a cura di Francesco Celia - Angela Ulacco prefazione di Gianfranco Fioravanti R

a cura di Francesco Celia - Angela Ulacco prefazione di Gianfranco Fioravanti Relazioni introduttive ai seminari della V “Settimana di Formazione” del Centro Interuniversitario “Incontri di culture. La trasmissione dei testi filosofici e scientifici dalla tarda antichità al medioevo islamico e cristiano” Pisa, Santa Croce in Fossabanda, 26-30 aprile 2010 Il Timeo Esegesi greche, arabe, latine La forme et les qualités des éléments: lectures médiévales du Timée Irene Caiazzo, Centre National de la Recherche Scientifique , Paris* Aussi bien les philosophes de la nature que les théologiens médiévaux s’in- téressent aux éléments: à leur origine, à la place qu’ils occupent dans l’univers, au rôle qu’ils jouent dans la formation des corps sensibles et dans le cycle de la vie humaine. Les traités de philosophie naturelle d’Aristote n’étant pas dispo- nibles en traduction latine avant le milieu du XIIe siècle, c’est principalement grâce au Timée de Platon, accompagné du commentaire de Calcidius, aux ou- vrages antiques et de l’Antiquité tardive préservant des bribes de la philosophie platonicienne et aristotélicienne et, à partir de la fin du XIe siècle, aux traduc- tions latines des traités de médecine arabe que se développe la réflexion sur les éléments entre le IXe siècle et le milieu du XIIe siècle. Tout particulièrement, les commentaires rédigés dans cette période sur la Consolation de Philosophie de Boèce et sur le Timée feront l’objet de la présente étude, puisqu’il s’est avéré que c’est dans ces textes que l’on trouve les exposés les plus pertinents et les plus stimulants sur la théorie platonicienne des éléments. Enfin, sera évoqué le témoignage d’un nouveau texte récemment retrouvé, à savoir le commentaire inédit de Thierry de Chartres sur le De Institutione arithmetica de Boèce. Platon parle des éléments en deux endroits bien distincts du Timée: lorsqu’en décrivant la formation du cosmos, il explique que l’artisan se sert du feu et de la terre pour que le cosmos soit visible et tangible (31 B - 32 C), et lorsqu’il se penche sur la chora qui accueille les choses sensibles et leurs transformations réciproques (53 C - 57 A)1. Le premier excursus se lit dans * Je remercie vivement Édouard Jeauneau (CNRS, Paris/PIMS, Toronto) et Jean-Marc Mandosio (EPHE, Paris) pour leurs remarques critiques très pertinentes ainsi que Claire Raynal (LEM, Villejuif) pour avoir amélioré mon français. 1 Sur la question très débattue de la “matière” chez Platon, je cite ici seulement quelques- 308 Il Timeo. Esegesi greche, arabe, latine la partie du Timée qui porte sur l’“Intelligence” et le second dans la partie sur la “Nécessité”. La première fois il s’agit d’une cosmogonie tandis que dans le second cas le cosmos est dans le flux du devenir qui relève, quant à lui, de la physique. Il faut garder à l’esprit cette double approche de la ques- tion des éléments. Dans le Timée 31 B - 32 C, l’enjeu est de lier entre eux le feu et la terre, situés aux deux extrémités opposées du cosmos: respective- ment tout en haut et tout en bas. Puisqu’il s’agit de deux corps solides avec trois dimensions, il est nécessaire d’introduire deux moyens termes pour les relier, comme c’est le cas pour tous les corps solides, à savoir deux éléments intermédiaires, l’air et l’eau. Ce passage du Timée sera évoqué à plusieurs reprises et exposé en détail dans le cours de la présente étude, puisque c’est précisément sur ce passage-ci que les auteurs latins, antiques et médiévaux, s’acharnent le plus. Il convient maintenant de rappeler brièvement les ca- ractéristiques principales de la théorie des éléments exposée dans le Timée 55 E - 57 A. Chaque élément a une forme géométrique à trois dimensions, à savoir un polyèdre régulier: le feu est un tétraèdre ou pyramide, l’air un octaèdre, l’eau un icosaèdre, la terre un cube. Les éléments possèdent égale- ment des qualités qui sont une conséquence directe de leur forme géomé- trique, par exemple le feu en forme de pyramide est mobile, aigu, pénétrant, léger, tandis que la terre en forme de cube est immobile. Les faces des trois polyèdres choisis pour le feu, l’eau et l’air peuvent se décomposer d’abord en triangles équilatéraux et ensuite en triangles scalènes, tandis que la face du cube, c’est à dire la terre, se décompose en triangles isocèles. Platon ajoute aussi un cinquième polyèdre, le dodécaèdre, dont le démiurge s’est servi pour le tout, lorsqu’il en a fait la disposition finale (nous n’en saurons pas plus sur ce cinquième élément qui donne du fil à retordre aux exégètes du Timée depuis l’Antiquité). Étant formés