1 MEURTRE AU GRAN SASSO Roman Eric SIMON 2 3 Meurtre au Gran Sasso Roman Eric S
1 MEURTRE AU GRAN SASSO Roman Eric SIMON 2 3 Meurtre au Gran Sasso Roman Eric SIMON www.ca-se-passe-la-haut.fr © Eric Simon 2016 4 5 Prologue Cristina avait décidé de plonger dans la physique des astroparticules après avoir offert ses services de jeune chercheuse intrépide dans la recherche sur les neutrinos, particules italiennes s'il en faut. Le saut avait été aisé. Elle n'avait même pas quitté le laboratoire souterrain, la "grotte", qui accueillait les différentes expériences de physique auxquelles elle avait pu participer les années précédentes. L'expérience que les physiciens avaient appelée XENO1000 et qu'avait rejointe Cristina un an auparavant était installée dans un des trois halls de la grotte du Gran Sasso. C'était devenu rapidement l'une des expériences-phare dédiées à la recherche directe de particules pouvant former l'une des plus mystérieuses matières imaginées par les physiciens : la matière noire, cette matière invisible qui semble pourtant peupler massivement toutes les galaxies. XENO1000 n'était pas la seule expérience construite pour détecter directement des impacts très rares de ces particules furtives de matière noire. Il en existait de très nombreuses sur à peu près tous les continents, mais elle était l'une des deux seules au monde à employer ce gaz noble qui lui avait donné son nom: le xénon. L'autre expérience, qui utilisait exactement le même principe, 6 était installée dans un autre laboratoire souterrain, au- delà de l'Atlantique. A l'issue de son post-doc, Cristina avait eu le choix entre les deux. Elle aurait pu rejoindre ses collègues américains pour développer leur instrumentation à la pointe, mais l'attrait des Abbruzes l'avait emporté sur les grandes plaines du Midwest. Elle aimait le Gran Sasso, elle s'y sentait chez elle. Depuis ses premiers pas dans le monde de la recherche, c'était le seul endroit où elle avait travaillé, pour plusieurs expériences différentes. Elle avait tout d'abord consacré son master puis sa thèse à la recherche sur les neutrinos dits « de Majorana », des neutrinos qui seraient leurs propres anti-particules, dans une expérience qui cherchait à mettre en évidence l'existence d'une désintégration radioactive très particulière, qui à elle seule démontrerait la réalité des neutrinos de Majorana. Cristina avait participé activement aux développements expérimentaux du détecteur au germanium exploité par l'équipe, sans toutefois avoir eu l'opportunité d'obtenir un résultat convaincant sur cette désintégration "double-béta sans neutrinos" comme les physiciens l'appelaient. L'expérience se poursuivait. Une fois docteure de l'Université de Milan, elle n'avait eu d'autre choix que de partir durant trois ans au sein d'une autre collaboration avec un contrat post-doctoral. Elle avait choisi de rejoindre un groupe français participant à une grande collaboration internationale, toujours dans le domaine des neutrinos mais cette fois-ci, pour en étudier les oscillations. Cette expérience avait le 7 bon goût d'être implantée au labo souterrain du Gran Sasso, ce qui avait été pour Cristina un critère de choix déterminant, même si elle avait dû s'expatrier de longs mois dans la banlieue de Paris pour rejoindre l'équipe française. C'est à l'issue de ces trois années assez tumultueuses passées entre la France et l'Italie que Cristina put candidater sur un poste de chargée de recherche à l'institut national de physique nucléaire, l'INFN. Il ne s'agissait pas d'un poste fléché comme tant d'autres. Ce poste de chargée de recherche que Cristina décrocha était un poste "libre", autrement dit, elle avait l'opportunité rare de pouvoir choisir dans quelle équipe de recherche et sur quelle thématique elle voulait travailler. Cristina n'était pas familière avec ce type de détecteurs au début, elle avait été confrontée dans sa jeune carrière plutôt à des systèmes de détection fondés sur l'utilisation de semi-conducteurs ou d'émulsions. L'utilisation de gaz liquide était nouvelle pour elle, mais Matthew l'avait épaulé dès le début, lui qui était spécialiste de ces types de liquides si particuliers, et surtout de leur purification. Cristina avait dû apprendre les fondements très vite dès son arrivée au sein de l'équipe de l'Institut de Milan qui participait activement à la collaboration internationale. Car XENO1000 n'était pas une petite collaboration italienne ni même européenne, elle incluait aussi de nombreux américains, pour au moins la moitié des 60 chercheurs impliqués, ainsi que d'autres européens : français, portugais, néerlandais, et trois chercheurs chinois de l'université de Shangai, mais qu’on ne 8 rencontrait pas souvent dans la grotte. La jeune femme aux longs cheveux noirs avait toujours participé à des grandes collaborations depuis ses premiers travaux de recherche. Elle aimait côtoyer des collègues d'autres nationalités, surtout quand ils venaient au labo souterrain, son labo souterrain, qu'elle connaissait comme sa poche, et qu'elle prenait plaisir à faire visiter lorsqu'ils arrivaient pour la première fois en Italie. 