ﻣﺠﻠﺔ ﺣﻮﻟﻴﺎت اﻟﺘﺮاث Revue Annales du Patrimoine ISSN 1112-5020 Hawliyyat al-Tura

ﻣﺠﻠﺔ ﺣﻮﻟﻴﺎت اﻟﺘﺮاث Revue Annales du Patrimoine ISSN 1112-5020 Hawliyyat al-Turath, University of Mostaganem, Algeria N° 16, September 2016 Ibn Arabi et Jean de la Croix deux poètes mystiques Ibn Arabi and John of the Cross two mystical poets Dr Azouz Ali Ahmed Université Queen’s, Kingston, Canada 5aaa@queensu.ca Publié le : 15/9/2016 16 2016 Pour citer l'article :  Dr Azouz Ali Ahmed : Ibn Arabi et Jean de la Croix deux poètes mystiques, Revue Annales du patrimoine, Université de Mostaganem, N° 16, Septembre 2016, pp. 7-23. http://annales.univ-mosta.dz *** Revue Annales du patrimoine, N° 16, 2016, pp. 7 - 23 ISSN 1112-5020 Publié le : 15/9/2016 5aaa@queensu.ca © Université de Mostaganem, Algérie 2016 Ibn Arabi et Jean de la Croix deux poètes mystiques Dr Azouz Ali Ahmed Université Queen’s, Kingston, Canada Résumé : Frappée du sceau de l’universel, l’expérience mystique ne cesse de soulever des interrogations à la fois sur ses fondements (ses assises théoriques, spirituelles et culturelles) et sur les différentes voies qui lui permettent de s’inscrire dans l’ordre des choses comme un phénomène social inéluctable soutenu par des penseurs, des artistes, des femmes et des hommes de Lettres exceptionnels. Dans notre article, nous nous intéressons à deux grandes figures du mysticisme : Ibn Arabi (560/1165-638/1240) et Jean de la Croix (1542- 1591). A la lumière d’une étude stylistique à visée comparative de deux de leurs compositions poétiques, que nous situons dans une plus large perspective (historico-sociale), nous montrons comment le même désir (concept sur lequel un détour lacanien s’impose) de Dieu s’exprime Chez Ibn Arabi, par le moyen d’une écriture de l’entre-deux qui se singularise par un enchevêtrement structuré des dimensions philosophique et littéraire. Tout comme chez Jean de la Croix, par une écriture poétique d’un lyrisme qui, avec une rare subtilité, entretient une forme d’équivocité constitutive du discours exprimant l’amour divin avec le langage de l’amour profane. Mots-clés : mystique, transhistoricité, amour divin, fragment, désir. o Ibn Arabi and John of the Cross two mystical poets Dr Azouz Ali Ahmed Queen’s University, Kingston, Canada Abstract: Stamped with the seal of the universal, the mystical experience never ceases to raise questions both on its foundations (its theoretical, spiritual and cultural foundations) and on the different paths that allow it to be part of the order of things like an inescapable social phenomenon supported by exceptional thinkers, artists, women and men of Letters. In our article, we are interested in two great figures of mysticism: Ibn Arabi (560H/1165-638H/1240) and John of the Cross (1542-1591). In the light of a stylistic study with a comparative aim of two of their poetic compositions, which we situate in a Dr Azouz Ali Ahmed - 8 - Revue Annales du patrimoine broader perspective (historico-social), we show how the same desire (concept on which a Lacanian detour is required) of God is expressed, in Ibn Arabi, by means of a writing of the in-between which is distinguished by a structured tangle of philosophical and literary dimensions. Keywords: mystic, transhistoricity, divine love, fragment, desire. o Transhistorique(1), l’expérience mystique a toujours, sous des formes diverses, toutes aussi singulières que porteuses d’étrangeté, marqué de manière significative la vie des hommes et des femmes en quête d’une spiritualité inscrite en dehors des institutions religieuses et de leur canon (normes). Dans "La fable mystique", de Certeau met en relief la profondeur historique et sociale de ce phénomène ontologique : Au commencement de la tradition qui trace une folie sur les bords du christianisme, il y a cette femme. Son apparition date du IVe siècle, racontée par "l’Histoire lausiaque" de Palladios. La folle erre dans une cuisine, à l’intérieur d’une véritable république de femmes (elles sont quatre cents), couvent égyptien que Pacôme a établi à Mêné ou Tismênai, près de Panoplis. Forme première de ce qui deviendra "Folie pour le Christ". Une femme sans nom qui disparaît aussitôt que reconnue, précède d’autres figures, d’hommes qui portent des noms : Marc le fou (salos), dans la ville d’Alexandrie (VIe siècle) ; Syméon le fou, d’Emèse, en Syrie (VIe siècle) ; André Salos, à Constantinople (IXe siècle) ; etc. Avec les siècles, cette folie monte vers le nord et se fait nombreuse(2). Tel un mouvement irrésistible, une onde de choc suivant une forte secousse tellurique, le mysticisme s’est répandu partout sur la terre, et a connu des périodes d’apogée et de déclin, qui s’inscrivent dans la trame du récit des grands moments politiques, historiques et socioculturels vécus par les nations(3). Ainsi, dans l’espace mohammedien, par exemple, la mystique (ou le "soufisme"(4) par antonomase) a eu un âge d’or aux XIIe et XIIIe siècles avant de suivre la pente