Vues sur la ville DOSSIER : No 19. Décembre 2007 Institut de géographie 1 L’évo
Vues sur la ville DOSSIER : No 19. Décembre 2007 Institut de géographie 1 L’évolution de la ville, de ses rythmes, la transformation de ses espaces et de leurs usages posent la question des enjeux et des intérêts de la requalification des espaces publics tant dans leur valeur symbolique, esthétique que fonctionnelle. Espaces démocratiques, arè nes publiques, lieux de rencontres et de passages, ils sont le support des rythmes de la vie quotidienne et le reflet du quartier ou du territoire dans lequel ils se trouvent. Aujourd’hui, les nouvelles politiques cherchent à restituer ces espaces aux piétons et à la population. L’enjeu est de taille. Il s’agit de recréer du sens, de redonner une cohérence, une lisibilité au territoire parfois essaimé, et de remédier aux conséquences d’une ville défigurée par le tout-voiture et son corollaire, les parkings. Par requalification, on entend un processus d’intervention sur l’espace, intervention qui peut s’inscrire aussi bien dans la durée qu’être l’action de gestes ponctuels et éphémères. C’est le cas notamment du projet de la ville de Genève, « Les yeux de la ville » ou encore celui du « Festival Luminis » qui par ses projections de lumière et d'images sur des bâti ments cherche le temps d'un instant à détourner l'usage des façades. Ces interventions permettent non seulement de transformer le regard porté sur le lieu, de détourner les fonc tions premières, mais également de créer de nouveaux usages et espaces de vie. Dans cette perspective, l’introduction ou ré-introduction d’éléments qualitatifs tels que l’art, la lumière ou encore le végétal offre une diversité d’approches et de travail sur les fonctions et ambiances recherchées pour ces espaces. Nous pouvons ici citer l’exemple de Barcelone, qui, sous l’impulsion d’Oriol Bohigas, introduisit en 1980 une nouvelle poli tique présentant l’espace public comme nouveau champ d’investigation de l’architecture contemporaine dans la perspective de création et de requalification d’espaces publics en tant qu’élément fédérateur d’un quartier, de lieu de rencontres et d’espaces d’expression. Plus largement, cette requalification peut permettre d'offrir un nouvel élan à des territoires en déclin. L’exemple de l’Emscher Park est à ce titre significatif d'« une requalification qui marie paysage, lumière et art au service d’une stratégie urbaine et culturelle puissante ». Cette revalorisation des espaces publics rejoint la réflexion critique déjà opérée au 19ème siècle par John Ruskin sur l'aménagement urbain et l'architecture moderne selon laquelle leur pauvreté qualitative et esthétique est un reflet d'une société qui, orientée vers des préoccupations économiques, a oubliée la fonction vitale que jouent ses aménagements urbains. Aujourd'hui, les aménageurs, artistes et paysagistes ont remplacé l'architecte d'antan et les défis de ces requalifications se situent à deux échelles de l'espace urbain : il s'agit d'une part, à l'échelle de l'agglomération, de permettre par les réseaux une accessi bilité aux grands équipements et lieux de centralité et, d'autre part, à l'échelle du quartier, de permettre une réappropriation de ces espaces. Sg La requalification des espaces publics: enjeu de l'urbanisme durable Sommaire EN VUE 2 Lausanne cherche sa voie (verte) DOSSIER 3 Espaces publics et requalification BONNES PRATIQUES 7 PRE-VUES 8 Vues sur la ville 2 en vue L’événementiel, une condition urbaine ? La « révélation de la ville par le jardin » que constitue Lausanne Jardins a engendré une notoriété internationale pour la capitale vau doise dans l’art du paysagisme urbain. Dans un contexte d’hyper compétition entre les villes, au coude à coude dans une lutte pour attirer riches contribuables et investisseurs, ce type de manifestation fait figure d’action stratégique. Il participe à la mise en valeur des atouts la ville, qui s’affiche comme métropole culturelle dynami que où il fait bon s’établir. Le rayonnement de la manifestation - une centaine d’articles ont relaté la dernière édition dont certains publiés dans le New York Times, El Pais ou encore Le Monde - contribue à n’en point douter au pouvoir attractif global de l’agglomération lausannoise. Yb Les voies ferrées forment un fertil terreau d’ins piration. Après avoir germé le long des rails du Flon à Renens lors de la précédente édition (2004), la manifestation Lausanne Jardins pren dra racine sur le tracé du métro M2 en 2009. Du vert sur le ferroviaire Consacrée à l’art du jardin dans la ville, ouver te aux paysagistes, architectes et artistes du monde entier, cette manifestation repose sur un concours d’idées pour réaliser une trentaine de jardins disséminés le long d’un itinéraire pié tonnier. Des Croisettes à Ouchy, sur près de 350 m de dénivellation, les jardins urbains se donneront à voir en boucles. Quatre circuits de promenade seront calqués sur un M2 exploité comme remonte-pente, permettant aux visiteurs de