____________________ Région et Développement n° 43-2016 __________________ ANAL

____________________ Région et Développement n° 43-2016 __________________ ANALYSE SPATIALE DE L’ESPACE URBAIN : LE CAS DE L’AGGLOMÉRATION LYONNAISE Emilie ARNOULT*, Florent SARI** Résumé - L’objectif de ce travail est d’analyser la répartition de la population et de l’emploi au sein de la Communauté Urbaine de Lyon, appelée « le Grand Lyon », sur la période 1999-2009, en mettant en perspective sa configuration spatiale et son évolution. Nous mobilisons dans un premier temps les outils de l’Analyse Exploratoire des Données Spatiales (ESDA) afin de déterminer s’il existe un ou plusieurs centroïdes autour desquels se répartissent l’emploi et la population. Nous effectuons ensuite différentes analyses économétriques à par- tir des résultats de l’ESDA afin de déterminer si tout ou partie des centres mis en avant ont un impact significatif sur la répartition de l’emploi et de la popula- tion au sein de la Communauté Urbaine de Lyon, et de déterminer quel type de modèle décrit le mieux cet espace urbain. Nos résultats montrent que la locali- sation des emplois est fortement dépendante de la proximité au centre de Lyon, ainsi qu’une rupture de la densité d’emploi à partir de 8 kilomètres. L’analyse de la répartition de la population confirme l’effet significatif de la distance au centre-ville mais nous montrons également que les modélisations classiques de l’économie urbaine ne nous permettent pas de traiter du rôle significatif des centres d’emplois secondaires sur les stratégies de localisation des ménages. Nous observons cependant un recul de l’effet de la distance au centre-ville, confirmant ainsi le phénomène d’étalement urbain que connaissent grand nombre d’agglomérations françaises. Mots-clés - SCHÉMA URBAIN, ÉTALEMENT URBAIN, FONCTIONS DE DENSITÉ, ÉCONOMÉTRIE SPATIALE Classification JEL - C21, J11, R23 * Université Paris-Est Marne-la-Vallée, ERUDITE, TEPP ; emilie.arnoult@u-pem.fr ** Université de Nantes, LEMNA, TEPP ; florent.sari@univ-nantes.fr 78 Emilie Arnoult, Florent Sari 1. INTRODUCTION Au cours des dernières années, une grande partie des agglomérations fran- çaises ont dû faire face au processus d’étalement urbain. Concrètement, la pé- riurbanisation autour des grandes villes a pris le pas sur les anciennes terres agricoles induisant de nouvelles problématiques en termes d’aménagement des territoires. Ce phénomène s’est accompagné d’un accroissement des mobilités quotidiennes, rendues possible par le développement de réseaux de transport routier. Ces infrastructures ont permis de rapprocher les banlieues des emplois en réduisant les temps de transport pour rejoindre les centres villes. L’étalement urbain engendre des problématiques socioéconomiques et environnementales ; Les villes ont dû mettre en place une planification de l’aménagement des terri- toires qui tienne compte de ces enjeux contrôlant ainsi des risques locaux. D’autres facteurs micro et macroéconomiques interviennent également. C’est par exemple le marché foncier, les stratégies résidentielles des ménages relevant de préférences individuelles de localisation, la mise en place de politiques pu- bliques sur l’occupation des sols à différentes échelles, etc. Les travaux de l’économie urbaine montrent que, de ces interactions, résul- tent différents schémas urbains. Traditionnellement, on oppose la forme mono- centrique, où la répartition de la population se fait uniquement en fonction de la distance à un centre dynamique regroupant l’ensemble des activités, à la forme multicentrique où la localisation des individus ne relève pas uniquement de la distance au centre-ville mais également de pôles d’emploi secondaires qui appa- raissent en-dehors du centre d’activité historique. L’objectif de ce travail est d’étudier la forme spatiale de la Communauté Ur- baine de Lyon, et de révéler si celle-ci relève plus du schéma monocentrique ou multicentrique. Parallèlement, cette analyse réalisée à partir des données de 1999 et 2009 doit nous permettre de confirmer ou infirmer les résultats obtenus par Buisson et al. (2001) et, lorsque les données sont disponibles, de voir s’il y a eu une évolution au cours de la dernière décennie. Sachant que la population a augmenté de plus de cent mille habitants sur cette période1, il nous semble judi- cieux de regarder quel a été l’impact de cette croissance démographique sur l’organisation spatiale du Grand Lyon. Dans ce travail, nous analysons la répartition des emplois et de la population au sein de la Communauté Urbaine de Lyon. Après avoir regardé le poids de celle-ci dans la région Rhône-Alpes, nous déterminons s’il existe un ou plu- sieurs centroïdes autour desquels se répartissent emplois et populations. Nous réalisons nos analyses en 1999 et en 2009 afin de voir si la structure urbaine a évolué. Nous testons ensuite différents modèles économétriques afin de vérifier la robustesse des configurations obtenues par l’analyse exploratoire des données spatiales (ESDA) puis déterminer quelle forme urbaine correspond le mieux aux réalités de la Communauté Urbaine de Lyon. Cette analyse nous permet d’étudier les stratégies résidentielles des ménages en fonction de leur distance aux emplois. 