Etudes Celtiques Notes sur la civilisation gallo-romaine, IV. «Teutates, Esus,
Etudes Celtiques Notes sur la civilisation gallo-romaine, IV. «Teutates, Esus, Taranis» Paul-Marie Duval Citer ce document / Cite this document : Duval Paul-Marie. Notes sur la civilisation gallo-romaine, IV. «Teutates, Esus, Taranis» . In: Etudes Celtiques, vol. 8, fascicule 1, 1958. pp. 41-58; doi : https://doi.org/10.3406/ecelt.1958.1302 https://www.persee.fr/doc/ecelt_0373-1928_1958_num_8_1_1302 Fichier pdf généré le 06/09/2019 NOTES SUR LA CIVILISATION GALLO-ROMAINE, IV. «TEUTATES, ESUS, TARANIS » PAR Paul-Marie DUVAL Aucune précision n’est négligeable au sujet de ces trois dieux celtiques que nous avons la chance de connaître par trois vers de Lucain transmis avec annotations et commentaires, par des inscriptions gallo-romaines et des documents figurés. L’article de Salomon Reinach, dont je reprends ici le titre (Rev. Celtique XVIII 1897 = Cultes , Mythes et Religions, t. I), nous avertit du fait que ces divinités ne forment pas une triade nationale parce qu’elles ne sont pas prêtées par le poète à la Gaule tout entière mais seulement à certains peuples, qu’il ne nomme d’ailleurs pas. Depuis, des notices ont rassemblé les documents qui les concernent, notamment dans la Real-Encyclopädie par les soins de Ihm (Esus 1909), de Heichelheim (Taranis 1932), de Gröber (Teutates 1934). Comme suite à une synthèse rapide que j’ai récemment publiée (Les Dieux de la Gaule, Paris, 1957), je voudrais apporter ici quelques observations complémentaires portant notamment sur les textes et faire le point de nos connaissances positives concernant chacun de ces grands dieux gaulois, leurs noms et leurs personnalités. Les textes, tout d’abord : Io Lucain, Pharsale, I 444-446, après avoir cité uff grand nombre de peuples gaulois, dont, en dernier, les Trévires et les Ligures, de l’époque de César : 2-1 42 PAUL -MARIE DUVAL el quibus inmilis placatur sanguine diro Teutates horrensque feris altaribus Esus el Taranis Scythicae non mitior ara Dianae « et (les peuples) qui apaisent par un sang détestable le féroce Teutates, le hideux Esus sur ses foyers cruels et Taranis, autel non moins inhumain que celui de la Diane de Scythie ». Quant à la construction du troisième vers, Taranis peut être un génitif complément du sujet ara (cf. Lejay, Lucani liber primus, 1894), ou ara une apposition à un nominatif Taranis en fonction de sujet. Il semble toutefois que la construction de la phrase repose sur le parallélisme attendu des trois noms divins et combine avec un raccourci syntaxique (et Taranis ara non mitior arä Scythicae Dianae ) un raccourci expressif (identification du dieu et de son autel), qui serait bien dans la manière de Lucain. Plutôt qu’un génitif, Taranis doit être le nominatif que nous retrouvons une fois par ailleurs dans l’anthroponyme de l’inscription C. I. L., III 7 437 (1. 55) = 6 150 = 12 346 (v. plus loin). 2° Lactance, Div. instil. I, 21, 3 : Galli Esum atque Teutatem humano cruore placabant. 3° Commentaire de Lucain conservé à Berne, dans un manuscrit du xe siècle, ce commentaire remontant dans ses parties les plus anciennes au ive, pour le reste au vme et au ixe siècles ( Commenta Lucani Bernensia, ed. Usener 1869 ; Zwicker, F. H. R. C., p. 50). Je dois à l’amitié de l’éminent latiniste qu’est M. Henri Frère la traduction que voici, ainsi que les observations ajoutées en note : Mercurius lingua Gallorum Teutates dicitur, qui humano apud illos sanguine colebatur (Mercurius dans le parier des Gaulois est nommé Teutates, lequel était honoré chez eux de sang humain). Teutates Mercurius sic apud Gallos (( TEUTATES, ESUS, TARANIS )) 43 placatur: in plenum semicupium1 homo in capul demillillur , ut ibi suffocetur (Teutates-Mercurius chez les Gaulois est apaisé ainsi : dans un cuveau empli, un homme est plongé par la tête, pour y être asphyxié). Hesus Mars sic placatur : homo in arbore suspenditur , usque donec per cruorem membra digesserit 2 (Hesus-Mars est apaisé ainsi : un homme est suspendu à un arbre jusqu’à ce que, par suite de l’effusion de son sang, il ait laissé aller ses membres). Taranis Ditis 3 pater hoc modo aput 4 eos placatur: in alveo ligneo aliquod 5 homines cremantur (Taranis-Ditis pater est 1. Semi-cupium, le second composant étant un diminutif de cupa (comme pallium de palla) « baril » : « baril scié par le milieu, cuveau ». Le mot n’apparaît qu’ici et dans Du Cange : cupa brevior: est , inquit Papias, vas, in quo potest homo resupinus tacere in modo lintris. Il devait être d’usage et son sens s’est étendu du cuveau — employé ici dans le rituel du sacrifice gaulois -— à une sorte de baignoire-sabot. 