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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/307736865 Poétique de l’arbre et de la forêt. Une lecture bachelardienne de l’œuvre de Jean Giono Article · October 2012 DOI: 10.13130/2035-7680/2400 CITATIONS 0 READS 557 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: The Biomimetic City: Theory, Risks, Applications View project Jean-Philippe Pierron Université Jean Moulin Lyon 3 118 PUBLICATIONS 169 CITATIONS SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Jean-Philippe Pierron on 18 June 2018. The user has requested enhancement of the downloaded file. Saggi /Ensayos/Essais/Essays Bachelard – 16/10/2012 11 Poétique de l’arbre et de la forêt: une lecture bachelardienne de l’œuvre de Jean Giono par Pierron Jean-Philippe Les arbres de montagne écrivent dans l’air des histoires qui se lisent quand on est allongé dessous. En montagne, il existe des arbres héros, plantés au- dessus du vide, des médailles sur la poitrine des précipices. Tous les étés, je monte rendre visite à l’un d’entre eux. Avant de partir, je monte à cheval sur son bras au-dessus du vide. L’air libre sur des centaines de mètres vient chatouiller mes pieds nus. Je l’embrasse et le remercie de sa durée. (De Luca 2011 : 80-81) En proposant une lecture et mise en perspective bachelardienne de la nouvelle de Jean Giono, L’homme qui plantait des arbres (Giono 2008), nous voudrions montrer quelles contributions la philosophie de Gaston Bachelard pourrait apporter à une imagination environnementale, et plus largement à une écologie de fondation. De même que Jean Giono (1895-1970) a pu écrire: ”je crois qu’il est grand temps qu’on fasse une «politique de l’arbre» bien que le mot politique semble bien mal adapté“, nous dirons qu’il est grand temps que politique et éthique de l’environnement trouvent leur poétique. Du moins si l‘on considère, qu’au-delà d’un souci immédiat de réparation des dégâts infligés à l’environnement, il est devenu nécessaire de penser à nouveaux frais notre manière d’être au monde; qu’il est devenu urgent de repenser les relations de l’homme et de la nature. Certes, il est un saut discursif entre les enjeux soulevés par la crise écologique actuelle et l’écophénonoménologie que l’on tentera de trouver chez Gaston Bachelard, lecteur des poètes. De fait, même si ce dernier put dénoncer un jour ceux qu’il nomma les “Attila des sources qui trouvent une joie sadique à remuer la vase du ruisseau après y avoir bu” (Bachelard 1942: 188), Bachelard n’est pas un écologiste! Notre hypothèse est pourtant que sa phénoménologie poétique, comme toute la phénoménologie, s’avère précieuse, pour nous rendre attentive à une compréhension Saggi /Ensayos/Essais/Essays Bachelard – 16/10/2012 12 extensive et intensive de ce que E. Husserl appela “monde vécu” (Lebenswelt) ou ”monde de la vie“ - une présence de l’être au monde qui solidarise l’homme avec son milieu -, malmenée, voire oubliée par la civilisation technologique. Sur ce point, la lecture que nous proposerons de la nouvelle de Jean Giono “L’homme qui plantait des arbres“ sera, nous l’espérons, exemplaire d’un tel projet. Aborder notre ancrage environnemental phénoménologiquement suppose une entrée théorique qui ne soit pas de l’ordre de l’évidence perceptive. Ne détermine-t-elle pas, ce faisant, un niveau de communication entre des êtres au plan d’une imagination transcendantale, pour laquelle le sensible de la grande image - et l’image de l’arbre en est une - est plus profond que la perception? Son enjeu n’est-il pas de nous donner à penser et à vivre moins la coexistence spatiale entre des objets la coexistence relationnelle entre des “sujets“, ici les liens des humains avec des non-humains et des milieux? Alors que, pour parler de la crise écologique actuelle, nous ne cessons d’emprunter une formulation spatialisante – l’homme se serait éloigné de la nature; il devrait apprendre à vivre proche de la nature – pour penser les relations de la nature, ne s’agit-il pas d’apprendre à se comprendre de la nature en intensifiant notre mode de présence à son égard par le biais de ces connecteurs imagés que traquent et travaillent les poètes? N’est-ce pas le sens de cette invitation pressante de René Char: “Laissez le grand vent où je tremble/S’unir à la terre où je croîs?