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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/2 Ces Ukrainiens qui rentrent « s’engager » au pays PAR HELENE BIENVENU ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 3 MARS 2022 Rencontré au passage frontalier de Medyka (Pologne), Ruslan Shkola rentre en Ukraine. © Photo Hélène Bienvenu. À la frontière avec la Pologne, dans le flot de ceux qui fuient la guerre, on croise aussi des Ukrainiens qui font le trajet inverse, décidés à retourner au pays pour se battre ou être aux côtés de leur famille. Medyka (Pologne).– Casquette rouge sur la tête, Ruslan Shkola a l’air déterminé. Il descend du bus mis à disposition par les sapeurs-pompiers de Przemy#l pour faire la navette entre un centre commercial et le passage frontalier de Medyka. À l’inverse du demi-million de personnes qui ont fui l’Ukraine à la suite de la guerre déclenchée par Vladimir Poutine, Ruslan Shkola, lui, s’y rend. Direction Vinnytsia, pour retrouver sa sœur et ses neveux qui vivent dans le centre du pays. « Je suis arrivé il y a une semaine en Pologne pour un emploi que je viens de quitter car, entre-temps, la guerre a éclaté. Il y a eu des bombardements à 25kilomètres de chez moi et des tirs de roquette à 10kilomètres. Je ne peux pas rester en Pologne les bras croisés à regarder YouTube et à attendre que ma maison se fasse bombarder. Il faut aller à la guerre!», explique ce trentenaire qui pousse une valise grise et s’est fait offrir un sac à dos militaire par des amis polonais juste avant son départ. « J’ai pris ma décision sanshésitation, invective ce travailleur ukrainien. C’était plus difficile d’être au travail et d’observer ce qui se passait en Ukraine. Les Russes nous ont envahis, ils ont même utilisé le territoire du Bélarus, on va leur faire vivre un enfer dont ils ne reviendront pas ! » Ruslan Shkola au passage frontalier de Medyka (Pologne), alors que cet « ancien » de Maïdan rentre en Ukraine. © Photo Hélène Bienvenu. « La Russie cherche à nous empêcher de rejoindre l’OTAN et à nous dominer, sauf que l’avenir de l’Ukraine réside en Europe, pas en Russie»,continue cet ancien de «Maïdan», qui avait participé à la révolution de la Dignité en 2014, réclamant un rapprochement de l’Ukraine avec l’Union européenne. «Bien sûr que les Ukrainiens vont remporter la guerre, nous ne sommes pas des Cosaques pour rien! Mais cela va reposer sur l’effort de chacun d’entre nous, notamment sur ces jeunes qui s’engagent au front.» Une fois chez lui, Ruslan Shkola va s’empresser de vérifier sur Internet les possibilités qui lui sont offertes: mobilisation dans la défense territoriale ou encore défense citoyenne de proximité. «J’ai beau n’avoir pas de formation militaire, je vais apprendre à confectionner des cocktails Molotov. D’ailleurs, l’un de mes amis, un peu porté sur la boisson, dispose de plusieurs bouteilles de vodka chez lui, elles pourraient bien servir…» Un peu plus loin, face au bâtiment des gardes- frontières de Medyka, Alexander s’apprête lui aussi à regagner l’Ukraine. Ce quinquagénaire aimerait s’y enrôler dans l’armée. Interrogé sur sa motivation, il tire une bouffée de tabac puis, visiblement ému, il fouille dans sa poche pour sortir son téléphone et montre son fond d’écran. «C’est pour elle, pour ma petite fille, et ma famille que je reviens et que je rejoins l’armée.» Juste derrière, dans la foule, Lela et Vitaly, originaires de Ternopil, dans l’ouest de l’Ukraine, sont venus en Pologne peu après le début de l’invasion russe. Deux jours plus tard, ils sont sur la voie du retour. «Nous avons accompagné notre fille de 25ans. Elle Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/2 est enceinte de cinq mois et nous voulions qu’elle soit en sécurité, en Pologne, sous le parapluie de l’OTAN. Mais elle accouchera sans doute en Ukraine, la guerre sera finie d’ici là», indique Vitaly. Optimiste, ce père de famille, qui a déjà servi dans l’armée, il y a 30ans, lors de son service militaire à l’époque soviétique, se dit prêt à «dépoussiérer ses rudiments d’art militaire». Un peu plus loin, face au supermarché Biedronka, grande valise bleue à la main et capuche sur la tête, Dmytro Marchenko fait partie de ces membres de la diaspora installés en Pologne qui veulent rejoindre l’Ukraine. «Pour le moment, c’est compliqué et dangereux de se rendre à Kyiv [Kiev - ndlr] donc je fais du bénévolat à la frontière mais dès que ce sera possible, je partirai, ma valise est prête», lâche- t-il. Lui n’a aucune expérience militaire. «Il va falloir tout apprendre, et j’espère avoir la possibilité de me former.» Navette quittant la Pologne pour l'Ukraine. © Photo Hélène Bienvenu. À l’heure de peser le pour et le contre, chez cet Ukrainien de 24ans résidant dans la ville de #ód# depuis cinq ans, c’est le «pour» qui l’a largement emporté. «D’un côté, c’est vrai que c’est une décision difficile: j’ai fait une bonne partie de ma vie en Pologne, j’y ai un appartement. Bref, c’est un peu comme si je lâchais tout. Et je ne sais pas si je vais revenir en Pologne un jour. Mais en Ukraine, nous avons une défense territoriale, et je veux m’engager dans l’unité de ma région [près de Kiev – ndlr]», poursuit le jeune homme aux yeux verts. Sa mère, qui habite en Crimée, région annexée par la Russie en 2014, ne souhaite pas le voir rentrer. Lui en a décidé autrement. «Cela fait huit ans qu’il y a des tensions avec la Russie, on savait bien que ça allait exploser un jour. Pourquoi attendre pour aller défendre notre territoire?» Pour Dmytro Marchenko non plus, la victoire de l’Ukraine ne fait aucun doute: «Je connais beaucoup de gens de la diaspora qui ont fait le choix de retourner en Ukraine. Il est de la responsabilité de chacun de prêter main-forte à l’armée. C’est notre terre, notre pays qui est en jeu.» C’est ce même sentiment de «devoir» qui anime Ivanna Tkatchova, une Ukrainienne de 42ans rencontrée dans une école élémentaire de Przemy#l, dont le gymnase sert de dortoir à celles et ceux qui ont quitté l’Ukraine. Cette mère de famille a fait le trajet jusqu’en Pologne pour mettre sa fille de 14ans, Viktoria, à l’abri des bombes. Mais elle-même va regagner l’Ukraine. «Je comprends que des familles quittent le pays, c’est bien naturel, mais s’il n’y a plus d’Ukrainiens, il n’y a plus d’Ukraine. Il faut bien que certains restent au pays et le défendent. Moi je le sais depuis le début: je veux rester et je serai prête à m’engager en tant que bénévole pour aider à l’arrière ceux qui se battent ou pour les soigner. Et puis notre grande maison non loin de Lviv me manque terriblement, j’ai le mal du pays…»,confie- t-elle. Avant de serrer fort sa fille pour d’émouvants adieux. Directeur de la publication : Edwy Plenel Direction éditoriale : Carine Fouteau et Stéphane Alliès Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Capital social : 24 864,88€. Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. 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- Publié le Mar 11, 2022
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