1 Médée (La Péruse) La Péruse Exporté de Wikisource le 29 mai 2021 2 Argument M
1 Médée (La Péruse) La Péruse Exporté de Wikisource le 29 mai 2021 2 Argument Medée, fille d'Acete, Roy de Colches, devint esperdument ravie en la beauté et gentilesse accorte de Jason, qui avecq' quelques autres jeunes hommes de la Grece avoit entrepris le voyage de la Toison d'or, tellement que, pour mettre à fin le dessein de son amour conceu, elle promit au dict Jason toute ayde et support, et les plus certains moyens par lesquels il falloit proceder à facilement recouvrer cette proye tant estimée que la toison d'or, gardée et de jour et de nuit par le dragon non dormant. Ce qu'ayant Jason bien entrepris et mieux executé, par l'art de ceste Medée, print la route en Grece accompagné d'icelle et de son petit frere nommé Absyrthe, lequel ne luy servit que d'objet à sa cruauté: car ainsi, comme son pere la poursuivoit, elle le desmembra piece à piece en espandant les morceaux parmy le chemin, afin qu'il s'amusast, esmeu de pitié paternelle, à les ramasser, comme ils flotoient sur le dos escumeux de la marine, et ce pendant qu'elle avecq' son train eschapoit mieux à son aise, finesse vrayment par trop cruelle! Depuis (ce qui est le vray contenu de ceste tragedie), abandonnée et repudiée de son Jason, se print à faire de si estranges mines et furieuses menaces qu'elle donna occasion au Roy Creon, la fille duquel Jason avoit depuis espousée, de la bannir et chasser de son Royaume. 3 Or, ayant perdu patience et indignée de desloger sans se voir aucunement vangée, faict tant avecq' le Roy qu'il luy octroye le delay d'un seul jour, afin qu'elle mist ordre et pourveust à son departement. Et, durant ce petit espace, elle charma par son art une bien riche et precieuse couronne, qu'elle avoit choisie entre ses joyaux les plus rare, pour la presenter à Glauque, faignant de ce faire en intention qu'elle traitast plus doucement et humainement ses enfans qu'elle laissoit à son départ en ce lieu. Mais, à peine les deux petits enfans s'estoient acquitéz de leur debvoir, que ceste miserable et pauvre nouvelle espouse s'en estant parée, aussi le palais, et le pere qui estoit accouru pour la secourir, commencerent et se prindrent à brusler. Ce que voyant Jason, il recourt aux armes et la poursuit, pensant la guerdonner de tous ses merites et la faire mourir. Mais tant s'en faut qu'il en vinst à bout, que se voyant en ce poinct poursuivie, apres avoir en sa presence cruellement mis à mort les deux enfans qu'elle avoit eus de luy, afin de luy laisser pour heritage un crevecœur et ennuy continuel, bourreau de son ame, perdant femme, pere et enfans, elle se sauve parmy l'aer dans un chariot à aisles que le Soleil son ayeul lui avoit envoyé. Acte Premier 4 Medée: Dieux, qui avez le soin des loix de mariage, Vous aussi qui bridez des vents esmeus la rage, Et quand libres vous plaist les lascher sur la mer, Faictes hideusement flots sur flots escumer; Dieu, vangeur des forfaicts, qui roidement desserres Sur le chef des meschans tes esclatans tonnerres; Dieu qui, chassant la nuit, tes clairs rayons espars Dessus tout l'univers, luisans de toutes pars; Dieu des profons manoirs, toy, sa chere rapine, Coulpable de mes maux, Deesse Proserpine; Vous, ô Dieux, que jura le parjure Jason, Par moy, meschante, helas! seigneur de la toison, Je vous atteste tous, tous, tous je vous appelle Au spectacle piteux de ma juste querelle! Et vous, ombres d'Enfer, tesmoins de mes secrets, Oyez ma triste voix, oyez mes durs regrets! Furies, accourez, et dans vos mains sanglantes Horriblement portez vos torches noircissantes! Venez en tel estat, tel horreur, tel esmoy, Que vinstes à l'accord de Jason et de moy, Les yeux estincelans, la monstreuse criniere Siflante sur le dos d'une horrible maniere! Mettez le desloyal en si grande fureur Par vos serpens cheveux que, vangeant son erreur, Luy-mesme de ses mains bourrellement meurtrisse Ses filz, le Roy, sa femme, et que tousjours ce vice Becquette ses poumons, sans qu'il puisse mourir, Mais, par lieux incogneus, enragement courir 5 Pauvre, banny, craintif, odieux, miserable, Ne trouvant homme seul qui luy soit favorable; Qu'il pense en moy tousjours, tousjours cherche à m'avoir, Et toutes fois jamais il ne me puisse voir; Mais tant plus il vivra, plus de maux il endure; Encor sera-ce peu pour punir telle injure; Et, comme non-ouy et ce forfaict icy, Un non-ouy tourment il doit souffrir aussi! La Nourrice: Mais que sert-il, ô chere nourriture, De rechercher par tant de fois l'injure Que vous a faict ce desloyal Jason? Mais