UNIVERSITÉ DE LIMOGES U.F.R des LETTRES et des SCIENCES HUMAINES Département de
UNIVERSITÉ DE LIMOGES U.F.R des LETTRES et des SCIENCES HUMAINES Département de Littérature Comparée Le Discours du Voyageur sur Djibouti entre 1930 et 1936 Thèse de Doctorat Présentée par ABDOULMALIK IBRAHIM ZEID Sous la direction du Professeur J. M. GRASSIN et de J.D. PENEL Année universitaire 2003-2004 1 A mon père, …qui me manque ! 2 A ma mère, …qu’elle nous reste ! 3 REMERCIEMENTS Je remercie le Professeur des Universités, Jean-Marie Grassin pour son encadrement, ses motivations, sa réceptivité et sa disponibilité. Je le remercie pour m’avoir initié au monde de la recherche. Je remercie également Monsieur Jean-Dominique Pénel pour ses orientations, ses encouragements et sa disponibilité. Je remercie tous ceux qui m’ont soutenu de loin ou de près. Introduction 4 Introduction Introduction 5 Le discours du voyageur sur Djibouti entre 1930 et 1936 entre dans le cadre de deux notions théoriques de la littérature comparée : l’imagologie et l’émergence. Nous détaillerons le corpus, l’objectif, le plan ainsi que la méthodologie qui ont permis de réaliser ce travail. A- Une étude d’imagologie Jean-Marc Moura définit ainsi la notion d’imagologie dans le DITL (Dictionnaire International des Termes Littéraires) : Ensemble des travaux de littérature comparée consacrés aux représentations de l'étranger. L'imagologie a deux objets d'étude privilégiés: les récits de voyages et les ouvrages de fiction mettant l'étranger en scène1. Notre étude, qui entre dans le cadre de la littérature comparée, se propose de présenter et d’analyser l’image de l’indigène rencontré en Afrique ou en Arabie, l’Autre, à travers la littérature de voyage car comme le dit Jean Marie Grassin, la représentation de l’étranger, image d’un peuple chez un autre est une affaire d’imagologie2. La problématique soulevée par les œuvres induit une redéfinition de la littérature dans un cadre socio-politique, économique et culturel déterminé : celui de la colonisation en tant que réalité et mythe. Une étude approfondie ne pourrait certes se faire sans une connaissance préalable de la situation générale de l’époque et de son origine. Les textes étudiés, au demeurant divers, exprimant cette situation, nous ont appris dans l’ensemble qu’après une longue période coloniale, sombre et oppressive, des soulèvements continuels pour l’affranchissement de l’occupation coloniale dressèrent les deux peuples l’un contre l’autre. Les révoltes étaient la conséquence des souffrances et des bouleversements sociaux du peuple colonisé : au nom de la dignité, pour la récupération de la terre, de l’identité socio-culturelle, religieuse et politique, donc de soi ; du 1 Dictionnaire International des Termes Littéraires par J.M. Moura, article : « Imagologie » ; Limoges, 1999. 2 Idem, par J.M Grassin, article : « exotisme » ; Limoges. Introduction 6 côté des colonisateurs, la violence a essentiellement été justifiée par ce qu’ils appelaient : « l’apport civilisateur ». Nous nous sommes interrogés sur le rôle, l’engagement intellectuel des écrivains venus constater cette confrontation de cultures et de civilisations. Le peuple djiboutien a connu pendant un siècle des épreuves pénibles et fut exposé au péril de la dissolution par le phénomène de l’acculturation. Le passé historique, trop chargé entre deux communautés qui restèrent adverses jusqu’à la fin de leur lutte en 1977, nous interpelle, nous fils d’ex- femmes ou hommes colonisés. Il nous pousse à nous interroger sur le regard que les écrivains étudiés portèrent sur notre propre communauté, celle dont mes grands-mères, ma mère et nous-mêmes fûmes issues. L’idée d’étudier cette production littéraire nous était venue dans une période où les Européens semblaient ne plus s’intéresser à cette région de la Corne de l’Afrique que représente Djibouti, l’Ethiopie et le Yémen. Une autre raison psychologique à caractère individuel, pouvant aussi refléter un sentiment collectif, provint du désir d’essayer de retrouver et de revivre, même à travers une image, une lecture romanesque erronée, quelques bribes de ce passé d’oppression, de brimades, que l’entourage familial évoquait à la fois avec tant d’amertume, de souffrance, de joie, d’orgueil et de simplicité, afin de se retrouver, de retrouver une identité et de mieux s’assumer dans une culture double, contradictoire et ponctuée d’interrogations. Nous avons donc également cherché, à travers cette littérature exogène, des traces de notre Histoire ou plus précisément des témoignages, une expression écrite sur les rapports colonisateurs / colonisés. Avoir une idée précise sur la représentation de la femme et de l’homme colonisé dans l’imaginaire collectif colonial a été pour nous un cheminement essentiel. Vérifier la relation d’une situation socio-politique et historique, à travers un corpus constitué de productions écrites et plus précisément des textes écrits par des voyageurs, ne veut pas dire