11 L’émergence de la Linguistique Textuelle en France: entre perspective foncti

11 L’émergence de la Linguistique Textuelle en France: entre perspective fonctionnelle de la phrase, grammaires et linguistiques du texte et du discours1 Jean-Michel Adam Résumé: Le but de l’article est de dresser «des états de lieux en linguistique textuelle». Nous avons été conviés à une «mise en perspective historique» dans le contexte français et plus largement de langue française et il nous a été demandé de préciser quelle a été l’influence de l’École de Prague et de sa «syntaxe fonctionnelle» sur l’émergence de la LT en France, dans les années 70. Mots-clés: histoire; linguistique textuelle; perspective fonctionnelle de la phrase; grammaires et linguistiques du texte et du discours. Resumo: O objetivo deste artigo é apresentar um “estado da arte” em linguística textual. Fomos convidados para fazer um “relato numa perspectiva histórica”, no contexto francês e mais amplamente de língua francesa, e para mostrar a influência da Escola de Praga e de sua “sintaxe funcional” na emergência da LT na França, nos anos 70. Palavras-chave: história; linguística textual; perspectiva funcional da frase; gramática e linguística do texto e do discurso. Abstract: The purpose of this article is to present a panorama of text linguistics. We were invited to make a “history-oriented report” within the French context and – from a broader point of view – of the French language in order to show the influence of the Prague School and its “functional syntax” on the rising of TL in France during the 1970’s. Keywords: history; text linguistics; functional sentence perspective; text and discourse grammars and linguistics. 1. Artigo enviado em 20 de outubro de 2010. Revista Investigações 12 J’ai interprété l’invitation de Guy Achard-Bayle2 à dresser «des états de lieux en linguistique textuelle comme une demande de porter un regard sur trente cinq années de travail dans ce domaine. Nous avons été conviés à une «mise en perspective historique» dans le contexte français et plus largement de langue française et il nous a été demandé de préciser quelle a été l’influence de l’École de Prague et de sa «syntaxe fonctionnelle» sur l’émergence de la LT en France, dans les années 70. Pour ce qui est de dessiner les développements actuels, je ne le ferai qu’indirectement, en assumant un bilan orienté et en renvoyant à la nouvelle édition de La linguistique textuelle. Introduction à l’analyse textuelle des discours (A. Colin, coll. Cursus), à paraître en 2011. Pour la période qui précède celle dont je vais parler (1975-2000), je renvoie à un article de Michel Charolles, paru dans une très utile synthèse internationale des études sur la cohésion et la cohérence: 1) Michel Charolles 1986: «Le problème de la cohérence dans les études françaises sur le discours durant la période 1965-1975», in M. Charolles, J. Petöfi, E. Sözer, Research in Text Connexity and Text Coherence. A survey, Hamburg, Buske, 3-60. Dans cet article, Charolles montre bien que seuls les travaux de Greimas et Rastier sur les isotopies ont accordé, en France, dans ces années-là, une place à la question de la continuité textuelle. Il met également le doigt sur les sources méthodologiques et théoriques du blocage de l’analyse de discours française par rapport à la question de la textualité. Je renvoie également à la synthèse de Lita Lundquist sur la linguistique textuelle (désormais LT) en France, parue en 1988: 2) Lita Lundquist 1988 «Linguistique textuelle en France », in G. Hodus et alii: Lexicon der Romanistischen Linguistik, Hamburg, Niemeyer. 2. Conférence donnée à Paris, dans le cadre de l’association CONSCILA (Confrontations en Sciences du Langage), le 28 mai 2010 ; journée organisée par Guy Achard-Bayle et consacrée à « La linguistique textuelle et l’Ecole de Prague : état des lieux et héritage ». Vol. 23, nº 2, Julho/2010 13 Je signale aussi, dans le même nº 121 de Langue française, l’«histoire récente de l’Analyse du discours» de Charolles et Combettes (3), car je m’efforcerai aujourd’hui de focaliser mon propos sur les grammaires de texte (désormais GT) et la LT, en laissant de côté l’analyse de discours (désormais AD) et la pragmatique, ainsi que le bilan bibliographique très détaillé de Karabétian (4), plus complet et moins orienté que le parcours que je vais proposer: 3) Michel Charolles & Bernard Combettes 1999: «Contribution pour une histoire récente de l’analyse du discours», Langue française 121, Paris, Larousse, 76-115. 