L'ARGOT: SON HISTOIRE ET SES ACCEPTIONS * RODRIGO LÓPEZ CARRILLO Universidad de
L'ARGOT: SON HISTOIRE ET SES ACCEPTIONS * RODRIGO LÓPEZ CARRILLO Universidad de Granada Parler de l'argot suppose nommer d'abord une notion fondamentale de la stylistique comparée: celle de registre ou niveau de langue, qui peut varier d'une personne A l'autre selon les situations de cornmunication. D'autre part une langue n'est pas une entité statique car eiie évolue constamment. Comme fait rernarquer A. Pilorz l , la langue présente alors une différenciation "horizontaleW ou spatiale, qui serait composée des dialectes, patois, parlers régionaux, et une différenciation "verticale", qui serait composée des niveaux de langue ou dialectes verticaux, d'ordre socio~ulturel et avec des desseins expressifs ou affectifs du sujet parlant selon la situation oh il se trouvera. Ces différences existent a l'intérieur de toute langue de culture, qui tend a établir un code ou norme pour imposer le bon usage 2. 1 1 y a en francais, comme dans toute langue vivante, plusieurs niveaux de langue. Le Dictionnaire de linguistique de Jean Dubois en distingue trois: "Queiies que soient les situations linguistiques, on retrouve toujours au moins les trois niveaux suivants: une langue soutenue qui tend a ressembler au parler cultivé, utilisé dans la couche qui jouit du prestige * La partie consacr6e A I'argot est une dvision tds approfondie et tres e ~ c h i e dhne pade de mon article "Breve estudio sobre el argot francés", publié dans les Anales del Colegio Universirario de Almería, rnimero3, 1981, pp. 115-131. i ALFONS PILORZ, -Niveau de hngue et analyse de style", pp. 355-364. 2 Sur la norme cf.: E. COSERI U, "Sistema, norma y habh", dam Teoría del lenguaje y lingüisrica general, Madrid, Gredos, 1%9, pp. 11-1 13; ALAIN REY, "Usages, jugements et prescriptions linguistiques", dans Longue Franpise, 16, 1972, pp. 4-28; J. AUTH IER et A. M EUNIER, "Norme, grarnrnatwlité et niveaux de langue", ibid., pp. 49-62; ROLAND ELUERDI, "La norme et h correction des copies'', ibid., pp. 114-123; E . G E N O U ~ R ~ E R , " Q U ~ ~ ~ hngue parler A l'école? Propos sur h norme du franqais", dans iungue Fraqaise, 13, 1972, pp. 5-34; FRANCOISE HEL- G O R S K Y , -La notion de norme en jinguistique" dans Le Franpis M d r n e , tome L, 1982, pp. 1-14; JEAN-MARIE KLINKENBERG, -Les niveaux de langue et fdtre du'bon ~Sage' ", ibid, pp. ZYGMUNT M ~ ~ z ~ s , " N o r m e et usage en francais contemporain", dans Le Fraqais &m le Monde, 108, 1974, pp. 612; JOHN ROSS, "L'ktude des variétéset I'enseignement de langueW,dans Le Franqais&m Le Monde, 121,1976, pp. 11-17; RENÉ LAGANE, "Modkle descriptif et modele pédagogique", ibid, pp. 18-23; HENRI BESSK "La norme, les registres et i'apprentissage(ou les us et abus de h norrne)", ibid., pp. 24-29. 3 J EAN D UBOIS et mtrres. Dicrionnaire de lingui~lique, article 'niveaux de langue", p. 377. intellectuel, une langue courante qui tend a suivre les usages du parler populaire et desparlers patois': J.P. Vinay et J. Darbelnet et A. Malblanc 4 réalisent la division des niveaux de langue selon une volonté esthétique et fonctionneile: tonalité esthétique spécialisation fonct ionnelle 1. langue poétique 2. langue littéraire 3. langue écnte administrative, juridique, etc. 4. langue familiere 5. langue populaire 6. argot jargons Meme s'il est dfjcile de délimiter clairement les différents niveaux de langue, je préfkre les classer de la fwon suivante: 1. Langue élevée ou savante: langue tres spkialisée et comprise par les initiés; langue propre a des domaines scientifiques particuliers: psychologie, philosophie, chimie, linguisti- que.. . 2. Langue littéraire: langue académique et de cornmunication écrite; on pourrait dire que c'est ce qu'on apelle le franqak standard. 3. Langue courante ou familiere: langue de conversation entre les gens avec des niveaux d'éducation bon ou moyen; c'est le franqak commun pour la totalité des Francais. 4. Langue populaire: langue propre aux gens du peuple avec un bas niveau culturel. Plutot parlée qu'écrite. Spontanée. 5. Langue argotique: iangue propre aux non-conformistes: étudiants, artistes ... Elle ne differe actueilement pas beaucoup de la iangue populaire. Délimiter si un mot appartient a un registre ou a un autre serait tres difficile, carUentre les différents niveaux de langue -écnt E. Moreu-Rey- la frontikre est instable et indéfinissa- ble, toujours. Meme l'inclusion ou non dans certains dictionnaires n'apparaít pas un metre valable. Le Petit Larousse, qui se devrait de représenter l'état du francais normal, ne contient pas des mots que tout le monde emploie en France depuis longtemps, meme par écrit! Encore moins véridique le titre du Quillet- Flammarion, "Dictionnaire Usuel': dont les normes bornées ignorent des douzaines de mots parfaitement "usuels* a tous niveaux. 