“ 1- POUR UNE POÉTIQUE DE LA NATURE Si, de fait, le problème de la crise environnementale a été massivement investi depuis trente ans par les approches scientifiques, éthiques et esthétiques, la méthode proprement phénoménologique touche bien plus en profondeur, en travaillant «aux racines» même de cette crise. Certes, du point de vue scientifique, celui de l’écologie et des sciences de l’environnement, nous ne cessons d’être alertés par l’érosion de la biodiversité ou des atteintes climatiques, etc. Le discours scientifique cherche l’analyse explicative qui traite encore l’environnement du dehors. Vu de haut à partir de ce point de vue en extériorité propre à son souci de l’objectivité, le scientifique déploie des énoncés d’ordre constatif: quantification de la déforestation; géo-métrique d’une nature mise en nombres (hectares, cubages); modélisation aujourd’hui de la forêt puits de carbone. “La science d’aujourd’hui est délibérément “factice“ au sens cartésien du terme. Elle rompt avec la nature pour constituer une technique“ (Bachelard 1951: 3-4). Toutefois, si au mieux cette science présuppose empiriquement l’appartenance de l’homme à la nature, elle ne démontre pas pourquoi nous y sommes “attachés“. De fait, le point de vue naturaliste de l’activité scientifique pose comme point de départ méthodologique que l’homme et l’environnement ne sont que des phénomènes naturels, que la nature en nous ou en dehors de nous sont notre autre à traiter comme tels. Mais ce point de vue fait un saut démonstratif lorsqu’il en conclut que l’homme et l’environnement ne sont que des éléments objectivables comme les autres, considérant comme résolu le fait qu’il doive être solidaire d’une nature qu’il a contribué à précariser, parce qu’il y serait solidarisé de fait. Ainsi, on peut scientifiquement vouloir rendre compte des paysages, de la géographie physique au sein duquel se déploie la nouvelle de Giono; trouver fort naïve l’attitude Saggi /Ensayos/Essais/Essays Bachelard – 16/10/2012 13 consistant à attendre de la littérature ce qui devrait relever du sérieux rationnel de la science et de la technique; s’inquiéter de la plausibilité écologique et technique d’une replantation de forêts. Mais on voit vite l’insuffisance de ces enquêtes qui ne cernent guère l’enjeu véritable que mobilise ce geste poétique. Ainsi lorsque Giono situe le contexte de sa nouvelle dans une région délimitée au sud-est et au sud par le cours moyen de la Durance, entre Sisteron et Mirabeau; au nord par le cours supérieur de la Drôme, depuis sa source jusqu'à Die; à l'ouest par les plaines du Comtat Venaissin et les contreforts du Mont-Ventoux (Giono 2008: 9). son propos n’est pas de géomètre mais bien plutôt celui d’une géopoétique, d’une poétique de l’espace. Si l‘on peut bien se demander ce qu’il en est de ”Giono et la montagne de Lure, Perceptions, mythe ou réalité ?“ (Simon, 1997: 79-92), on doit surtout entendre qu’il s’agit, pour une poétique, de se départir aussi bien d’un modèle objectiviste qui réduit le milieu à ses données chiffrées, que d’un modèle subjectiviste qui ne ferait de l’espace qu’un lieu de projections affectives, pour trouver une voie tierce, celles de images qui nouent notre rapport au milieu par une métamorphose de l’exercice de la raison. De même éthique et politique environnemental relaient le langage de l’explication par celui de la normativité et l’invitation à la réforme des conduites personnelles, sociales et civilisationnelles en faisant de la nature un nouvel objet de devoir et de responsabilité, en définissant une norme environnementale: respectons la nature, protégeons les forêts, plantons des arbres, sauvons la planète! Elles s’épuisent à donner à la nature, aux non humains – animaux et milieux – une valeur intrinsèque qui oblige et définit de nouveaux territoires de la responsabilité. Ceci peut bien apparaître comme un nouveau moralisme ou bien une casuistique d’un nouveau genre si l’on ne parvient pas à montrer en quoi notre appartenance au monde de la vie nous oblige; si l’on ne se rend pas attentif à cette strate originaire qui se donne dans l’évidence d’une expérience vécue qu’il s’agit de décrire poétiquement; si l’on ne déploie pas le noyau éthicopoétique qui rend cet appel à la responsabilité vital. Giono, c’est notable ne dit pas ”il faut planter des arbres“, mais ”faire aimer à planter des arbres“. De son côté, et notablement, Bachelard, qui s’est pourtant abstenu de rédiger une morale, par petites touches sensibles, n’a cessé de noter que l’exercice de l’imagination doit précéder celui de la volonté, qu’il s’agit d’abord de tonifier la subjectivité par des images qui nous élargissent avant de définir des préceptes, des principes ou des règles morales. La vie morale est donc, elle aussi, comme la vie de l’imagination, une vie cosmique. Le monde entier veut la rénovation. L’imagination matérielle dramatise le monde en profondeur. Elle trouve dans la profondeur des substances tous les symboles de la vie humaine intime (Bachelard 1942: 202). Dit d’une autre manière, si l’on trouvera étrange que le personnage de Giono, Elzéard Bouffier, n’ait jamais existé, finissant uploads/Geographie/ poetique-de-larbre-et-de-la-foret-une-lecture-bac.pdf
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- Publié le Apv 24, 2021
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