LES FOCUS TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR MÉTAUX ET TERRES RARES LA FACE CACHÉE DE LA

LES FOCUS TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR MÉTAUX ET TERRES RARES LA FACE CACHÉE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE janvier / 2018 SOMMAIRE 2 INTRODUCTION 3 LA FACE CACHÉE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 4 • GUILLAUME PITRON LIVRE SA GUERRE AUX MÉTAUX RARES 4 • LA CHINE, UN QUASI-MONOPOLE SUR LA PRODUCTION DE TERRES RARES 6 • QUELS MÉTAUX POUR LES PANNEAUX SOLAIRES ? 8 • LE DÉVELOPPEMENT DES ÉOLIENNES, MENACÉ PAR LES MÉTAUX ? 10 • « ELECTRICGATE » : LA VOITURE ÉLECTRIQUE EST-ELLE VRAIMENT UN LEURRE ÉNERGÉTIQUE ? 11 • LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DEMANDE-T-ELLE TROP DE MÉTAUX ? 14 POUR ALLER PLUS LOIN 16 • LES TERRES RARES SONT-ELLES INDISPENSABLES POUR LES MOTEURS ÉLECTRIQUES, LES ÉOLIENNES ET LES PANNEAUX SOLAIRES ? 16 • MINERAIS DE CONFLIT UTILISÉS DANS L'INDUSTRIE ÉLECTRONIQUE EN INFOGRAPHIE 18 • UN MONDE BAS CARBONE NÉCESSITERA BEAUCOUP DE RESSOURCES 19 • TERRES RARES : LE GROENLAND EST À ACHETER 21 SOMMAIRE Les énergies "propres" le sont-elles vraiment ? Les terres et métaux rares, souvent indispensables à la fabrication des éoliennes, des panneaux solaires ou encore des batteries, constituent l'enjeu énergétique et géopolitique de demain. Leur extraction très énergivore et leur localisation géographique dessinent un visage peu connu de la transition énergétique. INTRODUCTION Plus de contenu, d’actualités et d’informations sur www.techniques-ingenieur.fr LES FOCUS TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR Dans son livre « La guerre des métaux rares. La face cachée de la transition énergétique et numérique », Guillaume Pitron présente les coulisses de la transition énergétique. Et selon lui, elle ne serait pas si durable que cela. Entretien. Techniques de l'ingénieur : Les technologies vertes ne seraient pas si propres. Pouvez-vous nous expliquer votre thèse ? Guillaume Pitron : Pour la même production d'énergie, les technologies utilisées aujourd'hui consomment davan- tage de ressources que les technologies précédentes. Plus nous irons vers les technologies vertes, plus nous aurons besoin de ressources. La transition énergétique veut prôner la sobriété, mais nécessite l'inverse pour être rendue pos- sible. En clair : elle nécessite davantage de ressources et c'est un paradoxe. Nous sommes dans un système de gaspillage, il faut ratio- naliser les ressources. On sait recycler les métaux rares, mais cela coûte trop cher, car ils sont souvent sous forme d'alliages, des « composites », donc on ne le fait pas. On préfère les jeter lorsqu'ils sont usagés, plutôt que de payer un peu plus cher nos biens technologiques. Aujourd'hui, on ne recycle que 1 % des terres rares, mais c'est bien 100 % de tous les métaux rares qu'il faut recycler. Toutefois, même si l'on recyclait l'ensemble des métaux utilisés aujourd'hui, il faudrait toujours aller en chercher plus, c'est inévitable. Nos besoins augmentent de 5 % par an, la production est multipliée par deux tous les 15 ans. Il faut également lutter contre l'obsolescence programmée, substituer les métaux énergivores et faire de l'éco-conception. ETI : La Chine produit 95% des terres rares et a le quasi- monopole sur d'autres métaux rares. Elle impose des quotas et des embargos. Aura-t-on assez de métaux pour assurer la transition énergétique ? G.P : C'est vraiment une question qu'il faut se poser. Il faut souligner un véritable paradoxe : nous sommes dans un monde d'énergies renouvelables qui nécessite des matières premières non renouvelables pour être exploi- tées. D'un côté, certains observateurs disent que nous aurons toujours assez de métaux. Selon eux, le progrès technologique est une course permanente entre l'épuise- ment des ressources et le fait que l'on utilise les ressources de manière toujours plus efficiente. Après tout, cela fait 40 ans que la fin des réserves de pétrole est repoussée. Pour retarder ces échéances, nous développons de nouvelles technologies qui permettent d'aller chercher le pétrole tou- jours plus profondément. C'est la même chose pour les métaux. Certains disent que ces métaux sont présents partout dans les océans et dans l'espace et qu'il suffit d'aller les cher- cher. Une autre école dit que le problème n'est pas tant géologique que technologique. À force d'aller toujours plus loin, nous arrivons à un plafond. Sans compter les impacts sur les écosystèmes que cela peut provoquer. Compte-tenu de notre rythme de consommation, il y a des pénuries de métaux annoncées à court ou moyen terme. De nouvelles technologies vont bien sûr apparaître et de nouveaux gise- ments vont être découverts. Mais il faudra toujours utiliser davantage d'énergie pour aller les chercher. Les limites de l’extraction minière ne sont pas quantitatives, mais énergé- tiques. Entre les deux positions, il faut savoir jusqu'où nous sommes