#1 MARS 202 0 PREMIÈRE PARTI E La guerre économique systémique #2 MAI 2020 DEUX

#1 MARS 202 0 PREMIÈRE PARTI E La guerre économique systémique #2 MAI 2020 DEUXIÈME PARTIE Les cahiers de la guerre économique # 2 Deuxième partie CONTRIBUTEURS Nicolas MOINET. Professeur des universités à l’IAE de Poitiers, Spécialiste de l’intelligence économique, intervenant à l’EGE et membre fondateur de l’EPGE (École de pensée sur la guerre économique) Eric DELBECQUE. Expert en intelligence économique et stratégique, intervenant à l’EGE et membre fondateur de l’EPGE Jérôme LAPRÉE. Directeur Achats / Supply Chain, intervenant à l’EGE Éditorial ......................................................................................................................................5 par Christian Harbulot Le soft power, clé de voûte de la guerre économique systémique ....................................................................................8 par Nicolas Moinet La volonté contre les forces profondes ou le décrochage des élites . ...................................................................36 par Eric Delbecque L’indispensable articulation Etat / entreprises dans la guerre économique systémique ..............................................................................64 Souveraineté, création de richesse et infrastructures du commerce par Jérôme Laprée La Chine est-elle en train de devenir une puissance dangereuse ? . .................................................................86 Résumé de l’étude1 réalisée au printemps 2020 par la SIE 23 de l’Ecole de Guerre Economique 1 L’étude est téléchargeable à partir du site ege.fr. 4 • Les Cahiers de la Guerre Économique Éditorial Ce second numéro des cahiers de la guerre économique complète l’analyse du concept de guerre économique systémique. Le premier numéro avait précisé le cadre innovant de cette approche par rapport à la vision historique de la guerre économique. Il nous semble en effet vital de mettre en lumière la mutation en cours, c’est-à-dire le passage d’une lecture évènementielle et thématique des rapports de force économiques à une grille de lecture globale de l’évolution des modes de domination et de dépendance. Ce changement de paradigme est analysé dans un premier temps sur le plan du Droit extraterritorial et à travers le processus de contrôle des données produites par les entreprises. Le second numéro des cahiers de la guerre économique complète cette démonstration par l’examen d’une triple problématique : l’émergence d’un « soft power » de nature géoéconomique, le décrochage des élites françaises sur la question économique de la puissance, l’articulation 6 • Les Cahiers de la Guerre Économique Etat/entreprises revue et corrigée dans le nouveau contexte de déstabilisation de l’économie mondiale. La crise du covid-19 joue le rôle d’amplificateur des rapports de force économiques que masquait la pensée dominante en Occident jusqu’à l’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis d’Amérique. Les problématiques de souveraineté redeviennent subitement un thème politiquement correct par le biais de la communication de certains chefs d’Etat. Nous sommes cependant encore loin du compte. Le quart de siècle de travaux menés au sein de l’Ecole de Guerre Economique a permis une avancée théorique et pratique dont l’intérêt commence enfin à être pris en compte par certains secteurs de l’institution. C’est important, car en France, il s’agit d’un point de passage obligé pour avoir un début de légitimité durable. La création d’une vision partagée entre les acteurs publics et privés impliquera un très gros effort de volonté collective. Les intérêts personnels paralysent encore beaucoup trop les tentatives éparses de changement de mode de pensée. Si la France et l’Europe ne veulent pas subir la loi du plus fort, il faudra trouver d’autres voies pour sortir de l’inertie qui nous a amenées aux contradictions actuelles. Christian Harbulot Editorial • 7 Le soft power, clé de voûte de la guerre économique systémique Par Nicolas Moinet Le soft power, clé de voûte de la guerre économique systémique • 11 « La guerre économique systémique est un mode de domination qui évite de recourir à l’usage de la puissance militaire pour imposer une suprématie durable1 ». Tel est le principe directeur d’une notion qui lève le voile sur des rapports de force géoéconomiques cachés dans la lumière, pour reprendre l’expression d’un des fameux 36 stratagèmes chers à la culture chinoise de la stratégie2. Cette lumière aveuglante, c’est bien entendu l’idéologie néo-libérale qui pare les intérêts de puissance des États des habits du doux commerce et de la main invisible du marché. Or, l’histoire de la guerre économique3 nous rappelle qu’il n’en a jamais été ainsi, n’en déplaise au théoricien de la richesse des nations qui avait déjà omis dans son ouvrage majeur la question du commerce triangulaire, c’est-à-dire de la violence (pillage et esclavagisme) comme facteur explicatif de l’enrichissement des uns au détriment des autres4. Trois révolutions industrielles et deux guerres 1  Christian Harbulot, « La guerre économique systémique », Les cahiers de la guerre économique n°1, EGE, 2020, p. 29. 