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See discussions, stats, and author profiles for this publication at: https://www.researchgate.net/publication/337818271 Foucault lecteur de saint Augustin Article · December 2019 CITATION 1 READS 109 1 author: Some of the authors of this publication are also working on these related projects: Foucault, parrhesia, truth-telling, christianity View project Ákos Cseke Pázmány Péter Catholic University 22 PUBLICATIONS 1 CITATION SEE PROFILE All content following this page was uploaded by Ákos Cseke on 07 December 2019. The user has requested enhancement of the downloaded file. Foucault lecteur de saint Augustin Ákos Cseke L’historien de la philosophie, Alain de Libera, avait raison d’affirmer en 1991 que « le Moyen Âge intellectuel attend toujours son Foucault – celui qui sara, du même geste, rapatrier le Moyen Âge dans l’histoire de la philosophie, réintégrer l’histoire de la philosophie dans la philosophie même et fédérer le tout en une étude de la pensée qui serait à la fois histoire réfléchissante et réflexion sur l’histoire » . Or, vingt-huit ans plus 1 tard, la publication de plusieurs œuvres posthumes du dernier Michel Foucault met à notre disposition « une “analytique” du christianisme visant à mettre en relief les formes originales de production de la subjectivité élaborées par ce dernier au cours des siècles » . 2 Dès lors, on peut se demander si le savant attendu et espéré par Alain de Libera n’est pas Foucault lui-même, auteur, entre autres, de Christianisme et aveu , Du gouvernement des vivants 3 4 et des Aveux de la chair , œuvres publiées récemment dans lesquelles il propose une 5 généalogie du sujet moderne à partir de ses racines médiévales et chrétiennes. Ne trouve- t-on pas dans ces livres de toute première importance une analyse du Moyen Âge chrétien dont l’ambition est justement d’intégrer l’étude historique des textes patristiques et médiévaux, non seulement à une réflexion philosophique sur l’histoire et sur le sens de « faire l’histoire », mais aussi à la plus urgente actualité politique et à l’éthique philosophique contemporaine ? L’étude que Foucault offre du christianisme est une étude « critique » au sens bien précis où le philosophe entend ce mot, la critique étant, selon Foucault, « l’art de l’inservitude volontaire, celui de l’indocilité réfléchie » ou encore « l’art de ne pas être tellement gouverné » . Cette critique s’exerce d’abord, bien évidemment, « comme 6 enquête historique à travers les événements qui nous ont amenés à nous constituer à A. de Libera, Penser au Moyen Âge, Seuil, Paris 1991, p. 28. 1 M. Senellart, Michel Foucault : une autre histoire du christianisme ?, in « Bulletin du centre d’études 2 médiévales d’Auxerre », Hors-série n° 7/ 2013, URL : http://cem.revues.org/12872. Pour une étude générale de cette problématique, cf. avant tout P. Chevallier, Michel Foucault et le christianisme, ENS, Paris 2011. M. Foucault, L’origine de l’herméneutique de soi. Conférences prononcées à Dartmouth College, 1980, Vrin, Paris 3 2013. (Désormais cité : OHS) M. Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France, 1979-1980, Seuil/Gallimard, Paris 4 2012. (Désormais cité : GDV) M. Foucault, Histoire de la sexualité tome IV. Les aveux de la chair, Gallimard, Paris 2018. (Désormais cité : 5 AC) M. Foucault, Qu’est-ce que la critique ? suivi de La culture de soi, Vrin, Paris 2015, pp. 37-39. 6 Cseke Foucault lecteur de saint Augustin nous reconnaître comme sujets de ce que nous faisons, pensons, disons », mais elle a pour but surtout de dégager « de la contingence qui nous a fait être ce que nous sommes la possibilité de ne plus être, faire ou penser ce que nous sommes, faisons ou pensons » . 7 C’est « l’êthos philosophique propre à l’ontologie critique de nous-mêmes comme une épreuve historico-pratique des limites que nous pouvons franchir, et donc comme travail de nous-mêmes sur nous-mêmes en tant qu’êtres libres » . Comme il le dit dans une 8 interview de 1981 : « Il s’agit donc de rendre les choses plus fragiles par cette analyse historique ou plutôt, de montrer à la fois pourquoi et comment les choses ont pu se constituer ainsi, mais [de] montrer en même temps qu’elles se sont constituées à travers une histoire précise. Il faut donc montrer et la logique des choses – ou, si vous voulez, la logique des stratégies à l’intérieur desquelles les choses se sont produites –, et montrer que ce ne sont pourtant que des stratégies et que, du coup, en changeant un certain nombre de choses, en changeant de stratégie, en prenant les choses autrement, du coup, ce qui nous paraissait évident ne l’est pas. […] Et du moment qu’il est historiquement constitué, il peut être politiquement détruit » . 