er Mélanges de l'École française de ® Rome. Moyen-Age 10 = Archéo-iconographie
er Mélanges de l'École française de ® Rome. Moyen-Age 10 = Archéo-iconographie du puits au Moyen Âge (XIle-XVIe siècle) Danièle Alexandre-Bidon Résumé Danièle Alexandre-Bidon, Archéo-iconographie du puits au Moyen Âge (XIle-XVIe siècle), p. 519-543. L'approvisionnement en eau constitue l'un des éléments de confort majeurs au Moyen Âge et le besoin d'eau courante à domicile se traduit, dans les demeures urbaines aisées, par la construction de puits privatifs, parfois intérieurs aux maisons, dès le XIle siècle. Le puisage pouvait dès lors s'effectuer depuis la cave, la cuisine, voire l'étage. Des puits publics, seuls accessibles au commun, la confrontation des textes, de l'archéologie et d'une iconographie abondante dès le XIIle siècle permet de restituer une typologie (puits à balancier, puits potence avec ou sans tambour et/ou manivelle) et une chronologie des progrès techniques, dont témoignent également les recherches des ingénieurs médiévaux italiens. Enfin les encyclopédies et leurs illustrations de même que les traités médicaux circonscrivent précisément usage de eau de puits dans la vie quotidienne limité hygiène au jardinage et aux animaux excluant la consommation humaine en raison des risques de pollution dénoncés déjà au XIVe siècle tant par les ordonnances de police que par les médecins Citer ce document / Cite this document : Alexandre-Bidon Danièle. Archéo-iconographie du puits au Moyen Âge (XIle-XVle siècle). In: Mélanges de l'École française de Rome. Moyen-Age, tome 104, n°2. 1992. pp. 519-543; doi : htips://doi.org/10.3406/meir.1992.3256 htips:/www.persee.ir/doc/metr_1123-9883 1992 num 104 2 3256 Fichier pdf généré le 15/09/2019 MODE) creative commons DANIÈLE ALEXANDRE-BIDON ARCHÉO-ICONOGRAPHIE DU PUITS AU MOYEN ÂGE (XII-XVI< SIÈCLE) L'approvisionnement en eau constitue l’un des facteurs principaux du confort à l'époque médiévale. Ses modes d'acquisition sont alors multiples : puisage en rivière ou en lac, récolte de l’eau de pluie, citer- nes, fontaines et puits, qui sont les éléments constitutifs d’une équa- tion variable selon les lieux, sinon les temps, milieux urbains et ruraux ne disposant pas des mêmes commodités dans les mêmes proportions. Les puits, notamment, sont une structure assez peu rencontrée, en ar- chéologie, dans les villages médiévaux. Il n’en existait pas à Dracy, en Bourgogne au XIV: siècle, une source à l'écart du village y suppléant. À Rougiers, une citerne desservait la partie castrale du site et une autre, dans le village, était à l'état d'abandon. À Saint-Jean-le-Froid, en Aveyron, deux puits se succédèrent. Mais l’un n'était qu’un simple trou aménagé en entonnoir, si l'autre possédait un cuvelagc de pierre et une margelle monolithe!. De ces puits de villages, seules les parties lithiques, dans le meil- leur des cas, sont préservées. Or, elles ne concernaient souvent que la cuve et non les éléments architectoniques relatifs aux systèmes de pui- sage : les bâtis et potences de bois, poulies, chaînes et cordes ne sont plus en place, parfois seulement décrits dans des livres de comptes, des inventaires après décès, voire des descriptions de voyageurs. Cer- 1 Les informations archéologiques et historiques contenues dans cet article sont extraites d'une enquête menée par les membres du GRECO 130094 du CNRS, Sociétés et cadres de vie au Moyen Âge, Groupe 1, «La maison». La rédaction de la partie de synthèse consacrée à « L'eau et l'hygiène dans la maison médiévale» m'a été attribuée; les informations proviennent de Jean-Marie Pesez pour la Bourgo- gne, l'Aveyron et la Sicile, de Gabrielle Démians d'Archimbaud pour Rougiers, P. Bernardi pour Aix-en-Provence, Simone Roux pour Paris et Étienne Hubert pour Rome, les recherches sur les illustrations des manuscrits, peintures et gravures ainsi que sur les textes didactiques et scientifiques médiévaux demeurant ma res- ponsabilité. MEFRM - 104 - 1992 - 2, p. 519-543. 520 DANIÈLE ALEXANDRE-BIDON tes, il arrive, quoique rarement, qu'un document plus précis livre des indications suffisantes. Ainsi, lors de la remise en état d'un puits ap- partenant à une maison ruinée rue Pavée, à Paris, il est dit que le puits doit être curé, sa maçonnerie refaite et sa potence changée, le bois devant être pourri’. Mais il est en général toujours impossible d’en identifier le type à partir de telles sources. Or, il en existe une qui permet à l'historien d'élaborer une typologie des puits selon des lieux et des dates précises et de restituer visuellement les parties péris- sables de ces structures: c’est l’iconographie. Ce n'est pas rabaisser l’art médiéval au simple rang de document, ni entacher sa valeur esthétique de considérations trop concrètes, qu'en utiliser les éléments réalistes dans une perspective archéologi- que. L'art médiéval, et notamment la miniature, peut être à la fois étudié comme source de l'histoire de