Le foncier en Haïti La propriété foncière, entre complexités juridiques et impr
Le foncier en Haïti La propriété foncière, entre complexités juridiques et improvisations informelles depuis l’Indépendance janvier 2020 FICHE PAYS NO 8 : HAÏTI Comité technique Photo de couverture : Mathurine, lieu-dit de Camp Perrin, Haïti (février 2018) © V. Dorner LES FICHES PAYS. Ces fiches proposent une synthèse par pays des principaux enjeux, dynamiques et débats en matière de politique foncière. Les fiches pays ont été produites dans le cadre du projet mobilisateur « Appui à l’élaboration des politiques foncières », mis en œuvre par le Comité technique « Foncier & développement », présidé par le MEAE et l’AFD. Réunissant décideurs, experts et chercheurs, le Comité technique « Foncier & développement » est depuis 1996 un groupe de réflexion, qui éclaire les choix politiques de la France et contribue au débat international. Auteurs : Véronique Dorner et Alain Rochegude Relecteurs : Caroline Plançon (consultante indépendante) et Ely Thélot (expert Gret) La note de synthèse restituant les débats de cette journée est téléchargeable sur le Portail « Foncier & développement » www.foncier-developpement.fr Coordonné par le Gret (Aurore Mansion et Charlotte Ravaux) pour le compte du secrétariat du Comité technique « Foncier & développement » 3 SOMMAIRE I. LE CONTEXTE 4 1.1. Le contexte géographique 4 1.2. Le contexte historique 4 1.3. Une économie largement rurale 6 1.4. Une présentation un peu caricaturale d’une urbanisation résultant d’une désertification rurale 7 II. CADRE JURIDIQUE ET INSTITUTIONNEL 9 2.1. L’organisation administrative, celle de l’État et celle des collectivités décentralisées 9 2.2. L’organisation judiciaire 11 Le cadre juridique de l’organisation judiciaire 11 Les compétences foncières dans l’organisation judiciaire 13 2.3. Le dispositif légal domanial et foncier 15 Généralités 15 Le domaine public 19 Le domaine privé 23 Les terres privatives des personnes privées 28 L’expropriation 30 La fiscalité foncière 31 2.4. Cadre juridique des ressources naturelles et de l’environnement 32 Le régime juridique des forêts 33 Le régime des parcs et zones protégées 35 Le régime juridique des mines et carrières 36 Le régime juridique de l’eau 39 III. GRANDS ENJEUX DE LA GESTION FONCIÈRE 42 3.1. La question des terres « indivises » 42 3.2. Les terres domaniales, les tè leta 44 3.3. La distinction entre la propriété du bâti et celle du sol qui le supporte 45 IV. LE FONCIER DANS LES PROJETS OU PROGRAMMES EN COURS 47 4.1. Les programmes fonciers 47 Cadastre et sécurisation foncière 47 Projet de sécurité foncière en milieu rural 49 4.2. Exemple de programme agricole incluant un volet foncier 50 Les projets associatifs d’élevage bovin sur les terres de l’ancienne plantation Madrasse 50 4.3. Les opérations urbaines incluant un volet foncier 51 Aménagement et reconstruction de Baillergeau (Areba) 51 4.4. Les opérations d’aménagement incluant un volet foncier 51 Université Henri Christophe 51 Projet Destination touristique Île-à-Vache 52 Gestion intégrée des déchets et de l’environnement (Gide) au Cap-Haïtien 54 Aménagement de la Route nationale 1 54 4.5. Les opérations d’installations industrielles incluant un volet foncier 55 Le parc industriel de Caracol 55 V. CONCLUSIONS 57 ANNEXE 1 : Liste des textes législatifs et réglementaires 58 ANNEXE 2 : Éléments de vocabulaire créole concernant le foncier 64 ANNEXE 3 : Ressources documentaires 66 LE FONCIER EN HAÏTI : LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE LE FONCIER EN HAÏTI : LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE LE FONCIER EN HAÏTI : LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE LE FONCIER EN HAÏTI : LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE 4 I. LE CONTEXTE 1.1. Le contexte géographique Quelques données permettent de mieux comprendre dans quel contexte géographique se pose la question foncière haïtienne : ● la superficie du pays (y compris les îles adjacentes) est de 27 800 km² environ, donc très restreinte, ce qui représente un tiers de l’île qui s’appelait autrefois Hispaniola et dont les deux tiers orientaux constituent aujourd’hui la République dominicaine ; ● la population, en mars 2010, soit au lendemain du grand séisme qui a dévasté une partie du pays, était estimée à 10 206 000 habitants1, pour une densité moyenne de 368 h/km², ce chiffre étant sujet à de fortes variations selon les régions. La population serait aujourd’hui estimée à près de 11,5 millions (dont environ 1 million vivant hors du pays) ; ● Haïti est caractérisé par sa longueur de côtes (environ 1 700 km), qui résulte de son extrême découpage. Les montagnes, de moyenne altitude (avec un point culminant à 2 680 m, au Pic de la Selle, dans le Sud), sont très largement présentes, le relief étant fortement plissé et les plaines qui occupent moins de 20 % du territoire étant, de surcroît, de faible étendue. Celle de l’Artibo- nite, considérée