du même auteur Les Chevaliers bretons au Moyen Âge. Entre Plantagenêts et Capét

du même auteur Les Chevaliers bretons au Moyen Âge. Entre Plantagenêts et Capétiens, du milieu XIIe au milieu XIIIe siècle, t. 1, Coop Breizh, Spézet, 2014 ; La Chevalerie bretonne et la formation de l’armée ducale, 1260-1341, t. 2, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2009 ; La Chevalerie bretonne au temps de Bertrand Du Guesclin, 1341-1381, t. 3, Centre d’histoire de Bretagne, Porspoder, 2016. Généalogies des ducs de Bretagne, Éditions Jean-Paul Gisserot, Paris, 2013. Les Bretons. L’esprit valeureux et l’âme fière, 1870 à 1970, Michel Lafon, Paris, 2014. Histoire de Bretagne. De l’âge du fer aux invasions scandinaves (937) (dir.), Encyclopédie de la Bretagne, Rennes, 2015. Les Souverains de Bretagne. Des rois aux ducs, Encyclopédie de la Bretagne, Rennes, 2016. AVANT-PROPOS L’histoire de la Bretagne confisquée à qui ? Par qui ? Pourquoi ? Au risque d’être accusé de partir en croisade, il est impossible de ne pas dire quelques vérités afin d’expliquer le choix de ce titre. À qui, d’abord ? Bien sûr aux Bretons et aux Bretonnes ? À la population entière, mondiale sans exagération, car l’histoire de la Bretagne revêt une importance mondiale, et pas uniquement régionale, comme les autorités scolaires françaises aimeraient le faire croire. Je crains de devoir mentionner que l’histoire de la Bretagne contient tout de même des événements d’importance mondiale : la constitution en Bretagne d’une civilisation organisée au Mésolithique, le rôle des Vénètes dans la guerre des Gaules sous César, la place de la Bretagne et des Bretons dans la vague d’émigration des Ve et VIe siècles (avec l’émigration bretonne, et évidemment les saints britonniques), le rôle de la Bretagne et des Bretons dans la christianisation, dans la conquête de l’Angleterre avec Guillaume le Conquérant (après 1066), dans la guerre de Cent Ans avec la célèbre guerre de la Succession de Bretagne (1341- 1365), dans les grandes découvertes et la modernisation des économies entre les XVe et XVIe siècles, leurs relations avec les rois de France de la maison de Bourbon au XVIIIe siècle. Et il faut bien sûr parler des conflits de la Révolution, des participations bretonnes dans les guerres napoléoniennes et de colonisation au XIXe siècle, dans les guerres mondiales, dans la modernisation de l’Europe et les liens avec les mondialisations depuis la Libération. Pour certaines autorités étatiques françaises, rassurez-vous de moins en moins influentes, de moins en moins nombreuses car s’appuyant sur des théories fumeuses du XIXe siècle qui amenèrent tant de malheurs et même des génocides et constituèrent ce que l’on nomme le « roman national », mis en avant par des historiens de garde, la Bretagne n’est qu’une région de la République française. Son histoire ne doit donc mettre en valeur que l’histoire de France. L’histoire de France, de la monarchie française comme de la République française, ne peut recevoir d’exemples bretons qu’à la condition que cela serve à la grandeur de la France, territoire, faut-il le rappeler, constitué par et pour une famille, les Capétiens. Au mois de mai 2016, un inspecteur régional d’histoire-géographie de l’Éducation nationale affecté dans l’académie de Rennes s’exprimait ainsi : « Les professeurs ont toute latitude pour employer dans le cadre de leur enseignement les ressources qui leur paraissent les plus appropriées à la mise en œuvre des programmes. Ils peuvent donc bien évidemment prendre des exemples dans le cadre breton tant en histoire qu’en géographie, non dans une perspective d’histoire ou de géographie locales ou régionales, mais pour concrétiser les phénomènes et les notions qu’ils abordent et sans se limiter au cadre de la région. Il ne s’agit toutefois pas d’enseigner l’histoire de la Bretagne mais bien de mobiliser des repères ou des exemples en vue de construire les apprentissages attendus dans le cadre des programmes nationaux. » Ainsi, si je comprends bien, le professeur chargé de l’enseignement de l’histoire dans l’académie de Rennes, et donc en Bretagne, n’est pas autorisé à enseigner l’histoire de la Bretagne, mais il doit prendre des exemples issus de celle-ci afin de servir à aider à la compréhension de l’histoire de France. Bref, on peut utiliser des personnalités bretonnes telles que Du Guesclin, Anne de Bretagne, Le Chapelier, Waldeck-Rousseau, car ce sont de grandes figures de l’histoire de France... Il faut comprendre ces hauts fonctionnaires qui se croient investis d’une mission de sauvegarde de l’unicité et des valeurs de la République française – au sommet de l’État, on ne leur en demande pas tant, et leur fanatisme commence à être gênant. Ils craignent que les Bretons, ces gens venus d’ailleurs – de l’autre côté de la Manche... – entre les Ve et VIe siècles, vivant sur un territoire dont les limites n’ont guère changé en mille ans, ne se révoltent – comme au temps des Bonnets rouges de 1675, au temps des Chouans sous la Révolution, au temps plus récent, et qui leur a fait très peur, des Bonnets rouges de 2013 – et/ou ne se réunissent en nation pour prendre leur indépendance. Lorsque l’on évoque devant moi cette question, je réplique : « Mais pourquoi voulez-vous que la Bretagne soit indépendante puisque les Bretons dirigent la France ? », reprenant ainsi l’idée, qui circule chez les journalistes, dans les ministères, au Conseil d’État, dans les cercles des grands entrepreneurs français et internationaux, selon laquelle les Bretons dirigent la France. Le président de la Russie, Vladimir Poutine, ne s’y trompe pas... faisant la cour à bon nombre de Bretons qu’il pense influents. Par ailleurs, le gros problème lorsque l’on évoque l’histoire de la Bretagne, c’est qu’il faut parler aussi de l’histoire des Bretons et des Bretonnes, l’une n’allant pas sans l’autre, et, comme les Bretons ont une forte identité – c’est du moins ce qui se dit –, l’historien de la Bretagne se doit de mentionner le territoire où ont vécu les populations bretonnes. Mais il existe un problème considérable : le territoire n’est plus le même. Jusqu’au VIe siècle, la Bretagne actuelle se nommait l’« Armorique ». À la fin de la période romaine, elle appartenait au gouvernement de Gaule lyonnaise III et était divisée en cités gallo-romaines des Vénètes, des Namnètes, des Redones, des Osismes et des Coriosolites. La Bretagne était ce que l’on appelle aujourd’hui l’« Angleterre » et le « pays de Galles ». Cela signifie que si l’on veut étudier l’histoire de la Bretagne, on est contraint et forcé de se pencher aussi sur l’histoire de l’Angleterre actuelle, mais, rassurez-vous, seulement en ce qui concerne la période située avant le Ve siècle après J.-C., et comme beaucoup de livres sont en anglais, il faut connaître un peu cette langue... Il est clair qu’une population dont une partie notable de l’histoire repose sur une histoire étrangère au territoire français ne peut être que suspecte d’antinationalisme français... Et cela d’autant plus lorsque les historiens du territoire où elle a vécu – l’Angleterre – et avec lequel elle a entretenu des liens étroits, et même très importants, pendant des siècles, et qui fut en guerre contre le royaume de France puis la République française, se sont emparés et s’emparent, avec talent, il faut bien l’avouer, de son histoire. Le plus grand spécialiste de la période antique bretonne est incontestablement sir Barry Cunliffe, et celui de l’époque médiévale Michael Jones, entre autres... Ces auteurs, et bien d’autres encore, m’ont fait comprendre que les Bretons n’étaient pas des Celtes mais des Britonniques, appartenant à une culture atlantique, maritime, liant terre et mer. La Manche n’a jamais été une frontière pour les Bretons. Pour les autorités françaises, oui, mais pas pour les Bretons. Et de là découlent bien sûr la présence des Bretons dans le commerce maritime, sur les bateaux des grands découvreurs européens (il paraît qu’il y en a eu même sur les caravelles de Christophe Colomb), la tentative de Pierre Landais (mort en 1485) de faire de la Bretagne une thalassocratie, au même niveau au Moyen Âge que les petits (à peine plus peuplés que la Bretagne) royaumes du Portugal, de Castille, d’Angleterre. Ces historiens savent se servir de l’abondance des documents conservés dans les archives bretonnes et françaises. Ils savent démontrer la richesse de la Bretagne et ne sont donc pas comme les historiens de la Bretagne et de la France qui se sont arrêtés à la pauvreté de ce territoire et de sa population au XIXe siècle, sans doute afin de montrer qu’une lutte des classes a façonné la Bretagne et les Bretons. On me demande souvent si les Bretons ont été des révoltés. Les historiens de la Bretagne sont un peu embêtés pour répondre. Il y a bien sûr les fameux Bonnets rouges de 1675 et de 2013, les Chouans pendant la Révolution, quelques révoltes paysannes à la fin de la guerre dite « d’Indépendance » vers 1490, quelques mouvements hérétiques aux XIIe-XIIIe siècles, en fait des conflits contre des prélats qui abusaient. Les Bretons ont été bien sûr en colère après l’affaire du camp de Conlie (1870). Bien sûr encore, ils ont participé, et pas qu’un peu, à la Révolution française – au Club breton, on prépara le discours uploads/Histoire/ bretagne-lhistoire-confisquee-documents-by-frederic-morvan.pdf

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  • Publié le Jul 23, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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