Sumer is icumen in, canon à six voix, vers 1310 Facsimilé London, British Libra
Sumer is icumen in, canon à six voix, vers 1310 Facsimilé London, British Library, MS Harley 978, f. 11v N. MEEÙS – SUMER IS ICUMEN IN – 2 Transcriptions 1. Voix supérieures Les entrées successives, à deux mesures de distance, sont marquées par les chiffres de 1 à 4. La transcription ci-dessus est conforme à celle de Davison & Apel1 ; on pourrait argumenter que les deux premières notes de l’original sont fa-mi, plutôt que fa-fa, mais cela ne change rien sur le fond. Le texte musical est accompagné de la description suivante : Hanc rotam cantare possunt quatuor socii. A paucio- ribus autem quam a tribus aut saltem duobus non debet dici, preter eos qui dicunt pedem. Canitur autem sic. Tacentibus ceteris, unus inchoat cum hiis qui tenent pedem. Et cum venerit ad primam notam post crucem, inchoat alius, et sic de ceteris. Singuli vero repausent ad pausaciones scriptas, et non alibi, spacio unius longe note. Cette rota peut être chantée par quatre compagnons. Elle ne doit pas l’être à moins de trois, ou au minimum deux, outre ceux qui chantent le pes. Elle se chante comme ceci : les autres se taisant, l’un commence avec ceux qui chantent le pes. Et lorsqu’il arrive à la première note après la croix [], un autre commence, et ainsi de suite. Chacun s’arrête aux pauses indiquées, et pas ailleurs, pour la durée d’une note longue. 2. Ostinato des voix inférieures (Pes, « pied ») Le manuscrit donne cet élément à deux voix et l’explication ci-dessus semble indiquer qu’il n’y a pas ici d’entrées canoniques : la première voix du dessus commence « avec ceux (au pluriel !) qui chantent le pes) » ; mais on voit bien que la deuxième voix ne fait que chanter les mesures 3-4 sous les mesures 1-2 de la première, et réciproquement, donc qu’il peut ici aussi y avoir un canon. La transcription proposée ici et ci-dessous suit celle de Davison & Apel. Le texte musical est accompagné d’une ligne de description pour chacune des deux voix : Hoc repetit unus quotiens opus est, faciens pausacionem in fine. Hoc dicit alius pausans in medio et non in fine, set immediate repetens principium. L’un répète ceci [les deux membres de phrase dans l’ordre 1–2] aussi longtemps que nécessaire, faisant une pause à la fin. L’autre chante ceci [les deux membres de phrase dans l’ordre 2–1], faisant la pause au milieu et pas à la fin, mais répétant immédiatement le début. 1 A. T. DAVISON et W. APEL, Historical Anthology of Music, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1946 R/1974, no 42, p. 44-45. N. MEEÙS – SUMER IS ICUMEN IN – 3 3. Le texte Une version anglaise modernisée est proposée ici avant la traduction française : Svmer is icumen in, Lhude sing cuccu, GroweÞ sed and bloweÞ med, and springÞ Þe wde nu; sing cuccu; Awe bleteÞ after lomb, LhouÞ after calue cu; Bulluc sterteÞ, bucke uerteÞ, murie sing cuccu. Cuccu, wel singes Þu, cuccu, ne swik Þu naver nu. Sumer is come in, Loud sing, Cuckoo, Groweth seed and bloweth mead, and spring’th the wood now, sing cuckoo. Ewe bleateth after lamb, Loweth after calf [the] cow; Bullock sterteth, buck verteth, Merry sing, Cuckoo, Well sing’st thou, Cuckoo, nor cease thou never now. L’été est arrivé, chante haut, coucou. La graine pousse, le pré fleurit et le bois croît maintenant, chante, coucou. La brebis bêle après l’agneau, la vache mugit après le veau, Le bœuf saute, le bouc pète, chante joliment, coucou, Tu chantes bien, coucou, n’arrête pas maintenant. Le texte latin, manifestement postérieur et mal adapté à la mélodie, ne nous retiendra pas. 4. Le canon réalisé N. MEEÙS – SUMER IS ICUMEN IN – 4 Analyse Le terme rota utilisé dans la description originale de ce canon renvoie à un mouvement circulaire apparenté à celui du rondellus décrit par Walter Odington : il s’agit d’une construction musicale par rotation des motifs. Le canon doit être compris comme une superposition verticale de motifs, déployée ensuite dans le temps pour donner l’illusion d’une construction progressive. Ici, les motifs (membres de phrase) ont une durée de deux mesures chacun. Leur superposition complète est acquise aux mesures 7-8 : il s’agit essentiellement d’une construction verticale ; mais les entrées progressives donnent l’illusion que la donnée de départ est essentiellement horizontale. Ceci peut se représenter schématiquement de la manière suivante, où on voit que les mesures 7-8 contien- nent verticalement toutes les données des mesures 1-8 de la voix supérieure : On aperçoit dans ce schéma que les entrées canoniques ne sont qu’un artifice et que la première préoccupation véritable de l’auteur a probablement été d’écrire verticalement les mesures 7-8, puisque ce n’est que là qu’il peut s’assurer que toutes les voix se combinent correctement entre elles. Ces deux mesures mettent en place une « harmonie » qui correspond à celles des deux voix du pes : il s’agit d’une triade2 majeure de fa sur les premiers temps, brodée par les notes mi-sol-si-ré (ou certaines d’entre elles) sur les seconds temps. Dès la mesure 9, la première voix remplace le membre de phrase a par une variante, a’, qui se superpose aux membres d (deuxième voix), c (troisième voix) et b (quatrième voix), et ainsi de suite : les quatre membres a b c d sont progressivement remplacés par a’ b’ c’ d’ comme on le voit en comparant la première voix des premier et deuxième systèmes (mes. 9-16) du canon réalisé ci-dessus. On s’attendrait à ce que le troisième système fonctionne de la même manière, avec quatre nouvelles variantes a” b” c” d”, mais un examen plus attentif permet de déceler un membre supplémentaire e de deux mesures, inséré entre d’ et a” Il en résulte qu’en 24 mesures le canon ne parvient pas à atteindre d”. Mais ceci invite à réexaminer le fragment e, dont on vérifie rapidement qu’il n’est qu’une variante de d : on en conclut que l’irrégularité introduite par le compositeur a consisté à faire intervenir d” avant a”, comme le montre la représentation paradigmatique ci-dessous : 2 On évite, pour de la musique aussi ancienne, de parler d’« accord », parce que le compositeur ne l’a certainement pas pensé de cette manière. La triade se caractérise par le fait que toutes les voix sont entre elles en consonances (tierces, quartes, quintes ou sixtes). Ce n’est qu’au début du XVIIe siècle que l’on en viendra à considérer différents types de triades comme des renversements d’accords parfaits. 1-2 3-4 5-6 7-8 a b c d a b c a b a N. MEEÙS – SUMER IS ICUMEN IN – 5 On en déduit la disposition complète du canon : 1-2 3-4 5-6 7-8 9-10 11-12 13-14 15-16 17-18 19-20 21-22 23-24 a b c d a’ b’ c’ d’ e = d” a” b” c” a b c d a’ b’ c’ d’ e = d” a” b” a b c d a’ b’ c’ d’ e = d” a” a b c d a’ b’ c’ d’ e = d” p1 p2 p1 p2 p1 p2 p1 p2 p1 p2 p1 p2 p1 p2 p1 p2 p1 p2 p1 p2 p1 p2 p1 uploads/Geographie/ sumer-is-icumen-in-canon-a-six-voix-vers-1310.pdf
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- Publié le Oct 28, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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