Des langues, des domaines, des r´ egions.Pratiques, variations, attitudes lingu

Des langues, des domaines, des r´ egions.Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane Isabelle L´ eglise To cite this version: Isabelle L´ eglise. Des langues, des domaines, des r´ egions.Pratiques, variations, attitudes linguis- tiques en Guyane. Isabelle LEGLISE ; Bettina MIGGE. Pratiques et repr´ esentations linguis- tiques en Guyane : regards crois´ es, IRD Editions, pp.29-47, 2007. <halshs-00268388> HAL Id: halshs-00268388 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00268388 Submitted on 31 Mar 2008 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. Des langues, des domaines, des régions. Pratiques, variations, attitudes linguistiques en Guyane Isabelle LEGLISE Introduction Le Département français d’Outre-Mer de la Guyane connaît ce qu’on pourrait appeler deux grandes traditions de travaux en sciences humaines. D’une part, des approches anthropologiques ou socio-anthropologiques qui étudient des sociétés plus ou moins « traditionnelles » – depuis les travaux fondateurs (tels que ceux de Hurault (1965) ou (1972), Grenand et Grenand (1972) ou Jolivet (1982) aux travaux actuels (Collomb, 1997, Chapuis, 1998) – et dont certaines des contributions à cet ouvrage sont dans la droite ligne. D’autre part, des approches linguistiques ou ethnolinguistiques consacrées à l’étude de langues considérées comme « langues de Guyane » et dont on ne disposait pas, jusqu’à il y a peu, de description (Camargo, 2002, Goury et Migge, 2003, Launey, 2003, Patte, 2003). Une entrée par les peuples ou les communautés d’un côté, une entrée par les langues – au sens de langues maternelles, de ces peuples – de l’autre : deux approches traditionnelles, pour les disciplines académiques dont il est question, mais qui paraissent renforcées par le terrain guyanais lui- même. La Guyane semble en effet imposer au chercheur comme aux différents acteurs engagés sur le terrain, une approche au mieux anthropologique, au pire ethniciste, des relations sociales. Le discours commun guyanais découpe de fait la population présente sur le département en différents groupes aux définitions et frontières éminemment complexes – et mouvantes – mais qui s’imposent à tous comme une évidence. Amérindiens, Créoles, Métropolitains, Businenge, Haïtiens, Brésiliens, Antillais, Chinois etc. constituent, dans l’imaginaire collectif, autant de « communautés » ou de « groupes ethniques » distincts. Ces catégories sont particulièrement fécondes pour appréhender la société guyanaise, y compris dans les travaux en sciences humaines et sociales, comme l’atteste cette citation de l’historien S. Mam Lam Fouck (2002 :159) : « Aux revendications culturelles, créoles et amérindiennes, s’ajoutent celles des Businenge qui, eux aussi, entendent faire reconnaître leur culture. Les autres communautés, notamment celles qui regroupent des immigrés de nationalité étrangère, n’ont pas de revendications politiques. Mais elles tiennent à marquer l’espace culturel de leur empreinte en jouant soit de leur poids économique (Chinois, Hmong), soit de leur poids démographique (Haïtiens, Brésiliens, Surinamais). La communauté métropolitaine, longtemps marginale dans le paysage culturel a un rôle de plus en plus décisif dans le jeu social guyanais. » Plongé en terre guyanaise, le chercheur venant de l’extérieur, même s’il ne souhaite pas catégoriser a priori la population en fonction d’une grille de lecture ethniciste, sera confronté, à un moment ou l’autre de l’analyse, à cette dernière. Cette grille de lecture n’a pourtant pas été le point de départ des travaux que j’ai réalisés en Guyane. Il ne s’agissait pas d’étudier les pratiques langagières d’une communauté 14 particulière, mais bien plutôt d’offrir un premier panorama sur la pratique des langues en Guyane – et dans l’Ouest guyanais en particulier. Mon entrée se distingue donc des deux entrées mentionnées plus haut : elle n’est pas communautaire mais linguistique - au sens où on s’intéresse aux langues parlées, que ces dernières soient parlées par des locuteurs « natifs » ou non. Elle est par ailleurs et plus précisément langagière ou sociolinguistique, au sens où on ne vise pas directement la description de la structure des langues en présence mais plutôt la description de la pratique de ces langues, par des acteurs sociaux, et des attitudes que ces derniers émettent face aux langues. Ces travaux ont été réalisés suite au constat rappelé par Launey (1999) d’une absence de données fiables d’ordre sociolinguistique sur la pratique des langues en Guyane : estimation d’un nombre de locuteurs par langue, vitalité de ces langues, capacité de ces langues à jouer un rôle de communication entre les