que sert-il rafreschir l'achoison, Dure achoison, qui tant d'ennuy vous porte, Et hors de vous, Medée, vous transporte, Seigneuriant brusquement vos espris? Espris, helas! d'une fureur surpris, Fureur qui a dans vostre fantasie Enraciné l'ardante jalousie Qui tant vous poingt, qui cause la douleur, Qui causera, apres douleur, malheur, Apres malheur, malheur encore pire, Si n'apprenez à dissimuler l'ire Qu'avez à droit contre ce desloyal. Où est ce cœur, cœur constant, cœur royal, Cœur tousjours un, cœur fort, cœur immuable, Cœur que fortune, ou dure ou favorable, 6 N'a jusqu'icy peu faire balancer? Voulez-vous doncq' maintenant commencer De vous soumettre à fortune contraire Quand la vertu vous est plus necessaire? Et que plustost ceste griesve douleur Devriez tenir secrette en vostre cœur, Dissimulant, la prendre en patience! Du mal caché l'on peut prendre vangeance; Mais qui ne sçait tenir son dueil enclos, Ains le tesmoigne avecq' pleurs et sanglots, Pour se vanger celuy n'a autres armes Que pleurs, soupirs, regrets, ennuys et larmes. Le mal venu, il le faut endurer Bon gré, mal gré; rien n'y sert murmurer. Mais, par avant qu'il vienne, l'homme sage Peut par conseil devancer son dommage. Medée: Trop leger est le mal où conseil est receu: Courroux tel que cestuy ne peut qu'il ne soit sceu. Sus doncq', Medée, sus, je veux que tous le sçachent! Il est bien mal-aisé que les grans maux se cachent; Il est bien mal-aisé que les humaines loix Empeschent le destin de la race des Roys. Le sort fatal regist les Roys et leur emprise; Conseil n'a point de lieu où fortune maistrise. Non, non, Nourrice, non; ny conseil, ny raison, Ne me sçauroient vanger du parjure Jason. 7 La Nourrice: Mais veuillez doncq' un peu ceste fureur refraindre; L'ire d'un Roy, Medée, est grandement à craindre. Medée: Mon pere estoit aussi hautain et puissant Roy, Et son courroux pourtant n'a rien gaigné sur moy. La Nourrice: Souvent fortune aux hommes favorise Pour renverser puis apres leur emprise. Medée: Qui se sent favory de fortune et des Cieux Doit oser davantage, esperant tousjours mieux Ceux qui osent beaucoup sont crains de la fortune; Mais les hommes coüars tousjours elle importune. La Nourrice: Je ne voy point que puissiez esperer. Medée: Cil qui n'espere rien ne doit rien desperer. La Nourrice: Qui ne despere rien follement tout hasarde. Medée: 8 Advienne que pourra, un seul poinct je regarde; Je ne puis avoir mieux: c'est mon dernier recours, C'est l'espoir des vaincus n'attendre aucun secours. La Nourrice: O mal-heureuse et mal-heureuse amante, De qui le mal de jour en jour s'augmente! O pauvre femme! ô douleur! ô pitié! O faulce-foy! ô ingrate amitié! O cruauté! ô rigueur rigoureuse! O nourricière amante mal-heureuse! N'estoit-ce assez qu'il te fallut ranger Dessoubs les loix de ce peuple estranger? N'estoit-ce assez que d'avoir asservie Au vueil d'autruy ta miserable vie, Abandonnant pere, parens, amis, Pour demeurer entre tes ennemis? N'estoit-ce assez, ô faict trop inhumain! D'avoir occis Absyrthe ton germain? D'avoir laissé ton pere Roy pour suivre Un incogneu? d'avoir mieux aymé vivre Loin des tiens, pauvre, ô trop legere foy! Qu'en ton païs avecq' un riche Roy? N'estoit-ce assez que tu fusses sujette Au Roy Creon, fille du Roy Acete, Sans que Jason, Jason remply d'injures, Accreust encor le mal que tu endures? Sans que Jason, infidelle, menteur, De tous ces maux seul moyen, seul aucteur, 9 Anonchalant ceste main pitoyable, Qui tant luy fut au besoin favorable, Te desdaignast? et cruel, sans pitié, Cruellement fit nouvelle amitié? N'ayant point craint, tant a lasche courage, De violer les droits de mariage; N'ayant point craint d'oublier celle-là De qui il tient le mieux de ce qu'il a; N'ayant point craint, ô inhumaine chouse! D'abandonner ses filz et son espouse. Ainsi, ainsi, miserable, celuy Qui te devroit estimer plus que luy, Qui de toy tien sa fortune et sa vie, Est le premier qui a sur toy envie. Ainsi tu est ja-ja preste à mourir Par ce Jason qui te deust secourir. Ainsi Jason, trop ingrat, te moleste, Ainsi des biens un seul bien ne te reste. Medée: Je reste encor, Nourrice, et en moy tu peux voir Assemblez tous les maux que le Ciel peut avoir, Pour punir griesvement les enormes injures Des amans faulce-fois et des maris parjures. Non, non, Nourrice, non, ne crains point qu'en danger Tu me voyes tomber, sans m'en pouvoir vanger. uploads/Geographie/ medee-la-peruse.pdf
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- Publié le Oct 05, 2022
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