de triangles scalènes, les trois éléments – feu, air et eau – peuvent se transformer les uns dans les autres. uns des articles les plus récents sur le sujet: Narbonne (1997); Brisson (2003) et (2005); Fer- rari (2007). La forme et les qualités des éléments: lectures médiévales du Timée 309 En revanche, la terre peut être décomposée en triangles isocèles grâce à l’ac- tion pénétrante du feu, mais elle ne peut pas se transformer dans un autre élément: ses triangles peuvent juste se dissocier et s’associer à nouveau, en somme la terre ne peut produire que de la terre2. Cette portion du Timée n’a été traduite en latin ni par Calcidius – qui traduit, au IVe-Ve siècles, de 17 A à 53 C et qui s’arrête, peut-être volontairement, juste avant les passages sur les polyèdres –, ni par Cicéron qui traduit de 27 D à 47 B (avec quelques omissions). Quelques auteurs antiques, accessibles aux auteurs médiévaux latins, évoquent la théorie platonicienne des polyèdres réguliers de manière plus ou moins explicite; Calcidius lui-même y fait allusion dans son Com- mentaire sur le Timée. Cependant, la plupart des auteurs antiques illustrent la théorie des éléments en tant que parties constitutives du cosmos, d’après le Timée 31 B - 32 C. Après avoir examiné ces sources latines antiques et de l’Antiquité tar- dive, seront analysés les commentaires sur le livre III, mètre 9 de la Conso- lation de Philosophie de Boèce, rédigés du IXe au XIIe siècle. Ensuite, il sera question de trois commentaires du XIIe siècle sur le Timée 31 B - 32 C: les Glosae super Platonem de Guillaume de Conches, l’anonyme Appara- tus super Thimeum Platonis, conservé dans un manuscrit de Salamanque, et les Glosae super Platonem attribuées à Bernard de Chartres. Il en ressortira qu’aucun de ces commentaires médiévaux n’utilise ou ne fait référence à la forme géométrique des éléments d’après le Timée 55 C - 57 A, et qu’ils proposent tous une interprétation mathématique et/ou physique des liens entre les éléments évoqués dans le Timée 31 B - 32 C. À l’encontre de cette tendance générale, le commentaire de Thierry de Chartres sur le De Institu- tione arithmetica de Boèce se démarque de tous les autres textes, puisqu’il est le seul à citer expressément la théorie platonicienne des polyèdres et à parler de la forme des éléments. 2 Fondamentales les études de Luc Brisson dont: Brisson (19942), 358-93, et (2003a). 310 Il Timeo. Esegesi greche, arabe, latine 1. Plato latinus: Apulée, Calcidius, Macrobe, Némésius d’Émèse et Boèce Dans la mesure où les auteurs du XIIe siècle sont redevables de la tradi- tion antérieure pour leurs théories concernant les qualités et les liens entre les éléments, seront mentionnés les exposés qu’en donnent les auteurs an- tiques – Apulée, Calcidius, Macrobe, Némésius d’Émèse et Boèce – ainsi que les commentateurs médiévaux de la Consolation de Philosophie. L’ensemble de ces textes constitue en effet le cadre conceptuel dont se nourrit la pensée des commentateurs du Timée au XIIe siècle. La théorie platonicienne des polyèdres réguliers est exposée de manière très succincte dans le De Platone et eius dogmate d’Apulée qui ne formule aucune critique à son égard3. Cependant, sans doute à cause des critiques acerbes d’Aristote, surtout dans le De Caelo, la plupart des exégètes anciens du Timée sont gênés par le modèle géométrique de Platon, où les qualités ne font que dériver, en quelque sorte, de la forme géométrique des éléments, et qui exclut de manière catégorique la terre du processus de transformation réciproque des éléments. Quand on se tourne donc vers Calcidius – qui écrit au IVe-Ve siècle de notre ère – la situation est très différente: il est évident que quelques siècles de péripatétisme, de stoïcisme et de néo-platonisme ont laissé des marques indélébiles. Dans son Commentaire sur le Timée, Calcidius doit expliciter la théorie des éléments de Platon et faire en sorte qu’elle devienne “quali- tative” afin de pouvoir expliquer les transformations réciproques entre les éléments, fondamentales pour expliquer la génération et la corruption des corps sensibles. C’est à la fin du Commentaire sur le Timée, dans la section qu’il consacre à la matière, De Silva, que Calcidius revient sur le problème de la transformation réciproque des éléments et introduit, pour la première fois, les quatre qualités aristotéliciennes – frigus, siccitas, humor, calor; dans un court paragraphe il affirme que la terre se transforme, elle aussi, dans les 3 Apul., De Platone et eius dogmate, VII, 66-67. La forme et les qualités des éléments: uploads/Geographie/ timeo-exegesis-arabe-y-latina.pdf

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