2. Suspenditur : il est bien clair que l’emploi du terme ne postule pas le moins du monde l’idée d’une strangulation ; pour la construction, en regard de la formule arbori suspendere, v. Cic. Verr. 2, 3, 57 hominem corripi ac suspendi iussit in oleastro quodam... Tam diu pependit in arbore... quam diu voluntas Aproni tulit, Ulp. Dig. 48, 13, 6 in furca suspendisse, et autres. Membra digesserit: le verbe, apparemment bien transmis, est à prendre au propre ; il exprime l’abandon du corps, suspendu (et non pendu) à l’arbre, qui par suite d’une blessure rituelle, que le contexte per cruorem ne fait que suggérer, s’est vidé de son sang. Le Commentateur peut bien avoir eu en tête Lucain VI 88 (tabes) digerit artus, où il s’agit de tout autre chose et où le verbe a la signification secondaire de « consumer ». Pour la leçon per cruorem (Usener ; percurore ms. C de per cruore avec chute du tilde), elle ne se prête pas à la correction : et le percussor de Tourneur, Mus. Belge, VI (1902), p. 77, accueilli par Jullian, Hist. Gaul. II, p. 159, n. 2 (qui, de surcroît, indique disiecerit pour digesserit, supposant inutilement et sans vraisemblance la substitution du mot rare au mot banal), est tout arbitraire : un « tueur » serait chargé de la dilacération du corps fixé à l’arbre. Autrement A. Michaelis, Jahrb. der Gesellsch. für lothring. Gesch. 7 (1895), I, p. 160, Czarnowski, Be v. Celt. 1925, p. 1, F. Le Roux Ogam, 1955, p. 34. 3. Ditis: nominatif analogique de génitif, Quintilien, Pétrone, Apulée, Serv. Aen. VI 273 dicimus et hic Dis et hic Ditis (Neue-Wagener, Formenlehre, I, 283). 4. et 5. aput = apud, aliquod — aliquot: deux cas inverses de graphies courantes. Neue-Wagener, II, 813 et Thesaurus ss. vv. 44 PAUL-MARIE DUVAL apaisé chez eux de la façon suivante : dans une cuve de bois, un certain nombre d’hommes sont brûlés). Item aliter exinde in aliis invenimus1 (nous avons trouvé de même par la suite des témoignages variant selon leurs auteurs). Teutates Mars sanguine diro placatur, sive quod proelia numinis eius instinctu administrantur , sive quod Galli antea soliti ut aliis deis huic quoque homines immolare (Teutates-Mars est apaisé par un sang détestable, soit que les combats se mènent sous l’impulsion de sa volonté, soit que les Gaulois aient eu antérieurement coutume de lui immoler, à lui aussi, comme à d’autres dieux, des hommes). Hesum Mercurium credunt, siquidem a mercatoribus colitur (ils tiennent Hesus pour Mercurius, s’il est vrai qu’il reçoit un culte des marchands) et praesidem bellorum et caelestium deorum maximum Taranin 2 Jovem, adsuelum olim humanis placari capitibus, nunc3 vero gaudere pecorum (et, pour Jupiter, le maître des guerres et le plus grand des dieux du ciel Taranis, habitué jadis à être apaisé par des têtes humaines, aujourd’hui à se réjouir de têtes de bétail). 4° Scholies (adnotaliones) au texte de Lucain, trans¬ mises par des manuscrits qui vont du xe au xne siècle (Endt, Bibliotheca T eubneriana, 1909 ; Zwicker, F. H. R. C., 1. Aliter in aliis, type syntaxique aliter cum aliis loqui «parler aux uns d’une façon, aux autres d’une autre » Cic. Amer. 138. La phrase, d’une expression hâtive et négligée, s’entend clairement dans l’hypothèse de l’ellipse d’un objet comme tradita, suggéré sans difficulté par le contexte aliter in aliis invenimus (le parfait appelé par exinde) ; point d’articulation de la glose, elle nous fournit une indication précieuse sur les procédés de travail du Commentateur, — ou de sa source. 2. Taranin: sans doute une forme d’accusatif grec, type Alexin. Mais une trace d’accusatif celtique, type subst. ralin, pron. sosin, n’est pas impos¬ sible (cf. G. Dottin, La langue gauloise (1920), inscriptions nos 51, 7 èt 33). 3. Olim... nunc: l’énoncé se rapporte à une époque où le culte de Taranis dans sa forme évoluée était encore vivace. « TEUTATES, ESUS, TARANIS » 45 p. 51-52) : brèves et n’ajoutant rien au commentaire, avec lequel elles coïncident souvent dans les termes, elles con¬ tiennent seulement les identifications Teutates-Mercurius, Esus-Mars, Taranis- Jupiter, dont les deux premières pourraient être empruntées à la première partie du com¬ mentaire, la troisième à la deuxième partie. Analysons maintenant le commentaire dit de Berne. Tout d’abord, soulignons qu’il s’agit d’un seul « commen¬ tateur » et non de deux « scholiastes », comme on le dit le plus souvent. C’est un même auteur qui fournit en premier lieu une doctrine, puis une deuxième tirée posté¬ rieurement de uploads/Geographie/ notes-sur-la-civilisation-gallo-romaine-iv-teutates-esus-taranis-article.pdf
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- Publié le Fev 11, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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