1 La population de la Communauté Urbaine de Lyon a augmenté de 116 670 habitants entre 1999 et 2009 (Source INSEE). Région et Développement 79 Dans une première partie, nous revenons sur les éléments de littérature exis- tant mettant en évidence les différentes formes urbaines, à travers les modèles théoriques de choix de localisation des individus et les études empiriques me- nées pour analyser la distribution des populations. Dans une seconde partie, nous choisissons quels sont les outils appropriés à notre analyse en nous basant sur les résultats de l’ESDA. Dans une troisième partie, nous présentons les ré- sultats de notre travail, en identifiant la forme monocentrique ou multicentrique de la Communauté Urbaine de Lyon. Finalement, nous concluons en mettons en perspective nos résultats et les pistes de recherche qu’ils ouvrent. 2. L’ÉTUDE DES FORMES URBAINES DANS LA LITTÉRATURE Dans cette partie, nous regardons dans un premier temps quels sont les mé- canismes qui influencent les choix de localisation. Nous présentons ensuite les résultats de différentes études empiriques qui s’intéressent à la répartition des emplois et de la population. 2.1. Etalement urbain et stratégies de localisation des ménages : du schéma monocentrique au multicentrisme Dans la littérature, deux courants de pensées se distinguent sur l’analyse de l’étalement urbain. Le premier est porté par l’école de la Nouvelle Economie Urbaine et s’appuie sur des modèles théoriques mis en place pour traiter de la répartition des populations en fonction de la localisation des emplois (Alonso, 1964; Mills, 1967; Muth, 1969; Fujita, 1997). Ces travaux montrent que la ré- partition de la population peut s’expliquer par la seule distance aux emplois. La seconde approche, au contraire, rejette l’hypothèse d’homogénéité des espaces résidentielles et avancent l’idée d’une discontinuité entre les espaces, urbains, périphériques et ruraux (Bussiere, 1972). En effet, ce courant met en évidence la diversité des formes urbaines, portées par la présence de réseaux de transport plus ou moins développés (Peguy, 2000). L’isolement des certaines zones ne relève alors pas de leur distance au centre-ville, puisque deux espaces voisins peuvent se distinguer par leur accessibilité par les transports en commun ou routiers. Le modèle standard de l’Economie Urbaine, développé par Alonso (1964) et Muth (1969), met en avant la forme monocentrique des espaces métropolitains. Ces derniers possèdent un quartier des affaires (CBD : central business district) et les choix de localisation résidentielle vont entièrement dépendre de celui-ci. Il existe alors un unique centre d’activité qui regroupe l’ensemble des emplois et des activités et la densité d’emploi des autres quartiers dépend uniquement de la distance qui les sépare de celui-ci. Les ménages n’ont, a priori, pas de préfé- rence révélée quant à leur lieu de résidence. Seule la distance à leur lieu de tra- vail impacte leur choix de localisation. Du fait de la concurrence pour l’occu- pation des sols dans le centre-ville, le prix du foncier y est élevé et décroit avec la distance au CBD (Fujita, 1989). Les ménages vont alors chercher la localisa- tion optimale qui leur permet de maximiser l’accès à une quantité de terre, de biens et de services sous contraintes des coûts associés au logement et aux transports. Deux paramètres entrent en compte dans le choix de localisation des 80 Emilie Arnoult, Florent Sari ménages : les coûts induits par la mobilité quotidienne et le profil socioécono- mique des ménages. Ce type de modèle nous montre que plus les infrastructures de transport sont développées, moins les coûts liés à la mobilité quotidienne sont élevés et plus l’étalement urbain est important. En effet, le développement de réseaux de transport permet de rapprocher des territoires éloignés les rendant ainsi plus attractifs pour les ménages. La densité de population est donc décroissante de la distance au centre-ville et convexe, celle-ci déclinant plus rapidement avec l’éloignement au centre (Hamilton, 1982). Des études récentes appréhendent les espaces urbains comme le résultat des mobilités quotidiennes (Bertaud, 2001). Les politiques mises en place dans le secteur des transports au cours des der- nières décennies ont conduit à un accroissement des infrastructures de trans- ports, routiers et ferrés, permettant ainsi de connecter les banlieues éloignées aux centres d’emplois. L’efficacité des transports en commun a également été optimisée permettant ainsi d’étendre les aires métropolitaines (Wiel, 2010). Les ménages s’installent alors en-dehors des villes-centres et peuvent profiter des aménités engendrées par la propriété, tout en conservant les mêmes durées de transport pour se rendre sur le lieu de travail. Ceci conduit donc uploads/Geographie/etalement-urbain-a-lyon.pdf

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