de la décadence Ibn Arabi et Jean de La Croix deux poètes mystiques - 9 - N° 16, Septembre 2016 qui frappa la civilisation arabo-musulmane jusqu’au XIXe siècle. Il est vrai de même que l’intermède de l’Empire ottoman plongea le monde arabo-musulman dans une période assez sombre, qui accentua son déclin civilisationnel. Néanmoins, le soufisme (Ettassawuf) reprit un second souffle dès l’amorce de la renaissance(5) de la sphère islamique au XIXe siècle, soutenue vigoureusement par des penseurs comme Djamal Eddine al- Afghani, Mohamed Abdou, un de ses disciples, et au XXe siècle par Mohamed Iqbal. Par contre, la mystique chrétienne, selon de Certeau, qui en dresse un remarquable et critique panorama dans "La fable mystique", s’est, elle, progressivement estompée au XVIIe siècle. Mais des signes probants révèlent, depuis ces trente dernières années, un retour, même encore timide, à la tradition mystique dans le monde occidental. D’un autre angle de vue, mettant en relief la dimension universelle du mysticisme, Dermenghem observe que : La doctrine et l’expérience mystique ont certes des formes plus ou moins parfaites et authentiques, mais sont essentiellement universelles, de même d’ailleurs, que leurs déviations, leurs perversions et leurs caricatures. La théorie de l’union mystique avec Dieu implique naturellement une conception de Dieu et de l’âme. Socrate, Platon, Aristote et Plotin ont fourni les bases métaphysiques de ces conceptions(6). Cette universalité de l’expérience mystique, mais également son enracinement philosophique - en particulier platonicien - se retrouvent chez deux grands poètes appartenant aux sociétés musulmane et chrétienne, Ibn Arabî (560/1165- 638/1240) et Jean de la Croix (1542-1591) qui sont cependant nés sur une même terre (l’Espagne, Bilad el Andalus). Celle qui permit la fulgurance d'un âge d'or, moment de convergence, de rencontre et de dialogue entre des civilisations assises sur le socle des trois religions monothéistes appartenant à un même large espace géographique, le Moyen-Orient. Dans notre article, tout en mettant en relief la poétique du fragment qui caractérise l’œuvre de Jean de la Croix, celle d’Ibn Arabi et leur rapport à la Dr Azouz Ali Ahmed - 10 - Revue Annales du patrimoine question du désir, nous nous penchons en une étude stylistique à visée comparative sur deux de leurs poèmes "Flamme d’amour vive" de Jean de la Croix, et "Chantons l’amour de l’amour" d’Ibn Arabi). Notre analyse nous permet de même de situer les deux compositions dans une perspective plus large, car, pour reprendre Collot(7) "toute expérience poétique engage au moins trois termes : un sujet, un monde, un langage". 1 - Poétique du fragment : Les critiques attribuent le concept de fragmentation au courant de la modernité littéraire et à des poètes comme Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé qui en furent des défenseurs opiniâtres. Sur la question, Jiménez, spécialiste en esthétique, précise que : Si Charles Baudelaire est si souvent considéré comme le premier à avoir défini la modernité et à l’avoir expérimentée dans sa propre création poétique, cela tient précisément à son extrême sensibilité aux ruptures : rupture avec les conventions académiques, avec la grande bourgeoisie affairiste, avec le pouvoir économique et politique qui entend soumettre l’ordre esthétique à l’ordre établi(8). L’ordre établi - qui érige des normes canoniques à même d’encadrer la croyance en Dieu et ses diverses formes d’expression -, c’est celui dont les mystiques s’éloignent pour chercher l’Autre par des voies originales. C'est cet aspect qui a, sans doute, permis à Barthes cette judicieuse réflexion : L'opposition "le couteau de la valeur) n'est pas forcément entre des contraires consacrés, nommés (le matérialisme et l'idéalisme, le réformisme et la révolution, etc.) ; mais elle est toujours et partout entre l'exception et la règle. La règle, c'est l'abus, l'exception, c'est la jouissance. Par exemple, à de certains moments, il est possible de soutenir "l'exception" des Mystiques. Tout, plutôt que la règle (la généralité, le stéréotype, l'idiolecte : le langage consistant"(9). A partir d’un autre prisme, Rappelons que le mysticisme de la poésie baudelairienne, symbolisée par "La mort des amants"(10), Ibn Arabi et Jean de La Croix deux poètes mystiques - 11 - N° 16, Septembre 2016 restitue avec une charge inouïe de poéticité, tout en la représentant de manière assez remarquable, la métamorphose de l’expérience charnelle en un appel à une fusion du même et de l’autre en Un dans la mort et, en même temps, comme élan vers une vie spirituelle assumant comme réceptacle la transfiguration de la chair en esprit. En conséquence, les amants du poème s’unissent uploads/Histoire/ dr-azouz-ali-ahmed-ibn-arabi-et-jean-de-la-croix-deux-poetes-mystiques.pdf

  • 28
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Dec 22, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.2072MB