9 Il paraît que nos sociétés sont, d’après Foucault, essentiellement des « sociétés chrétiennes » et que nous ne cessons de regarder les choses « à travers les lunettes de 10 notre culture chrétienne » . Il s’agit donc, en somme, de comprendre que « la 11 subjectivation de l’homme occidental, elle est chrétienne, elle n’est pas gréco-romaine » 12 ou encore qu’il faut traiter du christianisme comme le « berceau de l’herméneutique de soi occidentale » . Et Foucault poursuit : « Mais le moment vient peut-être pour nous de 13 demander si nous avons vraiment besoin de cette herméneutique de soi » . Les textes 14 historiques, selon Foucault, sont donc « à lire de près afin de comprendre le problème que le sujet occidental est devenu pour lui-même » , le but de l’analyse étant de 15 M. Foucault, Qu’est-ce que les Lumières ?, in Dits et écrits II. 1976-1988, Gallimard, Paris 2001, p. 1393. 7 (Désormais cité : DE). DE II, p. 1394. 8 M. Foucault, Mal faire, dire vrai. Fonction de l’aveu en justice, Presses universitaires de Louvain, Louvain 9 2012, p. 243. (Foucault entend ici le mot « politique » au sens large du terme. Cf. p. 243 ou encore OHS, p. 37) M. Foucault, Sexualité et solitude, in DE II, p. 990. 10 M. Foucault, Discours et vérité précédé de La parrêsia, Vrin, Paris 2016, p. 197. 11 GDV, p. 231. 12 OHS, p. 66. 13 OHS, pp. 90–91. 14 P. Chevallier, Michel Foucault et le christianisme, op.cit., p. 14. 15 materiali foucaultiani, a. VII, n. 13-14, gen-dic 2018, pp. 253-272 254 Cseke Foucault lecteur de saint Augustin « comprendre comment nous nous sommes laissé prendre au piège de notre propre histoire » . 16 Nous allons nous concentrer, dans ce qui suit, sur ces deux axes principaux (« historique » ou « historiographique » et « critique » ou « politique ») de l’interprétation foucaldienne du christianisme. Il s’agit, d’abord, de suivre de près sa lecture des textes patristiques et médiévaux, afin de pouvoir analyser l’évolution de la recherche historique de Foucault, sa méthode de travail et ses résultats ou ses conclusions (quand et où fait-il référence à saint Augustin, quelles sont les œuvres augustiniennes qu’il cite et comment il les interprète). Or, il convient aussi, ensuite, de saisir l’enjeu philosophique actuel de cette interprétation peu commune du christianisme médiéval et moderne. L’étude foucaldienne du Moyen Âge chrétien a elle-même sa propre généalogie qu’il convient de retracer avant de se plonger dans son analyse. En effet, si l’on peut constater, en 2019, que la recherche sur le christianisme patristique et médiéval occupe une place capitale dans l’œuvre de Foucault, c’est grâce à la publication posthume de ses cours et manuscrits qui jusqu’alors étaient restés inaccessibles : en 1991, cet aspect de sa pensée n’était guère perceptible. De fait, Foucault a commencé ses recherches sur le christianisme primitif au milieu des années 70, mais le premier tome de l’Histoire de la sexualité, publié en 1976, n’en montre aucune trace ; et même en lisant les derniers livres publiés de son vivant, c’est-à-dire le deuxième et le troisième tome de l’Histoire de la sexualité, tous deux parus en 1984, un lecteur attentif ne peut pas véritablement penser que Foucault y donne une interprétation toute nouvelle du Moyen Âge chrétien. Il est vrai que dans les deux tomes en question, qui traitent principalement de la culture antique de soi, Foucault fait constamment référence au « christianisme » et définit, pour ainsi dire, l’Antiquité à travers sa différence même par rapport au christianisme. Cependant il s’avère que le philosophe utilise, tout au long de son ouvrage, la notion du christianisme sans la définir clairement – il en parle comme si tout le monde savait déjà ce qu’est le christianisme –, ce qui laisse le lecteur de ses ouvrages assez perplexe. En 17 effet, Foucault ne cesse de répéter des affirmations assez générales sur le « christianisme » et sur les premiers Pères chrétiens sans montrer le moindre souci de les confirmer par des citations textuelles – il s’avère qu’à part le Pédagogue de Clément d’Alexandrie (que 18 M. Foucault, « Omnes et singulatim » : vers une critique de la raison politique, in DE II, p. 955. 16 Cf. par exemple la critique de P. Bevis, M. Cohen et G. Kendall qui uploads/Histoire/ 12-cseke.pdf
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- Publié le Dec 21, 2022
- Catégorie History / Histoire
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