2  Cacher dans la lumière consiste à rendre visible de manière routinière un mouvement stratégique qui finira par ne plus attirer l’attention tant il fait partie du paysage là où le silence du secret aurait pu créer la suspicion. Lire à ce sujet Pierre Fayard, Comprendre et appliquer Sun Tzu en 36 stratagèmes, Dunod,2017. 3  Ali Laïdi, Histoire mondiale de la guerre économique, Paris, Perrin, 2016. 4  Voir à ce sujet la série documentaire d’Arte sur le capitalisme et notamment la première partie consacrée à Adam Smith : https:/ /www.dailymotion.com/ playlist/x4bto8#video=x3rdroo 12 • Les Cahiers de la Guerre Économique mondiales plus tard (assorties des nombreux conflits associés), cette violence est loin d’avoir disparu, mais les puissances dominantes et leurs peuples ne peuvent plus l’accepter ouvertement. C’est pourquoi le passage d’une domination par la force (hard power) à une domination par la ruse (soft power) est une lame de fond de nos sociétés dites post-modernes. La force et… la ruse « Cette opposition entre force et ruse structure dès l’origine l’histoire de la stratégie dans le monde occidental » explique l’historien Jean-Vincent Holeindre dans une somme consacrée au sujet. Et de conclure : « Nous éprouvons aujourd’hui de la difficulté à nommer « guerres » ces conflits de ruse et, quand nous le faisons, nous les prenons pour ce qu’ils ne sont pas : des guerres « classiques » que la force brute, celle des bombes par exemple, serait en mesure de régler. (…) A vrai dire, nous ne sommes pas encore sortis – particulièrement en France où l’imaginaire aristocratique et chevaleresque demeure puissant – de cette arrogance de la force et de ce mépris de la ruse (…) ce faisant, nous ne voulons pas véritablement nous résoudre à penser et à faire la guerre autrement.5 » 5  Jean-Vincent Holeindre, La ruse et la force (une autre histoire de la stratégie), Le soft power, clé de voûte de la guerre économique systémique • 13 Cette analyse qui concerne le domaine militaire s’applique parfaitement à la guerre économique et explique pourquoi les élites françaises refusent, dans leur grande majorité, de concevoir l’économie en termes de rapports de force et d’intérêt de puissance6. Dès lors, ces « élites » iront puiser dans les théories qui les arrangent les facteurs explicatifs d’une impuissance déguisée en pacifisme ou en fausse naïveté, se défaussant allègrement, au passage, sur les instances supranationales comme si celles-ci n’étaient pas la résultante de jeux d’influence nationaux. Cette analyse explique également pourquoi la figure de l’espion – terme choisi à dessein – fut ignorée ou rejetée dans les pays où la ruse n’était pas stratégiquement correcte et pourquoi elle fut encensée, ou du moins reconnue, dans ceux qui avaient fait le choix inverse, Grande-Bretagne, Japon et Allemagne en tête7. La guerre économique systémique, sans ignorer totalement la force et la coercition8, est par essence Paris, Perrin, 2017, pp. 388-389. 6  Voir l’article d’Éric Delbecque dans ces cahiers sur « La volonté vaincue par les forces profondes ou le décrochage des élites françaises dans la guerre économique ». 7  Laurent Nodinot, Marc Elhias, Il nous faut des espions, Paris, Robert Laffont, 1988. 8  Rappelons que l’extraterritorialité du droit américain est un encerclement cognitif sur fond de lutte anti-corruption qui finit par recourir à la coercition judiciaire, l’emprisonnement et une certaine forme de brutalité dès lors que 14 • Les Cahiers de la Guerre Économique fondée sur la ruse qui donne la prime à l’attaquant et à l’action invisible en privilégiant les multiples formes d’encerclement cognitif que lui offre la société de l’information. Ainsi, pour Christian Harbulot, « Les stratégies d’encerclement cognitif par la production de normes, de droit, ainsi que par l’orchestration de parties prenantes de la société civile, sont d’autant plus efficaces, qu’elles masquent l’esprit de conquête par des éléments de langage moralisateur. C’est cet art de la duplicité qui fait que la nouvelle guerre économique est encore plus opaque que la précédente.9 ». Et de citer les exemples d’une Chine protectionniste défendant le libre-échange à Davos ou de ces entreprises de la Silicon Valley qui, se pensant investies d’une mission quasi-messianique, construisent pourtant chaque jour davantage une société dystopique qui donnerait des cauchemars aux regrettés George Orwell et Aldous Huxley s’ils étaient encore parmi nous. Mais si de tels discours trouvent écho et se maintiennent dans le paysage intellectuel et médiatique jusqu’à devenir l’horizon de la pensée, ce n’est pas seulement en raison de la pertinence de leurs arguments mais bien, comme nous l’enseigne l’histoire la liberté se marchande auprès d’un procureur. Lire à ce sujet uploads/Histoire/ cahiers-guerre-economique-n2.pdf

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  • Publié le Jul 07, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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