Introduction 7 L’ŒUVRE DU CARDINAL DE RICHELIEU ■ Armand-Jean du Plessis (1585-

Introduction 7 L’ŒUVRE DU CARDINAL DE RICHELIEU ■ Armand-Jean du Plessis (1585-1642) passa une partie de son enfance dans la demeure édifi ée par ses ancêtres, en un lieu appelé « Richeloc 1 ». Très attaché à cette maison familiale, il décida vers 1625 de l’agrandir. En eff et, en 1622, l’évêque de Luçon fut nommé cardinal, puis en 1624 il entra au service du roi et devint son principal ministre. Il devint le véritable bâtisseur d’une France moderne, qui lui doit son relèvement. Le modeste château de ses aïeux ne correspondait plus à sa nouvelle situation et son ascension politique le poussa à un projet ambitieux, capa- ble de rivaliser avec les plus belles demeures de son époque. Bien plus, il entreprit de construire une ville, sur un terrain pratiquement vierge 2. Après l’érection de la Seigneurie de Richelieu en duché-pairie (1631) 3, distinction accordée au Cardinal en remerciement de ses loyaux services et en témoignage d’honneur, Louis XIII l’autorisa en eff et à créer un bourg clos auprès de son château. Richelieu entreprit de fonder une « cité idéale » grandiose et unique, tracée au cordeau, qui porterait son nom, « une éclatante et superbe preuve du soin qu’il eut de sa gloire 4 » et liée avec le château dans un même programme architectural. Le château de Richelieu a malheureusement été détruit dans le premier quart du XIXe siècle. Acheté en 1805 pour 153 700 francs par un marchand de biens, Joseph Alexandre Boutron, il fut démantelé pierre après pierre pendant plus de quarante ans. Le parc lui-même fi nit par être morcelé 5. Ce château est toutefois connu grâce à de nombreux plans et gravures du XVIIe siècle, réalisés par Marot et Pérelle, et à une description très précise écrite par Vignier, ancien gouverneur du château 6. Si le château a disparu, la ville de Richelieu est restée quasiment intacte, telle qu’elle se présentait au XVIIe siècle (fi g. 1 à 6 et planche 1). Sa construction commença dès 1631 et les travaux avancèrent très vite. En 1638, les rues étaient tracées, les halles, l’église et le palais de justice étaient achevés. Son plan unique, organisé autour de deux places, devait être la vitrine du pouvoir. Les actuelles Place du Marché et Place des Religieuses, parfaitement symétriques, se nommaient en eff et Place Cardinale et Place Royale : le grand Cardinal avait voulu imprimer dans le plan de la ville son étroite collaboration avec le roi et rappeler le caractère « bicéphale » de la monarchie. Cette symétrie se retrouve à diff érentes [Le château de Richelieu, Marie-Pierre Terrien et Philippe Dien. Lavigraphies de Françoise Manceau] [Presses universitaires de Rennes, 2009] L E C H Â T E A U D E R I C H E L I E U 8 échelles : la ville forme un rectangle découpé lui-même en deux rectangles égaux par la Grande Rue. De part et d’autre, les vingt-huit hôtels se répondent comme dans un miroir. La Porte de Chinon répond à la Porte de Châtellerault. Les halles divisées en trois vaisseaux font écho à l’église située en face et organisée en trois nefs. Les hôtels furent tous construits de manière identique, conformément au devis établi sur les instructions du Cardinal. Les critères d’unité et de régularité, adoptés sous Henri IV pour les places parisiennes, ont ainsi trouvé ici leur prolon- gement. Les murs sont en moellons enduits, les chaînages et les croisées sont de pierre blanche, l’imposante porte cochère est surmontée d’un fronton et le toit est en ardoises. Mais à Richelieu, il s’agissait d’hôtels destinés à des notables, sans aucune fonction commerciale. Le rez-de-chaussée est donc dépourvu de boutiques et d’arcades destinées à les abriter. Fig. 1. Plan de la ville de Richelieu (cliché Patrick Sylvie Toubas, Offi ce de Tourisme de Richelieu). [Le château de Richelieu, Marie-Pierre Terrien et Philippe Dien. Lavigraphies de Françoise Manceau] [Presses universitaires de Rennes, 2009] I N T R O D U C T I O N 9 Fig. 2. Richelieu, Porte de Châtellerault (cliché Marie- Pierre Terrien). Fig. 3. La Grande rue de Richelieu, bordée par ses hôtels du XVIIe siècle (cliché Jean-Louis Laurence). [Le château de Richelieu, Marie-Pierre Terrien et Philippe Dien. Lavigraphies de Françoise Manceau] [Presses universitaires de Rennes, 2009] L E C H Â T E A U D E R I C H E L I E U 10 Fig. 4. Richelieu, hôtels de la Grande rue (clichés Jade Romain). [Le château de Richelieu, Marie-Pierre Terrien et Philippe