9 Chapitre 1 Bételgeuse était toujours là, rougeoyante et scintillante dans le froid de la nuit hivernale. Lever les yeux vers la constellation d'Orion était devenu comme un réflexe pour Cristina quand elle sortait du tunnel. Plonger dans le noir de l'Univers était un refuge pour laisser son imagination divaguer avant de revenir à des problèmes plus terre-à-terre. Elle se disait qu'en explosant, cette étoile massive produirait ce xénon si précieux aujourd'hui. "Ton xénon doit être ultra-pur si tu veux que ça marche...". Elle connaissait la rengaine de Matthew par cœur. La clé se trouvait évidemment là: purifier le xénon, ne rien laisser trainer dans le gaz d'autre que les atomes de xénon, les seuls utiles. Ce n'était pas une mince affaire, et Cristina avait accepté de prendre en charge cette tâche parfois un peu ingrate avec Matthew, John et Peter. Elle rentrait à L'Aquila une fois encore sans avoir réussi à remettre en route le purificateur isotopique. Le moteur de la voiture de service ronronnait tranquillement sur l'A24, elle venait de sortir du tunnel et des bribes de conversations lui revenaient par flashs, perturbant à peine sa concentration. "Le xénon liquide ne doit contenir aucun élément radioactif, aucun...", une évidence lorsque l'on cherche à utiliser du xénon pour détecter le même 10 genre de signal que celui qui est produit par une désintégration radioactive. Elle était fatiguée après avoir passé plus de quatorze heures d'affilée dans la "grotte". Demain serait un autre jour, un autre jour perdu pour la manip si on ne parvenait pas à remettre en route ce foutu purificateur isotopique. Cette course contre la montre que les chercheurs s'imposaient à eux-mêmes plongeait Cristina par moments dans un état anxieux, mais elle parvenait toujours à s'élever au-dessus de ses tourments. Elle avait déjà derrière elle une bonne expérience de la recherche en physique des particules, et elle savait pertinemment comment tout ça fonctionnait. Comme deux expériences utilisaient exactement les mêmes protocoles et les mêmes outils, il fallait être meilleurs que les autres, trouver des astuces que les autres n'avaient pas encore trouvées, pour espérer avoir de meilleurs résultats avant eux. C'était une lutte sérieuse tout en restant courtoise, le petit jeu de la recherche de la matière noire. Elle arrivait à Assergi, qui surplombait légèrement la sortie d'autoroute sur la droite. "N'oublie pas le radon...". Les mots de Matthew résonnaient dans sa tête. Le radon, un autre gaz, et sans doute le pire de tous. Le radon était l'ennemi numéro un, un gaz naturellement radioactif, qui était produit par les parois rocheuses du laboratoire comme dans toutes les montagnes du monde, un gaz qui s'insinuait partout, comme dans les bonbonnes de xénon fraîchement ouvertes. Il fallait se battre contre le radon, c'était une chasse, une guerre. Le piéger, par tous les 11 moyens, soit à la source, soit à l'arrivée. S'en débarrasser une bonne fois pour toutes n'était qu'une utopie, il revenait tout le temps, il était là, on le respirait, on l'exhalait, il s'insinuait dans sa lourdeur exceptionnelle. Cristina se gara sur le parking qui jouxtait le bâtiment des bureaux de l'Institut. Les lampadaires faisaient des ombres très courtes, laissant entrevoir le premier quartier de Lune derrière l'immeuble gris. Il n'y avait plus personne à cette heure-ci. John avait quitté la grotte une heure avant elle en compagnie de Peter, son acolyte et son double. Matthew devait les avoir précédés. Ils devaient déjà tous être rentrés à l'appartement. Ils ne traînaient jamais tard le soir. Il n'y avait pas grand-chose à faire à l'Aquila le soir en hiver de toute façon, contrairement aux mois d'été où les rues étaient animées jusque très tard. Les saisons à l'Aquila étaient très différentes. Cristina profitait toujours de l'hiver pour travailler tard dans la grotte. Elle aimait être saisie par le froid qui régnait dehors après avoir passé plusieurs heures dans l'atmosphère à la température toujours identique du laboratoire, vingt et un degrés. John Kisko et Peter Haynes venaient tout droit de Batavia, Illinois. Le froid des Abbruzes ne leur faisait pas peur. Ils faisaient partie de l'équipe de Chicago et du fameux laboratoire national américain qui portait le nom d'un prix Nobel italien, FermiLab. Ils participaient à XENO1000 dans les aspects liés à la purification du gaz. Ils en connaissaient plus d'un rayon sur les pièges à radon, John en avait lui-même développé de nouveaux types pour les adapter à différentes expériences de 12 mesures de rayonnements uploads/Geographie/ meurtre-au-gran-sasso-eric-simon.pdf
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- Publié le Nov 08, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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