groupes etc., autant de domaines où le déficit d’enquêtes sur le terrain se faisait d’autant plus cruel que ces informations étaient nécessaires pour mener à bien les projets de mise en place, dans les écoles guyanaises, de formations adaptées dans certaines des langues premières d’une partie importante de la population (Goury, et al., 2000, 2005, Alby et Léglise, 2005, Lescure, 2005). Ce texte vise à illustrer quelques uns des résultats obtenus lors des travaux sociolinguistiques réalisés en Guyane ces cinq dernières années. Ces travaux s’appuient sur plusieurs traditions de recherche françaises et anglo-saxonnes : ils s’inspirent d’une sociolinguistique du plurilinguisme (en particulier des courants de la sociolinguistique urbaine, de la sociologie du langage et de la sociolinguistique interactionnelle), de propositions venant de l’anthropologie linguistique, mais également de travaux provenant de cadres théoriques s’intéressant traditionnellement à des données « unilingues » : l’analyse du discours et les théorie de la variation. Les résultats obtenus permettent d’ores et déjà de dresser un panorama global des langues en présence, d’illustrer l’extrême diversité des situations que comporte la Guyane (tant au niveau géographique, qu’au niveau des domaines d’activité quotidienne, ou qu’au niveau des interactions mêmes), et de dégager les dynamiques linguistiques à l’œuvre dans la région. Ils permettent également de se situer dans un certain nombre de débats et en particulier d’intervenir sur les politiques linguistiques éducatives actuellement en cours (Alby et Léglise, 2005, Léglise et Puren, 2005). Après avoir présenté quelques éléments de méthode, nous donnerons à voir un aperçu macro- sociolinguistique des langues parlées en Guyane et des dynamiques que l’on peut observer à ce niveau global. Dans une troisième partie, nous donnerons des illustrations du plurilinguisme d’individus en un lieu donné. Nous terminerons par la grande variété observée dans les pratiques, à un niveau micro-sociolinguistique et par les effets de ces contacts de langues sur les variétés linguistiques elles-mêmes. 1. Enquêtes, méthodes, données 1.1. Une enquête à grande échelle sur les pratiques déclarées par la population scolarisée L’évaluation sociolinguistique de la situation guyanaise nécessitait une enquête à grande échelle. Dans un premier temps, nous avons décidé de nous intéresser aux pratiques déclarées par la population – et en particulier par la population scolarisée, qui constitue une part importante de la population. Une grande enquête a donc été menée, en milieu scolaire, entre 2001 et 2004, auprès d’enfants d’une dizaine d’années, du cycle 3 de l’école primaire. Au total plus de 1000 entretiens individuels ont été réalisés, à raison d’au moins une classe par école, dans les zones géographiques suivantes : l’ouest côtier (Saint-Laurent du Maroni, 15 Mana, Awala-Yalimapo), le long du fleuve Maroni (des localités de Mayman et Apatou jusqu’à Antecume Pata en passant par tous les villages où une école est implantée), et, comme point de comparaison sur le littoral, Cayenne. Afin de pouvoir comparer nos résultats avec les rares données qu’on possédait déjà en Guyane lorsque notre enquête a débuté, on a utilisé le même type de questions que celles proposées lors d’une enquête sociolinguistique réalisée à l’école et au collège de Saint- Georges de l’Oyapock en 2001 (Leconte et Caitucoli, 2003), lors de questionnaires passés à l’écrit. Prenant en compte l’expérience de F. Leconte, plus probante au collège qu’à l’école primaire, la forme « questionnaire écrit » nous a paru peu pertinente pour des enfants qui ne se sentent pas forcément à l’aise avec l’écrit et qui risquaient fort de voir dans un questionnaire passé à l’écrit, qui plus est dans leur salle de classe, une sorte de test scolaire. Je me suis donc inspirée du questionnaire pour établir une liste de questions posées à l’oral, lors d’entretiens individuels, semi-directifs, entre enfant et chercheur, à l’extérieur des salles de classe. Par exemple : « Quelles langues est-ce que tu parlais avant de venir à l’école ? Dans quelle(s) langue(s) est-ce que tu parles à ta mère ? à tes sœurs et frères ? à ton père ? à tes amis ? En dehors de l’école, quelle(s) langue(s) parles-tu le plus souvent ? Quelles langues sais-tu écrire ? Quelles langues aurais-tu envie d’apprendre à parler ? à écrire ? Dans quelle(s) langue(s) ta mère te parle ? tes frères et sœurs ? tes amis ? Le X (par exemple, le français, langue citée comme parlée avec les amis, à l’école et parfois entre les frères et sœurs), tu le parles bien / très uploads/Geographie/ rafael-sopros-da-amazonia-resenha-beaudet.pdf

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