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Qu’est-ce qu’une image iconique ? Exemple de la photographie de Kim Phuc par Ni

Qu’est-ce qu’une image iconique ? Exemple de la photographie de Kim Phuc par Nick Ut, image surnommée « Napalm girl ». Compte-rendu de l’intervention de Christian DELPORTE lors de la table ronde du 11/10/2018 : « Les images diffusées par les médias influencent-elles les opinions ? De l’histoire à l’actualité » Les années 60 sont marquées par la guerre du Vietnam. La question de l’influence des images sur l’opinion se pose en terme de réceptivité des opinions à cette époque. Les images ont parfois un certain pouvoir, elles « font mouche », même si elles sont choquantes. Les « images fortes », reprises, commentées, n’expriment-elles pas l’état des opinions à un moment donné ? Les images fortes sont engluées dans des systèmes de reconstruction, dans les interprétations, les commentaires… qui les ont parfois déformées. L’image prise en exemple est celle de Kim Phuc en juin 1972. Surnommée « Napalm girl », cette image aurait précipité la fin de la guerre du Vietnam. Le contexte. Une explosion a lieu dans un village. La photographie est prise par un photographe américano- vietnamien, Nick Ut. Les photographes sont plusieurs à être présents sur place. Nick Ut sélectionne huit photographies. Celle de Kim Phuc est d’abord rejetée car elle est nue. La photographie est recentrée pour être proposée à la presse états-unienne et internationale. Elle est alors diffusée de multiples fois dans les journaux. Dans le même temps, une séquence télévisée diffusée sur NBC et ABC présente le même bombardement. A cette occasion, de nombreuses photographies sont également prises, mais seule celle de Kim Phuc est retenue : elle devient iconique. Pourquoi cette image est-elle iconique?  Elle est un symbole universel, qui suscite des émotions. La violence subie par l’innocence de cette petite fille est très forte. La culture visuelle de la violence envers les enfants est un thème récurrent depuis le massacre des Innocents…  Elle renvoie à un invisible. On nous montre aussi des choses qu’on ne voit pas.  Elle est une promesse résurrectionnelle. Elle dégage une puissance mobilisatrice.  Elle est esthétique. On peut évoquer l’équilibre de la composition. Quand surgissent de nouvelles photographies montrant la violence à l’égard d’enfants (ex : les morts d’Aylan en Turquie en 2015 ou Omayra en Colombie en 1985) on retrouve ce même type d’image iconique. Le photographe Nick Ut a reçu prix Pulitzer (et d’autres prix) pour ce cliché - ce qui a d’ailleurs agacé le Président Nixon. Un autre exemple, toujours pendant la Guerre du Vietnam, permet de comprendre l’importance de l’état des opinions dans la fabrique de clichés iconiques. Quatre ans avant la photographie prise par Nick Ut, les massacres de Mai Lai en 1968, qui causent la mort de 173 enfants, sont commis par les Américains. Les clichés du massacre sont nombreux et ont un impact sur le cours de la Guerre du Vietnam et sur les décisions de la cour martiale. Pourtant, aucune photographie de cet événement n’est devenue iconique. En effet, l’impact des images dépend des dispositions de l’opinion. Dans les années 60, les Américains soutiennent le président et la guerre malgré l’offensive du Têt. Mais en 1972, l’état de l’opinion a changé ! La plupart des Américains veulent en finir vite avec cette guerre qui dure depuis 8 ans, qui coûte cher et l’opinion est devenue en majorité pacifiste. Le contexte des médias a aussi changé, avec en particulier le rôle croissant de la télévision. Or, la presse a un discours qui reflète l’opinion publique. De plus, sur les photographies de Mai Lai il n’y a pas de souffrance visible (seulement des morts), alors que Kim Phuc souffre sur le cliché de 1972. Cette dernière devient une icône du pacifisme, mais aussi un instrument de la propagande vietnamienne (elle se rend en URSS…) Postérité. La photographie revient après les années 80. Elle est utilisée par les artistes pour dénoncer les violences des guerres. On la trouve par exemple dans les manuels scolaires, dans la presse, dans les musées d’art contemporain. Cette image atroce est iconique car est aussi accompagnée d’un double récit : - Celui de la jeune fille - Celui du photographe Alors que les enfants de Mai Lai n’ont pas de visage…et ont été tués par des Américains. Christian Delporte est professeur des universités en histoire contemporaine à l’université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines, c’est un historien des médias et du politique. Il a co-dirigé avec Isabelle Veyrat-Masson, La puissance des images du Moyen-Age à nos jours, aux Editions du Nouveau monde en 2018. CR établi par Madame Sophie Le Louvier Enseignante agrégée d’histoire-géographie Lycée Les Bourdonnières, Nantes. uploads/Histoire/ eldorado-2.pdf