Dien. Lavigraphies de Françoise Manceau] [Presses universitaires de Rennes, 2009] I N T R O D U C T I O N 11 Fig. 5. L’église de Richelieu, Place du Marché (cliché Marie- Pierre Terrien). Fig. 6. Les halles de Richelieu, Place du Marché (cliché Marie-Pierre Terrien). [Le château de Richelieu, Marie-Pierre Terrien et Philippe Dien. Lavigraphies de Françoise Manceau] [Presses universitaires de Rennes, 2009] L E C H Â T E A U D E R I C H E L I E U 12 LES HÉRITIERS DU CARDINAL ■ Le cardinal de Richelieu ne vint cependant qu’une seule fois visiter sa ville et son château, en 1632. Il préférait se rendre dans sa propriété de Rueil, qui était plus proche de Paris. À sa mort en 1642, Marie-Madeleine Vignerot du Plessis Richelieu, nièce du Cardinal, duchesse d’Aiguillon depuis 1632, devint son exécu- trice testamentaire. Elle régla la succession de son oncle et tenta d’apaiser ses ennemis, qui avaient redoublé de rancœur depuis sa mort. Dans ce but, elle off rit certaines pièces de la magnifi que collection d’œuvres d’art qu’il avait constituée 7. Elle fi t toutefois achever divers travaux et poursuivit notamment l’aménagement de la galerie et du salon 8. En 1652, Armand-Jean de Vignerot du Plessis (1629-1715) 9, petit-neveu du Cardinal, duc de Fronsac, après avoir intenté un procès à sa tante (qu’elle gagna), hérita du domaine de Richelieu. Il échangea le blason traditionnel des Vignerot contre celui, plus prestigieux, des Richelieu. En compagnie de son épouse Anne Poussart de Fors 10, le nouveau duc de Richelieu aimait venir dans son domaine de Richelieu et il y réalisa quelques travaux. L’abbé Bosseboeuf rapporte qu’il fi t installer un appartement au rez-de-chaussée du château, sous l’appartement du roi, tandis que l’ancien appartement du Cardinal devint celui de la duchesse. Et qu’il construisit des jeux de paume dans les jardins 11. Benjamin Vignier mentionne que la chambre de Lucrèce fut munie d’une alcôve par la duchesse de Richelieu 12. Une bibliothèque fut aménagée au-dessus de la Chambre de Moïse, située dans le pavillon à l’extrémité de l’aile droite 13. C’est à cette époque que le château de Richelieu devint célèbre et qu’il accueillit des hôtes prestigieux. Ainsi Louis XIV y séjourna deux fois, en 1650 puis en 1660 14. Vignier rédigea un guide à l’intention des nombreux visiteurs du château. Pour faire connaître ce magnifi que palais dans toute l’Europe, Marot et Pérelle réalisèrent des gravures… Mais Armand-Jean de Vignerot du Plessis , héritier d’un bien considérable, dépensa d’immenses sommes d’argent, mena une vie désordonnée et dissolue au possible, s’adonnant au jeu et vivant avec des femmes d’une manière peu conforme à son rang. Il fi nit par se retrouver criblé de dettes 15. En 1661, il ôta de la famille la charge de général des galères qu’il avait obtenue du vivant de son père, dix-huit ans auparavant. Il abandonna aussi son titre de gouverneur du Havre. Il n’obtint par ailleurs qu’un obscur grade de colonel et le cordon bleu, par égard certainement à la mémoire du grand cardinal de Richelieu : « Sans doute que Louis XIV ne regardait en lui que le nom qu’il portait et récompensait ainsi les services du grand oncle dans le neveu qui lui en rendait si peu 16. » Et quand il fut fait chevalier d’honneur en 1679, ce fut pour compenser la diminution du rang de son épouse, qui passa de la maison de la Reine à celle de la Dauphine 17… Pour renfl ouer ses fi nances, il se défi t de cette charge honorifi que quelques années plus tard contre 300 000 livres. Et il semble que, dès les années 1670, le château et ses collections aient commencé à souff rir. Plusieurs visiteurs constatent alors qu’il est délaissé et abandonné, « qu’il est le retrait de hiboux et de chauve-souris 18 ». Manifestement, l’entretien de l’ensemble laissait désormais à désirer… Dilapidant la fortune des Richelieu, Armand-Jean de Vignerot devint à la fi n de sa vie aussi dévot qu’il fut autrefois libertin. Il chercha en eff et à s’infi ltrer dans [Le château de Richelieu, Marie-Pierre Terrien et Philippe Dien. Lavigraphies de Françoise Manceau] [Presses universitaires de Rennes, 2009] I N T R O D U C T I O N 13 le cercle de Madame de Maintenon pour obtenir quelques faveurs du roi. Mais fi nalement ses biens furent saisis. Ruiné, il vint en exil forcé dans son château de Richelieu. Il fut condamné à vivre uploads/Geographie/ text-about-the-chateau-of-richelieu.pdf

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