henry david thoreau Les pommes sauvages Traduit par philippe jamet finitude 200
henry david thoreau Les pommes sauvages Traduit par philippe jamet finitude 2009 L’histoire du pommier Il est remarquable de constater combien l’histoire du pommier est étroitement liée à celle de l’Homme. Les géologues nous disent que l’ordre des Rosacées, qui inclut les pommiers, mais aussi ceux des Grami- nées, des Labiées ou encore des Menthes, firent leur apparition peu avant celle de l’homme sur la Terre. Il paraît que les pommes faisaient partie de l’alimen- tation de ces peuplades primitives inconnues dont des traces ont été récemment trouvées au fond des lacs de Suisse 1, des peuples que l’on suppose anté- rieurs à la fondation de Rome, si anciens qu’ils 7 © Finitude 14, cours Marc-Nouaux à Bordeaux, 2009. pensent que le premier couple fut tenté par son fruit. On raconte que des déesses se sont disputées pour lui, que des dragons en avaient la garde et que des héros s’employèrent à le cueillir. L’arbre est mentionné à trois reprises au moins dans l’Ancien Testament et son fruit dans deux ou trois autres circonstances. Salomon chante: «Comme le pommier parmi les arbres des bois, tel est mon Bien-Aimé parmi les jeunes hommes» 3 et encore «Ranimez-moi avec des gâteaux raisinés, fortifiez-moi avec des pommes» 4. La partie la plus noble de l’attri- but le plus noble de l’homme tire son nom de ce fruit: «la prunelle (la pomme) de l’œil» 5. Le pommier est aussi mentionné par Homère et Hérodote. Ulysse aperçoit dans le glorieux jardin d’Alcinoüs «des poiriers, des grenadiers, des pommiers [...] chargés de fruits» 6. Et, toujours selon Homère, les pommes figuraient parmi les plus beaux fruits que Tantale ne pouvait cueillir, le vent écartant tou- jours de lui les branches des pommiers. Théophraste connaissait le pommier et le décrivait en véritable botaniste. Selon la mythologie danoise, dans l’Edda poétique, «Iduna conserve dans un coffre les pommes que les 9 n’avaient aucun outil de métal. Une pomme sauvage, entièrement noire et toute ratatinée a été retrouvée dans leurs réserves. Tacite dit des anciens Germains qu’ils apaisaient leur faim avec des pommes sauvages (Agrestia poma) entre autres choses. Niebuhr 2 observe que « les mots désignant une maison, un champ, un labour, le vin, l’huile, le lait, les moutons, les pommes, et autres vocables ayant trait à l’agriculture et au cours paisible de la vie sont semblables en Latin et en Grec, tandis que les mots Latins relatifs à tous les objets de la guerre ou de la chasse sont com- plètement étrangers au Grec». Ainsi, le pommier peut être considéré comme un symbole de la paix, au même titre que l’olivier. Dès l’origine, la pomme acquit une importance et une universalité telles que son étymologie dans de nombreuses langues signifie généralement «fruit». Μηλον, en Grec, renvoie à la pomme, mais aussi au fruit d’autres arbres, ou encore au mouton, à toutes sortes de bestiaux et finalement, évoque l’abondance en général. Le pommier a été célébré par les Hébreux, les Grecs, les Romains et les Scandinaves. Certains 8 civilisés (urbaniores)». Théophraste inclut le pom- mier dans la deuxième catégorie et, en effet, il est dans un certain sens le plus civilisé de tous les arbres. Il est aussi inoffensif qu’une colombe, aussi beau qu’une rose et a autant de valeur que des troupeaux. Il est cultivé depuis plus longtemps que tous les autres arbres et, de cette manière, est plus humanisé. Qui sait si, à la longue, comme à la race canine, on pourra encore retracer ses origines sauvages? Il suit l’homme dans ses migrations, comme le chien, le cheval et la vache: au départ et un peu par hasard de la Grèce à l’Italie, de là vers l’Angleterre, puis vers l’Amérique et notre pionnier poursuit sa marche sans relâche vers le soleil couchant, emportant dans sa poche des pépins de pommes, ou peut-être quelques plants attachés à son bagage. Ce sont au moins un million de pommiers qui, cette année, conquerront une nouvelle frange de terres occidentales. Regardez comment la célébration de la Semaine des Floraisons, pareille au Sabbat, s’étend sur les prairies! Car ce ne sont pas seulement les oiseaux, les quadrupèdes, les insectes, les légumes et jusqu’aux pâturages que l’homme emporte dans ses migrations, mais aussi ses vergers. 11 Dieux, lorsqu’ils sentent approcher la vieillesse, n’ont qu’à goûter pour retrouver leur jeunesse. C’est de cette manière qu’ils garderont une jeunesse éternelle jusqu’à la destruction des Dieux». Loudon 7 nous apprend que «les anciens bardes Gallois recevaient une branche de pommier en fleurs pour récompense de leurs talents de chanteurs» et que «dans les Highlands d’Écosse, le pommier a été pris comme armoiries par le clan Lamont». Le pommier (Pyrus malus) prospère principale- ment dans les zones tempérées du nord. Loudon dit qu’«il pousse spontanément partout en Europe, zones glaciales exceptées, et dans toute l’Asie occidentale, la Chine et le Japon». Il existe également deux ou trois variétés de pommes indigènes en Amérique du Nord. Le pommier de culture fut introduit dans ce pays par les premiers immigrants et on considère qu’il s’y est acclimaté aussi bien que partout ailleurs. Il est probable que certaines des variétés actuelle- ment cultivées furent à l’origine introduites en Angleterre par les Romains. Pline l’Ancien, adoptant la classification de Théophraste, dit : « Parmi les arbres, certains sont complètement sauvages (sylvestres), d’autres plus 10 uploads/Geographie/ thoreau-les-pommes-sauvages.pdf
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- Publié le Apv 08, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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