1 M. Thioye – Droit des affaires Sous-titre II- Les commerçants Chapitre I- La

1 M. Thioye – Droit des affaires Sous-titre II- Les commerçants Chapitre I- La détermination de la qualité de commerçant (chapitre 2- Le statut des commerçants) Section 1- Les commerçants personnes physiques (entreprises commerciales individuelles) § préliminaire– Statut applicable : entreprise individuelle stricte ou entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) Dépourvue de personnalité morale, l’entreprise individuelle (commerciale ou autre), peut aujourd’hui se présenter sous deux formes, l’une classique ou commune, l’autre nouvelle et dérogatoire. Mais, dans tous les cas, il s’agit d’un exercice de l’activité en nom propre sans le relais d’un groupement doté de la personnalité morale (société notamment). Il convient alors de parler, en rigueur des principes, d’entrepreneur individuel (la personne du commerçant) plutôt que d’entreprise individuelle (la structure qui, juridiquement, n’existe pas faute de personnalité morale). Traditionnellement à responsabilité illimitée par nature, l’entreprise individuelle peut, depuis la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, être à responsabilité limitée. D’ailleurs, l’article L. 526-5-1 du Code de commerce, créé par la loi n° 2019- 486 du 22 mai 2019, dispose que « toute personne physique souhaitant exercer une activité professionnelle en nom propre déclare, lors de la création de l'entreprise, si elle souhaite exercer en tant qu'entrepreneur individuel ou sous le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ; « l'entrepreneur individuel peut également opter à tout moment pour le régime de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ». A- Formule classique ou de droit commun : l’entreprise individuelle à responsabilité illimitée (EI) 1° Règle directrice : le principe de l’unité (ou de l’unicité) du patrimoine Règle générale. Le principe, en France, est traditionnellement celui de l’unité du patrimoine (actuels articles 2284 et 2285 du Code civil posant le principe du droit de gage général des créanciers sur les biens du débiteur) puisque, en règle ordinaire, le patrimoine d’affectation n’est juridiquement pas admis. Ainsi, dans l’entreprise individuelle classique (pure et simple), la responsabilité de l’entrepreneur (commerçant ici) est illimitée puisque tout son patrimoine, personnel comme professionnel, sert de garantie à ses créanciers. Il n’y a pas, en 2 M. Thioye – Droit des affaires effet, de patrimoine d’affectation professionnelle (patrimoine affecté à l’activité professionnelle) et, de ce fait, le patrimoine personnel (biens non professionnels) n’est pas à l’abri d’éventuelles poursuites (mesures conservatoires ou exécutoires comme des saisies) de la part des créanciers professionnels (en cas de défaillance de l’entrepreneur). On dit alors, dans ces conditions, que la responsabilité du commerçant personne physique est illimitée puisqu’il ne dispose, en principe, d’aucun outil pour protéger ses biens personnels, ceux-ci n’étant pas juridiquement séparés de ses biens professionnels. 2° Règle correctrice : la technique de la déclaration d’insaisissabilité Règle dérogatoire. Le législateur a consacré, depuis quelques années, une technique juridique permettant à l’entrepreneur individuel de déroger au principe de l’unité du patrimoine grâce au mécanisme du patrimoine d’affectation. En effet, dans l’objectif de permettre à l’entrepreneur individuel de limiter sa responsabilité financière liée à l’exercice de son activité professionnelle, la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique est venue, entre autres mesures diverses destinées à promouvoir l’esprit d’entreprise, conférer audit entrepreneur individuel la faculté de déclarer insaisissables ses droits réels (pleine propriété ou démembrements de la propriété) détenus sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu'il n'a pas affecté à son usage professionnel (cette dernière extension, à tout bien foncier… non affecté à un usage professionnel, résultant de la loi n° 2008- 776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie). La déclaration, reçue par notaire sous peine de nullité, contient la description détaillée des biens et l'indication de leur caractère propre, commun ou indivis. L'acte est publié au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, de sa situation. Le nouveau dispositif, inséré aux articles L. 526-1 et suivants et R. 526-1 et R. 526-2 du Code de commerce, déroge expressément, même si ce n’est qu’en partie, aux articles 2284 et 2285 du Code civil posant le principe du droit de gage général des créanciers sur les biens du débiteur, puisque la déclaration d’insaisissabilité protège contre les saisies les droits réels sur l’immeuble constituant la résidence principale ou sur tout bien foncier qu'il n'a pas affecté à son usage professionnel. Notons, néanmoins, que la déclaration