comme la plus importante, ne recouvre que 1 250 km² ; le fleuve qui l’irrigue, du même nom, est le seul grand fleuve du pays, avec un bassin de 9 000 km². Les mornes, ces étendues de moyenne montagne, parfois très accidentées, sont donc l’essentiel du paysage où, depuis l’époque coloniale, ont été constituées la majorité des exploitations paysannes, malgré des conditions peu propices à l’agriculture ; ● le climat est caractérisé par des températures qui sont habituellement toujours supérieures à 20°, tout au long de l’année, ce qui n’exclut pas une saison beaucoup plus chaude de mai à novembre, qui est également, du 1er juin au 30 novembre, la saison cyclonique officielle. Le régime des précipitations est très variable selon les régions et selon la période, mais les pluies peuvent être parfois extrêmement violentes et abondantes, ce qui contribue largement à la forte dégradation de l’environnement déjà favorisée par le déboisement des mornes. Le relief souvent accidenté de ceux-ci ne contribue évidemment pas à améliorer les choses. La carte de la page suivante permet de mieux se représenter ce contexte géographique, lequel, comme on le verra plus loin, tient une place importante dans l’histoire du pays. 1.2. Le contexte historique Historiquement, on sait que l’île était occupée, avant l’arrivée des Espagnols en 1492, par une popu- lation indienne, les Tainos, qui furent décimés par ces premiers colonisateurs et avaient donc prati- quement disparu au début du xviie siècle. Les Espagnols ont dû ensuite composer avec les Français dont l’installation s’est concrétisée de deux manières singulières : d’une part, en 1665, alors que le pays est réputé appartenir à l’Espagne, la France envoie un premier gouverneur ; dans le même temps, d’autres Français, aventuriers, corsaires et autres pirates s’installent sur l’Île de la Tortue mais aussi sur la côte nord-ouest. La mise en valeur agricole va commencer, surtout dans un premier temps, par de l’élevage et de la petite agriculture, lesquels vont rapidement laisser la place à de grandes plantations de canne à sucre, d’indigo, en plaine, et de café dans les mornes. Avec ces activités va se développer l’esclavage, autorisé par le roi, qui constituera la base de la population actuelle, celle-ci ayant donc des origines africaines. 1697 est l’année de la cession officielle de la partie ouest de l’île à la France par l’Espagne. L’année 1791 reste marquée dans l’histoire par la Cérémonie du Bois-Caïman et une 1. CIAT, Haïti demain. Objectifs et stratégies territoriales pour la reconstruction, Port-au-Prince, 2010, p. 10. 5 LE FONCIER EN HAÏTI : LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE LE FONCIER EN HAÏTI : LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE FIGURE 1 : Haïti, relief, limites administratives, hydrographie Source : www.carte-du-monde.net, 2018 6 LE FONCIER EN HAÏTI : LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE LE FONCIER EN HAÏTI : LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE des premières révoltes des esclaves que les colons et les mulâtres libres contiennent difficilement. La Révolution française va sans doute accélérer le processus, marqué entre autres, dans l’île, par la proclamation de l’abolition de l’esclavage, en 1793, par le Commissaire de la République, Sonthonax, cela au tournant d’une guerre civile qui durera près d’une dizaine d’années. Le 1er janvier 1804, l’Indépendance est proclamée aux Gonaïves, mais elle ne sera reconnue par la France que sous Charles X, en 1825, moyennant l’acceptation par la République haïtienne du paye- ment d’une indemnité énorme2. Après une longue période d’instabilité durant laquelle se construit une opposition de plus en plus profonde entre « le pays du dehors » (en fait les paysans les plus démunis, ceux des mornes) et les élites qui se partagent les pouvoirs. En 1915, la République haï- tienne est occupée par les États-Unis, qui y resteront jusqu’en 1934. La période de leur occupation ne laisse pas vraiment de souvenir positif. Elle est notamment celle où des entrepreneurs divers tenteront la mise en place de vastes plantations de sisal, canne à sucre et bananiers, achevant de déboiser les plaines côtières. Ensuite, après une nouvelle instabilité d’une vingtaine d’années, ce sera la longue période du Duvaliérisme, parfois considérée comme celle de la domination de la paysannerie noire. Cette période de dictature est caractérisée par la création des « Tontons macoutes », avec un contrôle très étroit de la population, jusqu’au fond des campagnes. Duvalier – « Papa Doc » – disparu, son fils, « Baby Doc », reste au pouvoir une quinzaine d’années avant que ne s’ouvre, avec son départ en 1986, une nouvelle période que certains espéraient de retour à la démocratie et qui, uploads/Geographie/08-fiche-pays-haiti-finale-21072020.pdf
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- Publié le Oct 06, 2022
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