prêts à aller pour un modèle dit durable et à base d'énergies renouvelables, mais reposant sur l'extraction de minerais non renouvelables. Personnellement, je suis inquiet. ETI : Vous qualifiez de la France de « géant minier en sommeil », prônez-vous le retour de mines en France ? G.P : Quelle part assumons-nous sur le plan écologique LA FACE CACHÉE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE GUILLAUME PITRON LIVRE SA GUERRE AUX MÉTAUX RARES MÉTAUX ET TERRES RARES : LA FACE CACHÉE DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE 5 dans cette violence faite aux écosystèmes et aux hommes pour aller chercher les métaux rares ? Pas grand chose. Je pense qu'il faut assumer une part de ce fardeau. Il est trop facile de délocaliser la pollution et laisser d'autres pays extraire des minerais sans lesquels nous ne pourrions pas parler de transition énergétique en France. Il faut que nous assumions une partie de ce fardeau, à parts égales de notre PIB par exemple. Ce serait une position juste. Il faut que le grand public prenne réellement conscience du coût réel de la transition énergétique en termes d'extraction minière. Nous pourrions alors accepter de dépenser un peu plus d'argent pour un téléphone propre avec des minerais exploités dans une mine un peu plus responsable qu'une autre. Cela permettrait à ce type de marché d'émerger, et permettrait de modifier le reste du marché. Dans ces condi- tions, on peut imaginer que si la Chine voulait continuer à vendre des métaux à l'Occident, elle devrait davantage prendre en compte cette nouvelle exigence. ETI : Beaucoup d'entreprises ne semblent pas se sou- cier de leur approvisionnement en métaux rares. Com- ment l'expliquez-vous ? G.P : En 2010, la Chine a mené un embargo sur les terres rares contre le Japon. De grands groupes français ne savaient pas ce qu'étaient les terres rares à l'époque, car ils achètent des composants qui sont assemblés pour faire des produits finis. La chaîne logistique entre le minerai et l'industriel final comprend au moins une quinzaine d'inter- médiaires. Celle-ci peut donner l'illusion d'une abondance. L'industriel est déresponsabilisé et le risque de manquer de métaux est transféré à ses fournisseurs. Mais il est tout le temps exposé en réalité. ETI : Les véhicules du futur demanderont-ils moins de métaux ? G.P : Il y aura toujours des métaux dans les véhicules. Les technologies qui permettent de propulser les véhicules utiliseront toutes des métaux rares. En plus, il y a de plus en plus de technologies embarquées. Les voitures auto- nomes qui arrivent bientôt sur le marché sont bourrées de radars et produisent une multitude de données numé- riques. Demain, la voiture sera un cocktail de technologies vertes et numériques. Même si l'on change la propulsion, il y aura toujours des caméras à l'avant et à l'arrière, des ordinateurs de bord. Derrière, les infrastructures pour trai- ter les données vont se multiplier, nécessitant notamment des supercalculateurs et des data centers. De nombreux problèmes environnementaux se posent en Chine pour l'extraction des terres rares. Des problèmes similaires se posent d’ores et déjà en Amérique latine, en particulier du fait de l’extraction du lithium, dans les sous- sols des déserts de sel boliviens, chiliens et argentins. Le lithium n’est pas considéré comme rare, mais sa produc- tion mondiale, dopée par la forte croissance du marché des voitures électriques, va exploser dans les prochaines années. La pollution concerne tous les pays producteurs, à l’image, par exemple, de la République démocratique du Congo, qui satisfait plus de la moitié des besoins de la planète en cobalt. L’extraction de cette ressource, indis- pensable à la fabrication de nombreux types de batteries lithium-ion utilisées dans les véhicules électriques, s’opère dans des conditions moyenâgeuses. Cent mille mineurs équipés de pelles et de pioches transpercent la terre toute l’année pour se procurer le minerai. Propos recueillis par Matthieu Combe, journaliste scientifique 24/01/2018 Plus de contenu, d’actualités et d’informations sur www.techniques-ingenieur.fr LES FOCUS TECHNIQUES DE L’INGÉNIEUR Si les métaux rares sont une trentaine, les « terres rares » en regroupent 17 des plus stratégiques pour les nouvelles technologies. La Chine assure 95 % de la production de ces terres convoitées. Un quasi- monopole qui profite largement à l'Empire du Milieu. Les métaux rares sont une grande famille. Ils contiennent les 17 terres rares, le graphite, le cobalt, l'antimoine, le tungstène, le tantale, le platine, l’iridium, le ruthénium, le niobium et quelques autres. Ils ne sont pas forcément rares autour du globe. Cependant, leurs gisements assez vastes pour que l’exploitation soit commercialement rentables avec les technologies actuelles le sont. Une stratégie chinoise bien uploads/Geographie/ metaux-rares-transition-energetique-ti-janv-2018.pdf

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