n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. B- Forme nouvelle et dérogatoire : l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) 3 M. Thioye – Droit des affaires Consécration. L’article 1er de la loi n° 2010-658 du 15 juin 20101 a inséré dans le Code de commerce, dans le chapitre consacré aux garanties (chapitre VI du titre II du livre V), une nouvelle section intitulée « De l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée » (EIRL) et comprenant aujourd’hui les articles L. 526-5- 1 et suivants et les articles R. 526-3 et suivants (dispositions réglementaires introduites par le décret n° 2010-1706 du 29 décembre 2010). Consécration d’un patrimoine d’affectation. La naissance de l’EIRL marque, de façon spectaculaire, une nouvelle manifestation du mécanisme juridique du patrimoine d’affectation. En effet, l’adoption du nouveau statut permet aux exploitants ou entrepreneurs individuels, que leur activité soit civile ou commerciale, de mettre leur patrimoine personnel à l’abri des poursuites de leurs créanciers professionnels. Il s’agit pour eux de séparer leur patrimoine personnel de leur patrimoine affecté à leur activité professionnelle, seul ce dernier étant susceptible de servir de gage à ses créanciers professionnels, sans création d’une quelconque personne morale (art. L. 526-6, al. 1er). Toutefois, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée redevient responsable sur la totalité de ses biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles relatives à la composition du patrimoine affecté ou aux obligations comptables ou bancaires (art. L. 526-12, II). Notons, en outre, que, en pratique, l’entrepreneur ayant besoin de concours financiers (crédits) pourrait bien avoir quelque peine à les obtenir des établissements de crédit s’il ne leur offre en garantie qu’un maigre patrimoine affecté : la fourniture d’autres garanties, comme un cautionnement, risque d’être incontournable. Composition du patrimoine d’affectation (article L. 526-6). Aux termes de l’article L. 526-6, al. 2, le patrimoine d’affectation est composé, principalement, de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire et qui sont nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle2 (sachant que « les biens, droits, obligations et sûretés nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle s'entendent de ceux qui, par 1 S’agissant des règles relatives à l’EIRL, l’entrée en vigueur de la loi est subordonnée à la publication, dans un délai de six mois, d’une ordonnance adaptant diverses branches du droit à l’EIRL (en outre, certaines dispositions ont nécessité l’intervention d’un décret d’application : art.L. 526-21). En revanche, les dispositions ne portant pas spécifiquement sur l’EIRL sont entrées en vigueur à compter de la publication de la loi : il en va ainsi, par exemple, de l’article 2 relatif aux mineurs commerçants. 2 Néanmoins, par dérogation à ce principe, l'entrepreneur individuel exerçant une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime peut ne pas affecter les terres utilisées pour l'exercice de son exploitation à son activité professionnelle. Et cette faculté s'applique à la totalité des terres dont l'exploitant est propriétaire » (art. L. 526-6, al. 3). 4 M. Thioye – Droit des affaires nature, ne peuvent être utilisés que dans le cadre de cette activité » : art. R. 526- 3-1, créé par le décret n° 2012-122 du 30 janvier 2012). Il peut comprendre, en outre, les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire et qu'il décide d'utiliser et d’affecter (mais qu'il peut ensuite décider de retirer du patrimoine affecté) à l'exercice de son activité professionnelle (sachant qu’un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté). Et, en cas de manquement grave à ces règles, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée sera responsable sur la totalité de ses biens et droits (article L. 526-12, al. 9). § 1- Les conditions d’acquisition de la qualité de commerçant Selon l’article L. 121-1 du Code de commerce, « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ». Cette définition fait ainsi primer le fond sur la forme ou la publicité. En effet, la reconnaissance de la qualité de commerçant ne dépend ni des éventuelles déclarations qu’a pu faire l’intéressé auprès des tiers (cocontractants ou fisc), ni même de l’immatriculation à laquelle il a pu ou non procéder au registre du commerce et des sociétés3. En revanche, la qualification est retenue dès l’instant où sont réunies les conditions de fond prévues par la loi et, à titre complémentaire, par la jurisprudence. Ainsi, sont commerçants ceux qui, ayant la capacité d’exercice nécessaire, font, en leur nom et pour leur compte, des actes de commerce à titre de profession habituelle. Trois séries d’éléments peuvent être tirés de cette définition uploads/Geographie/ thioye-droit-des-affaires-corps-2.pdf

  • 42
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager