LES MANUSCRITS DE LA MER MORTE ET LA BIBLE de la variété littéraire au texte no

LES MANUSCRITS DE LA MER MORTE ET LA BIBLE de la variété littéraire au texte normatif par M m e Ursula SCHATTNER-RIESER, membre correspondant L'ensemble communément désigné sous l'appellation de manuscrits de la mer Morte se compose en réalité de deux groupes bien distincts : d'une part, les textes à caractère essentiellement littéraire provenant des onze grottes de la communauté religieuse de Qumrân; de l'autre, les textes à caractère officiel et juridique que l'on a trouvés dans six grottes des alen- tours de Qumrân, notamment le wadi Dalihéh (1), le Nahal Hever (2) (wadi Khabra), le Nahal Se'elim (wadi Seyal), le Nahal Mishmar, Kirbet Mird (3) et le wadi Murabba'ât (4). Il convient d'ajouter les fragments bibliques et les ostraca que la forteresse de Massada nous a livrés. Seules les découvertes de Qumrân et les quelques fragments de Massada ont de l'importance pour les études bibliques - une importance encore inestimable et inépuisée pour le moment. C'était la découverte la plus spectaculaire dans le domaine de la Bible, de l'histoire du judaïsme et de l'étude des religions en général. La découverte La légende attribue la découverte de la première grotte, en août 1947, à un berger bédouin, Mohammed, surnommé ed-Dhib, « le chacal », parti à la recherche d'un chevreau égaré. Ce bédouin, de la tribu des Ta-amireh, 1. Les textes araméens découverts dans le wadi Daliyéh comprennent un lot important de textes juridiques de transferts d'esclaves du IV e siècle avant notre ère. 2. Fouillée entre 1960 et 1961, la « Grotte aux lettres » du Nahal Hever a livré des documents écrits qui ont trait à Bar Kokhba, leader juif qui mena la révolte contre les Romains de 132 à 135 de notre ère. On y a aussi trouvé d'importantes archives familiales dont les documents sont rédigés en grec, nabatéen et judéo-araméen. 3. On a trouvé dans le site de Kirbet Mird, fouillé en 1953, des manuscrits en grec, araméen christo-palestinien et arabe provenant de l'ancien monastère Castellion des époques byzantine et arabe. 4. Les fouilles de 1951 dans le wadi Murabba'ât nous ont livré des textes en hébreu, grec et araméen datant de la révolte de Bar Kokhba. était en fait un contrebandier qui cherchait plutôt une cache pour ses mar- chandises. Quoi qu'il en soit, il jeta dans un trou circulaire des pierres qui heurtèrent de la poterie. Alerté par ce bruit bizarre, il décida de pénétrer à l'intérieur de la cavité et y découvrit une dizaine de jarres fermées. En ouvrant ce « trésor », il fut d'abord déçu, car il n'aperçut qu'un amas de graines rougeâtres ; mais d'une petite jarre bien scellée, il sortit trois rou- leaux de cuir recouverts d'un « gribouillis ». En fait de « gribouillis », c'était de l'hébreu et les rouleaux étaient ceux d'Isaïe, du Pesher de Habacuc et le Manuel de Discipline. Quelques jours plus tard, les bédouins découvrirent dans cette même grotte quatre autres rouleaux : un second rou- leau d'Isaïe, le Rouleau de la Guerre, le Rouleau des Hymnes et l'Apocryphe de la Genèse. Ils vendirent ces sept rouleaux à un antiquaire chrétien de Bethléem, Kando, qui les vendit à son tour au métropolite syrien de Jérusalem, Mar Athanasius Samuel. Le métropolite fit l'acquisi- tion de quatre rouleaux et le professeur Sukenik, des trois autres. C'était en novembre 1947, quelques jours avant le vote du statut du futur état d'Israël par les Nations unies. Peu de temps après, ce sera le déclenchement de la guerre d'Indépendance. Le métropolite transporta ses quatre rouleaux aux Etats-Unis afin de négocier leur vente, mais sans succès. En 1954, il fit mettre une annonce dans le journal Wall Street. Le professeur Yigael Yadin, fils du professeur Sukenik, officier et archéologue israélien, réagit immédiatement et réussit à les acheter pour le compte de l'état d'Israël. Mais il faudra encore attendre quelques années avant que les sept rouleaux ne prennent place au musée du Sanctuaire du Livre à Jérusalem. Signalons à ce propos que la découverte de 1947 est en fait une « redé- couverte ». L'existence de grottes contenant des textes en hébreu et grec était déjà mentionnée dans l'antiquité. Ainsi Origène, dans un fragment des Hexaples, précise que sa sixième version provient d'une jarre découverte près de Jéricho, sous le règne d'Antonin fils de Sévère (il s'agit de l'empe- reur Caracalla, qui régna de 211 à 217 de notre ère). Un Père de l'Eglise, Eusèbe de Césarée, y fait allusion dans son Histoire ecclésiastique VI, 16. Mention est également faite chez Epiphane de Salamine (VI e siècle de notre ère), dans son livre des mesures et poids, ainsi