l’art et comme document histori- que, au même titre qu'un texte ou qu’un objet découvert dans des fouilles. Les realia qu'il «conserve» au sein des images sont d'un ap- port jugé aujourd'hui indispensable par l'historien et reconnu par le conservateur et l'historien de l’art. Nous n'avons pas le droit, à condition de les soumettre à une critique drastique fondée, entre au- tres, sur la confrontation des images, des textes, des fouilles et de l'ethnographie, mais aussi sur la connaissance des écoles, des influen- ces, des copies ou des inspirations, de refuser sans examen les infor- mations involontaires qu'elles nous fournissent. D'autant que le manus- crit enluminé, comme le tableau et plus encore la gravure, sont préci- sément localisés et datés, mieux que ne le sera jamais nul objet en archéologie. Or, le puits est un motif couramment rencontré dans les miniatu- res, dès le haut Moyen Âge‘. Il est souvent dépeint avec un grand luxe de détails dès le XIII: siècle, avant même l'apogée du réalisme 2 Paris, Archives nationales, S 3308, avril 1478. 3 Cf. P. MARE, L’iconographie des manuscrits du Traité d'agriculture de Pier’ de Crescenzi, dans MEFRM, 97, 1985, 2, 727-818. Récemment, lors de la publication du Liber astrologiae sicilien du XIII: siècle conservé à la Bibliothèque Nationale de Paris (Herscher et Bibliothèque nationale, 1989), M.-T. Grousset a pu écrire : «en ce qui concerne les iconographies des realia, les illustrations des décans constituent une source d’une richesse insoupçonnée >» (p. 97). Les illustrations des manuscrits ont leur rôle à jouer dans l'étude de la vie technique et quotidienne. 4 Paris, Bibliothèque nationale, NAL 2334, f° 21, ou bien encore Paris, B.N., Département des manuscrits reliure d'ivoire de l’évangéliaire de Saint-Lupicin, Ve- VI: siècle (registre inférieur). ARCHÉO-ICONOGRAPHIE DU PUITS AU MOYEN ÂGE 521 dans l’art. Il apparaît dans les illustrations de l’Ancien Testament (Ge- nèse, 25-26) et donc dans les Bibles glosées ou moralisées, les com- mentaires bibliques du type Postilles de Nicolas de Lyre, ou les Specu- lum humanae salvationis. Rébecca rencontre le serviteur d’Abraham autour d'un puits, Joseph est jeté par ses frères dans une citerne, qui prend souvent la forme d'un puits. Le Nouveau Testament le met vo- lontiers en scène lors de la rencontre entre Jésus et la Samaritaine. I] n'apparaît pas moins dans les Vies de saints, les récits de miracles - notamment les Miracles de Notre DameS — et très souvent aussi dans l'iconographie profane, dans des ouvrages techniques au réalisme né- cessaire, telle l'encyclopédie de Barthélemy l’Anglais, le Livre des pro- priétés des choses, ou les manuels militaires, tel le De machinis bellicis de Mariano Taccolaf. Le puits est aussi l'argument d'un célèbre épi- sode du Roman de Renard - Renard y tombe pour s’y être miré et y attire Ysengrin le loup à sa place. On le trouve dans le Decameron. On le voit même dans des livres de devises, blasons et proverbes: «tant va le pot à l’eau qu'il brise». Soucieux de réalisme, même et surtout en iconographie sacrée (comme dans les exempla, la présence de realia clairement identifia- bles par le public, actualisant et personnalisant l'histoire, soutenait l'argumentation de l’homme d'Église ou le texte pieux), les artistes ont peint les puits à l'identique dans la mesure de leur sens de l'observa- tion: chose facile, le puits étant une structure courante du paysage urbain contemporain. Des puits ruraux, rien ne dit que les artistes ne les imitaient pas des modèles citadins. Mais les peintres et miniaturis- tes étaient aussi des voyageurs et, d’une cour princière à une autre, ils devaient bien parfois faire étape dans des auberges à l'écart des villes. Au demeurant, le puits étant une structure simple, la typologie est extrêmement limitée, aucune difficulté d'interprétation technique n'in- terférant avec le véridisme de sa figuration: le dessin techniquement erroné d’un puits est un phénomène rares. $ Voir Paris, B.N., ms Fr 9198-9199, Miracles de Noïtre-Dame, Flandre, XV*° siècle. 6 Venise, 1459 (?). Voir Paris, B.N., ms Lat 7239. 7 Paris, B.N., ms Fr 24461 fc 70. 8 Dans le codex de Balthazar, Cracovie, 1505, où le puits à balancier d’une maison de tanneur est dessiné la flèche à l'envers. Voir Z. AMEISENOWA, Kodeks Bal- tazar Behema, Varsovie, 1961, planche 12. 522 DANIËLE ALEXANDRE-BIDON Fig. 1 —- Le puits dans la cuisine. Scappi, Opera, Rome, 1575. Paris, B.N., Rés. V. 1664, planche 5. ARCHÉO-ICONOGRAPHIE DU PUITS AU MOYEN ÂGE 523 1 — LES LIEUX D'IMPLANTATION Le puits, et surtout le puits privatif, semble un phénomène plus urbain que rural. Cette observation est valable uploads/Histoire/ daniele-alexandre-bidon-archeo-iconographie-du-puits-au-moyen-age-xiie-xvie-siecle-p-519-543.pdf
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- Publié le Nov 12, 2022
- Catégorie History / Histoire
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