4 J.P. V INAY et J. DALBERNET, Stylistique comparée dufran~ais et de Ibnglois. Méthode de traduction. Paris, Didier, 1960; ALFRED MALBLANC, Stylistique comparée du fronpise et de I'allernand. Essoi de représeniation linguistique comparée et étude de traduction. 1968. citk par A LFONS P I L O R Z , op. cit., pp. 355-356. Les emprunts de la langue nouvelle a l'argot sont donc admis, au compte-gouttes, dans les éditions successives du Perit L. (Ne parlons plus du Quiller-F.)" 5. Comme notre lexique change avec le temps et nous changeons avec lui, Ferdinand Brunot affirme que "les limites qui séparent la iangue famiiiere de la iangue populaire et la langue popuiaire de l'argot sont assez flottantes: elles varient d'une personne a I'autre et d'une génération a l'autre. Comme il s'agit d'ailleurs de iangues essentiellement parlées, la mode y joue un grand role: nombre de mots et d'expressions n'ont qu'une existence éphémerew 6. Mais le fait de l'existence des influences d'un niveau sur un autre ne veut pas dire qu'ils s'identifient. En ce sens, j'emprunte les afinnations de Z. Marzys qui dit: "Je verrais plutat, dans le francais d'aujourd'hui, deux tendances fondamentales, l'une conservatrice et corres- pondant plus ou moins a la norme traditionnelle, l'autre novatnce, en pnse directe, sur I'évolution spontanée. Ces deux tendances interferent constamment et donnent lieu a des configurations multiples et variées (...). D'autre part, subjectivement, le locuteur n'a pas l'impression de changer de langue quand il change de registre: il a le sentiment de parler toujours le meme franqis, mais un francais plus ou moins conforme a la norme idéale" '. Les niveaux de langue, on l'a déja dit, dépendent de la différenciation sociale en classes ou en groupes différents et les pariants pourront employer un registre ou un autre selon les miiieux ou ils se trouveront. Par exemple, un étudiant qui emploie chez lui, dans sa famille, la langue soutenue ou courante, et avec ses camarades d'études des termes de son argot. 1 1 est clair qu'il s'agit donc "des caracteres stylistiques d'une iangue d'apres le degré deculture ou les 5 E. MOREU-REY: Regards sur la néologie la plus récente en franpis usuelw, pp. 478-4'79.11 écrit un peu avant dans le m h e article (p. 442): ' 1 1 y aurait un long arret A faire pour examiner la popularisaion - A tous niveaux de langue- d'une terminologie physiologique jusquici relativement hervée. Aux environs de 1%5, l'acceptation du mont 'con" par 1'Academie franpise (sens: imbécile, idiot) puis par le Sup. Robert avait encore provoquée un scandale. Mais le 4 octobre 1974, le vice-pksident du Sénat ne peut que poser une question écrite au Ministere de I'Education Nationale: est-il normal qu'un professeur de4e &ns un lycée propose en dictéea ses élkves un texte de R. QUENEAU (Zazie dans le mérro) ou le mont "con" se retrouve 14 fois en 10 lignes? ... Tout ce groupede motsest admis actueuement dans les dictionnaires: 11 faut noter, a ce sujet. ce qui pkcise aussi M ARINA YAGUELLO: "([...]le Robert reste plus lih6raienvers le franpis 'populaire'et les mots tabous que le Larousse). Mais, quelle que soit la norme choisie, combien de mots d'usage nul ou quiasi nul ont leur place dans le dictiomaire (le Yueur de mots" n'est pas encore passi)! Cornbien de mots franwis bien francais, d'un usage courant et connus de tous ne se trouvent dans aucun dictiomaire!" (Alice au pays du langage, p. 191). Pour s a part, HENRI MIT~ERAND écnt: 'Entre les différents niveaux de langue du franpis, les échanges se sont accm depuis quelques andes, en liaison directe avec les progr&s des moyens d'enrigistrement de la parole. (...) Les transcnptions en style parlé se multiplient dans les quotidiens et les hebdomadaires, et le vocabulaire des dialogues déteint souvent -avec ou sans guillements- sur cehii de leur présentation ou leur commentaire. Le lexique Wgaire" se &le ainsi au kxique 'soutenu": il y gagne un extension nouvelk. mais, cessant d'etre absolument typique d'un milieu, d'un individu et d'une situation 'langagi&reW déterminée, il y perd une part de son expressivité naturelle. L a distribution sémantique et stylistique des formes jusque-la exclues du franpis k n t , et ceUe des formes jusque IA exclusives dans I'usage soutenu, s'en trouvent peu a peu modifiées, et le temps n'es paséloigd ou des mots aussi grossiers que merdier ou emmerdeur -pour ne prendre qu'un uploads/Geographie/ universidad-granada.pdf
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- Publié le Mai 22, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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