4) Etienne Stéphane Karabétian 1999: «Bibliographie générale», Langue française 121, Paris, Larousse, 117-123. J’ai choisi une présentation résolument historique d’un contexte que j’ai connu de près, en étant, avec Lundquist, Combettes et Charolles, un des acteurs du développement de la LT en France et en Suisse, où j’enseigne depuis 1984. J’ai été étudiant de Denis Slakta à l’université de Rouen, à la fin des années 1960. En mettant en évidence son influence sur l’émergence de la LT, en France, dans les années 1970, je lui rendrai hommage en témoignant d’une dette intellectuelle. L’émergence de la LT est contemporaine de celle de l’AD: le terme même de «linguistique textuelle» a été introduit pour la première fois par Eugenio Coseriu, dans un article écrit en espagnol, au milieu des années 1950: 5) Eugenio Coseriu 1955-56: «Determinación y entorno. De los problemas de una lingüística del hablar», Romanistisches Jahrbuch 7, Berlin, 29-54; repris dans Teoría del lenguaje y lingüística general, Madrid, Gredos, 19733:282-323). Dix ans plus tard, en 1969, Harald Weinrich introduit le terme Textlinguistik dans le titre d’une étude de la syntaxe des articles en allemand: Revista Investigações 14 6) Harald Weinrich 1969: «Textlinguistik: Zur Syntax des Artikels in der Deutschen Sprache», Jahrbuch für Internationale Germanistik 1, Berne/ Frankfort, 61-74. Weinrich sera le premier titulaire de la chaire européenne du Collège de France, en 1990, et, à cette occasion, il donnera un des premiers cours de LT en France. C’est dans ces années-90 que la LT et la GT se sont progressivement imposées, comme en témoigne le dernier chapitre de la Grammaire méthodique du français de Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat et René Rioul qui est passé de 20 pages sur «La structuration du texte» (PUF 1994:603-623) à 47 pages sur «Texte et discours» dans la dernière édition (2009:1017-1064), très proche de mes positions. Je pense également au court dernier chapitre (2005:323-346) consacré au «Texte» de Linguistique d’Olivier Soutet. Dans ce manuel d’initiation à la linguistique paru en 1995 (PUF) et passé dans la collection «Quadrige» en 2005, Soutet souligne le caractère paradoxal de la LT: La linguistique textuelle est […] une discipline quelque peu paradoxale. Evaluée à l’aune de ce qu’il est convenu d’appeler la linguistique moderne – celle qui nous conduit du comparatisme historiciste du début du XIXe siècle au poststructuralisme du dernier tiers du XXe siècle –, elle paraît toute jeune et en quête de légitimité; replacée dans la longue durée des savoirs et des techniques – philologie, littéraire et judiciaire – qui ont pour objet, sinon le texte en général, du moins certains types de textes, elle semble n’en être que le prolongement ou l’élargissement. (2005:324) Au regard de la linguistique moderne, la LT est effectivement une discipline récente. Le Congrès mondial de Linguistique Française qui s’est tenu à Paris en 2008 a consacré significativement une section à «Linguistique du texte et de l’écrit, stylistique». C’était un progrès, même si cet intitulé limitait le texte à l’écrit et couplait cette section à la stylistique plutôt qu’à Vol. 23, nº 2, Julho/2010 15 l’AD. Certes, comme le dit Soutet la LT a quelque chose à voir avec la stylistique, qui avait pour objet la texture (elocutio) des textes littéraires, mais elle a également à voir avec la poétique, qui a pour objet la question des genres littéraires, la structure des textes poétiques et narratifs, l’insertion de la description et du dialogue dans le récit. Soutet cite également l’herméneutique et la philologie, ces savoirs et techniques d’établissement du texte et de son analyse, auxquels j’ajouterai la traduction qui trouve sa pleine réalisation textuelle et discursive dans la Poétique du traduire (Lagrasse, Verdier, 1999) et la Critique du rythme. Anthropologie historique du langage (1982) d’Henri Meschonnic. Pour ce dernier, l’unité du traduire «n’est pas le mot, mais le texte» (1999:335). Au «primat du texte», il ajoutait celui «du discours, des discours, c’est-à-dire de la langue comme ensemble et possibilité de discours» (1982:111). J’ajoute que les «retours» de la rhétorique, de la stylistique et de la philologie (on le constate ici-même avec le programme de «philologie englobante» de Tomás Hoskovec) sont la preuve du fait que la LT n’a pas (encore) réussi à occuper la place qui devrait être la sienne, une place qui permette sinon de périmer ces disciplines, du moins d’inscrire leurs acquis dans un nouveau cadre théorique et méthodologique. C’est pourquoi je m’intéresse autant, depuis un certain nombre d’années, aux développements récents des sciences et disciplines du texte en cherchant à identifier certaines convergences épistémologiques3. Entre Grammaire de Texte et Analyse du Discours: l’importance des travaux de Denis Slakta Au début des années 1970, Slakta publie deux articles qui ont trait à la grammaire des cas (7) et aux actes de discours (8), articles inscrits dans le cadre uploads/Histoire/ adam-la-linguistique-textuelle-en-france.pdf

  • 33
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Mai 09, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.6783MB