chercher l’authenticité. Mais ne pouvons-nous pas nous servir de cette analyse pour éclairer le rôle véritable que joua la littérature de voyage au service de la colonisation ? Introduction 7 B- Une émergence interrompue La particularité de Djibouti est sa petitesse par rapport à ses deux pays voisins : l’Ethiopie et la Somalie. Mais comme disait La Fontaine, « on a toujours besoin d’un plus petit que soi ». Cet adage s’avère vrai dans la mesure où Djibouti fut une plate forme de la France pour un investissement économique, politique et éducatif en Ethiopie, pays jamais colonisé et cible des diverses puissances européennes. Mais c’est le domaine éducatif qui va représenter le caractère unique de Djibouti. A cet égard, la période entre 1930 et 1936 nous paraît privilégiée. Du point de vue littéraire, d'illustres français ont accordé un intérêt particulier à Djibouti et à l’Ethiopie. A la fin du XIXème siècle il y eut Arthur Rimbaud et Pierre Loti. Entre 1900 et 1929, ce sont Hugues le Roux, Victor Segalen (à la recherche d’Arthur Rimbaud), Claude Farrère, Roland Dorgelès et Paul Morand. Mais la période faste se situe entre 1930 et 1936, on dénombre alors plus de 28 productions littéraires écrites. C'est en quelque sorte un épanouissement et un âge d'or littéraire colonial pour ce petit pays qu'est Djibouti. Le processus est interrompu brutalement. En effet, de 1936 à 1945, se succédèrent d’abord l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie (1936), puis à partir de 1939 la seconde guerre mondiale. Et en 1939, la Côte Française des Somalis (CFS) vichyssiste, subit le blocus anglais avant d’être libérée en 1943 par les Britanniques et les résistants français. Les voyageurs devinrent quasiment rares d’où l’absence totale, à cette époque, de productions écrites. En revanche des écrits politiques, notamment ceux de A. Goum3, furent publiés pour défendre les intérêts de la France en CFS menacée par les ambitions de Mussolini et du fascisme. Entre 1930 et 1936, on assistait en réalité à une double émergence : une du côté interne et une autre du côté externe. Dans le premier cas, le côté 3 Goum (A.). - Djibouti, création française, bastion de l’Empire - Paris : Comité de l’Afrique française, 1939. Introduction 8 interne : c’est le développement du français dans la sous région. Paradoxalement, à cette époque, le français est beaucoup plus enseigné en Ethiopie qui compte un grand nombre d’établissements secondaires où il est utilisé comme langue d’enseignement. Dans le domaine de la presse, il y a même des publications en français : en 1932 L'Ethiopie commerciale de Ch. Sakelladis; en 1934 La Voix de l'Ethiopie. Les Ethiopiens ne sont pas en reste, à côté de ces publications étrangères : Il faut mentionner qu’en 1930, un livre est même publié à Paris et en français. Il s’agit du livre de Guebre Sellasié Chronique du Règne de Ménélik II, roi des rois d'Ethiopie, traduit de l'amharique par Tesfa Sellasié (2 volumes). Le gouvernement, lui-même, fait paraître en 1935, la Revue Nationale. A Djibouti, l’école primaire publique, née en 1921, ne compte qu’une centaine d’élèves et moins d’une dizaine d’enseignants djiboutiens au début des années trente. C’est pourtant à ce moment qu’apparaissent timidement quelques associations et quelques petites productions théâtrales en français réalisés par des Djiboutiens. A Djibouti l’émergence était donc moins significative. Et pourtant c’est Djibouti qui était une colonie française et non pas l’Ethiopie. Dans le deuxième cas, le côté externe, c’est l’émergence d’une littérature d’expression française, écrite par des auteurs français à l’exception d’Ida Treat qui était américaine écrivant en français. Nous assistons donc à une prolifération d’auteurs et de textes sur Djibouti. Or, en 1936, c’est l’arrêt total de ce qui nous a paru comme le début de l’émergence d’un phénomène linguistique et littéraire. Et ainsi cette double émergence subit une rupture dont un des éléments est quasiment irréversible : le français en Ethiopie est interdit par les Italiens durant leur occupation (1936-1943) ; mais après leur départ en 1943, les Ethiopiens, libérés par les Britanniques, remplacent le français comme langue d’enseignement par l’Anglais. A Djibouti, l’école est interrompue à cause de la guerre et du blocus ; elle redémarre après 1945 et ce n’est qu’en 1948-49 Introduction 9 que sera créée une classe de sixième ! Quant à la production littéraire française djiboutienne, à part William (Joseph Farah) Syad4 qui commence à publier en 1959 (Khamsin, préfacé par L.S Senghor) – mais qui a fait ses études secondaires à l’extérieur – il faudra attendre la fin des années soixante dix (Abdoulaye Doualeh, Omar Osman Rabeh) et surtout les années uploads/Geographie/ monfreid-abdoulmalik-ibrahim-zeid.pdf
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- Publié le Jan 08, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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