que dans la lettre du Patriarche Timothée, texte syriaque écrit entre 795 et 823 de notre ère. Enfin, un dernier renseignement est fourni par un écrivain juif oriental, Qirqisâni, qui est l'auteur d'une histoire des sectes juives, datée de 937, où il parle des « gens de la grotte », juste avant de traiter des disciples de Jésus. Situation politique et retard de publication La situation politique entre fin novembre 1947 et fin 1948 empêcha les archéologues d'entreprendre des fouilles; à cette date, on ne connais- sait toujours pas l'emplacement de la première grotte. La ville de Jérusalem était coupée en deux ; l'Ecole biblique et archéologique françai- se était alors en territoire jordanien ; pour pouvoir sortir, il fallait des lais- sez-passer militaires, et c'était à ses risques et périls. De toute façon, la région de la mer Morte était en pleine zone de combat. Une expédition archéologique était impensable ; pendant ce temps, le monde scientifique s'impatientait. En février 1949, les fouilles commencèrent enfin sous la direction du Père de Vaux pour le compte du département jordanien des Antiquités. La première grotte (celle de 1947) fut nettoyée de fond en comble ; on en sortit soixante-dix rouleaux supplémentaires et des fragments des sept rouleaux sortis en 1947. Mais les pillages et le saccage avaient laissé des traces irré- parables : les couches archéologiques étaient détruites. C'est un total de 270 grottes qui ont été trouvées entre 1947 et 1956 dans la région avoisi- nant le site de Qumrân; 40 d'entre elles ont révélé des traces d'occupation. Onze seulement ont livré des textes, à savoir des dizaines de milliers de fragments de plus de 800 textes appartenant à la période du Second Temple. Les grottes 1, 4 et 11 ont livré le plus grand nombre de maté- riaux (5). Les derniers textes importants furent récupérés par l'Etat d'Israël en 1967, lors de la Guerre des Six Jours. Pour éviter la disparition de trop de matériaux, le musée archéolo- gique de Palestine offrit des sommes d'argent en échange de manuscrits, mesure qui contribua certainement à la destruction de textes. La publication a tardé de voir le jour, non seulement parce que le tra- vail d'assemblage était extrêmement difficile et délicat, mais aussi parce 5. Les bédouins découvrirent en 1949 une deuxième grotte contenant trente-six rou- leaux, dont des fragments du livre de Ben Sira en hébreu. En 1952, ils trouvèrent au total dix grottes ! La troisième grotte contenait quatorze rouleaux fragmentaires et le fameux Rouleau du Cuivre qui se trouve aujourd'hui à Amman en Jordanie. La quatrième grotte fut la grotte la plus riche. Elle contenait environ dix mille frag- ments. La cinquième grotte contenait vingt-cinq rouleaux, pour la plupart des livres bibliques, mais aussi le texte sur la Jérusalem Nouvelle et des parties du document de Damas. Les fragments de trente et un rouleaux de la grotte six sont écrits essen- tiellement sur papyrus. Seule la grotte sept nous a révélé des textes grecs (l'Exode de la version des Septante, l'Epître de Jérémie, une version grecque du livre d'Enoch), des textes hébreux de la Genèse, du livre des Psaumes, et des parchemins de Tephillin, ainsi qu'une Mezouzah (capsule de porte contenant la prière du Shéma Israël). Les Grottes 8-10 ne contenaient pas de textes. En 1956 enfin, il y avait une importante découverte : la grotte onze avec vingt-cinq rouleaux, quatre en très bon état dont le Targoum de Job, le rouleau des Psaumes (ordre massorétique plus huit psaumes connus de la Bible grecque et syriaque), un rouleau du Lévitique et le rou- leau du Temple qui est le plus long texte mesurant 8,3 m. que les membres vieillissants de la première équipe ne partageaient pas volontiers leurs lots avec d'autres chercheurs, nouveaux venus. En 1992, les textes n'étaient toujours que partiellement publiés et le milieu scienti- fique, après des virulentes protestations, exigea la publication intégrale des textes et leur accès sans restriction. Désormais, la quasi-totalité des textes est accessible, même au grand public (6). Le site de Qumrân Le site de Qumrân se trouve à environ 60 km au sud de Jérusalem et à 15 km de Jéricho. D'importants vestiges y subsistent. On compte une quinzaine de citernes ou bains rituels, une salle de réunion, une salle d'écriture, une tour et trois cimetières avec douze cents tombes. Les grottes mêmes se trouvent éloignées du site dont certaines profondément dans uploads/Histoire/ anm-2003-47.pdf

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  • Publié le Oct 11, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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