parcourir les cheminements dans le sens de la descente. Douce mobilité… La mise en service du métro M2, en créant un fort contraste entre l’espace souterrain et un paysage en balcon, modifiera fortement la perception que se font de la ville habitants et visiteurs. Mais cette nouvelle infrastructure changera aussi les usages en terme de choix de mobilité. La manifestation Lausanne Jardins 2009 pourrait participer à ce changement de pratiques, en contribuant à rendre le métro plus familier pour les lausannois. En remettant « à l’honneur la pratique de la flânerie », cet événement culturel se veut aussi comme une invitation à (re)considérer la marche pour les déplacements quotidiens. …et nature « branchée » Cette exposition, alliant art et réflexion, est emblématique d’une nouvelle conception du rôle de la Nature dans la ville. Dépassant le simple effet de mode, la projection dans l’espace urbain d’une infrastructure verte en réseau témoigne de la prise de conscience des multiples vertus de l’interconnexion des écosystèmes (voir bonnes pratiques p. 7). Il serait ainsi fort souhaitable que la coulée verte proposée pour la manifes tation éphémère de l’été 2009 trouve une forme pérenne à l’avenir. Dans une perspective de développement et de création de capacités, Lausanne Jardins pourrait être valorisé comme opportunité pour l’expérimentation de nouvelles pratiques d’un urbanisme durable. Lausanne cherche sa voie (verte) Lausanne - Jardins 4ème édition Jardins dessus dessous Du 19 juin au 17 octobre 2009 www.lausanne jardins.ch Source: Lausanne-Jardins 2009 Vues sur la ville 3 dossier fêtes et des manifestations, mise en scène du patrimoine architectural et vitrine sur le monde. Les espaces publics peuvent être la matérialisation d’un cadre de vie urbain de qualité, et contribuer ainsi à l’attractivité de la ville contre l’indéfini du périurbain. Mais comment définir des espaces publics de qualité qui répondent à l’intérêt général au-delà de la somme des intérêts particuliers ? L’enjeu est triple : il s’agit de dépasser l’approche paysagère pour penser et coordonner ces espaces dans leurs dimensions fonctionnelles, sociales et spatiales. Les espaces publics sont avant tout les supports de fonctions collectives : commerces, cafés, places de jeu, etc. Ces fonctions peuvent être program mées de concert avec les réseaux, les densités et les mixités, de façon à viabiliser des équipements de proximité nécessaires à tous, tout en assurant l’accès aux niveaux de service plus rares ou spé cialisés. La sociabilité des espaces publics est ce qui définit « les manières d'être ensemble de grou pes sociaux différenciés, dans un contexte culturel donné »4. Cette sociabilité vise la coexistence d’usages sociaux multiples, en articulant d’une part des espaces véritablement publics, fortement normés, souvent dédiés aux déplacements, d’autre part des espaces que peuvent s’approprier les enfants, les jeunes, les âgés, territorialités différen ciées et néanmoins reliées des activités ludiques, de la station, de l’échange, de la vie des groupes ou de l’intimité. Enfin, la qualité spatiale n’est pas uniquement définie par l’aménagement du mobilier urbain et des espaces verts. Elle passe aussi par la capa cité d’une mise en cohérence entre les dimensions fonctionnelles et sociales de ces espaces d’une part, et les caractéristiques spatiales d’autre part : qualité des aménagements, mais aussi taille, déli mitation, perméabilité, localisation, accessibilité, structuration. Les espaces publics se différencient et se répondent dans un dégradé centre-périphé rie, de la place centrale large, ouverte et accessible à tous, au banc public plus intime au fond du parc. Un des principaux enjeux est donc de penser les synergies fonctionnelles, la compatibilité des pratiques et la congruence des espaces, ainsi que l’accord des temporalités. Il s’agit en particulier de médiatiser la coexistence de pratiques multiples, une des conditions nécessaires à la cohésion des sociétés urbaines. La clé de ces articulations est une conception urbanistique pensée en termes d’intégration des échelles : comment définir les relations du logement à la rue, et de la rue aux autres espaces du quartier ? Comment penser le quartier dans ses complémentarités fonctionnelles et symboliques avec l’agglomération ? JPd Références: 1 Zepf M. (1999), Concevoir l’es pace public, les paradoxes de l’ur banité : analyse socio-spatiale de quatre places lau sannoises, Thèse no 1994, EPFL, Lausanne. 2 Dans cet article, nous étendons la notion d’es pace public à celle d’espaces communs, équi pements publics ou privés, ouverts ou fermés et qui sont le support des activités « citadines » (com merces, cafés, musées,…) 3 Habermas, J. and Buhot de Launay, M. (Eds.) (2003) L'espace public : archéologie uploads/Geographie/ no-19-2007.pdf
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- Publié le Mai 21, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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