crique au massacre), dont Jean de Ribault. René de Laudonnière, le peintre Jacques Le Moyne et une cinquantaine de survivants s’enfuirent en France8. L'assassinat de Gaspard de Coligny lors de l’hécatombe de la Saint-Barthélemy, le 24 août 1572, mit temporairement fin à l'intention de créer une colonie refuge pour les calvinistes français aux Amériques. Bien qu’une série d’échecs, ces premières épopées huguenotes aux Amériques a fait couler beaucoup d’encre en Europe à cette époque. Dans le feu des Guerres de Religion, le parti protestant en France développe un internationalisme calviniste et dote l’argumentaire réformé d’un volet « colonial ». Divers savants, tel le cartographe et explorateur Guillaume Le Testu, s’approprient symboliquement le Nouveau Monde en publiant un corpus d’ouvrages faisant avancer nos connaissances géographiques et anthropologiques sur ces contrés exotiques9. Ce faisant, ces auteurs formulent un projet ambitieux : l’Amérique doit être investie et peuplée par les disciples de Calvin, Bèze et Viret au nom de l’avancement de la Réformation. Autrement dit, la lutte pour sort de la civilisation chrétienne est transportée en Amérique10. Ce projet, élaboré par des militants huguenots, fut récupéré par les puritains d’Angleterre au point qu’il est adéquat d’affirmer que « l’histoire de l’Amérique anglaise 8 Patrick COUTURE, « La Nouvelle-France en Floride », République Libre, http://www.republiquelibre.org/cousture/FLORIDE.HTM ; U.S. National Park Service, « The Massacre of the French », uploads/Geographie/ les-racines-reformees-du-quebec 2 .pdf
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- Publié le Mar 18, 2021
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