Flammarion om EXTRÊME Retrouver ce titre sur Numilog.com Du même auteur ESSAIS
Flammarion om EXTRÊME Retrouver ce titre sur Numilog.com Du même auteur ESSAIS Capc-musée 1973-1993, Paris, Éditions du Regard, 1993. La Création contemporaine entre structures et système, Rouen, Publications de l’École des beaux-arts de Rouen, 1996. Analyser l’art vivant, s’il se peut (Un constat de balbutiement), Strasbourg, Publications de l’École des arts décoratifs de Strasbourg, 1997. Art, l’âge contemporain. Une histoire des arts plastiques à la fin du XXe siècle, Paris, Éditions du Regard, 1997. L’Art dans son moment politique, Bruxelles, La Lettre volée, 2000. L’Image Corps. Figures de l’humain dans l’art du XXe siècle, Paris, Éditions du Regard, 2001 (Grand Prix de l’Académie de Dijon). Un art contextuel, Paris, Flammarion, 2002 ; coll. « Champs », 2004. Codex Rudy Ricciotti, Bâle/Paris, Birkhäuser/Ante Prima, 2003. Terre habitée. Humain et urbain à l’ère de la mondialisation, Paris, Archi- books, 2005. Topiques. Alain Sarfati, Paris, Le Layeur/Ante Prima, 2005. Manuelle Gautrand architectures, Paris, In-Folio/Ante Prima, 2005. Contacts : Philippe Gazeau architecte, Bruxelles, AAM, 2006. ROMAN La Halte, Bruxelles, QUE, 2003. EN COLLABORATION Opus avec Jacques Coulais, Paris, Figuier, 1990. Guide Europe des musées d’art moderne et contemporain avec Ami Barak, Art press, 1994. 1989 (sous la dir. Paul Ardenne), Paris, Éditions du Regard, 1995. Pratiques contemporaines : l’art comme expérience avec Pascal Beausse et Laurent Goumarre, Paris, Dis-Voir, 1999. Christian Hauvette architecte avec Alice Laguarda, Paris, Jean-Michel Place, 2001. La Passion de la victime (collectif), Bruxelles, QUE, 2003. Portraiturés avec Élisabeth Nora, Paris, Éditions du Regard, 2003. Ouvrir Couvrir (collectif), Lagrasse, Verdier, 2004. Retrouver ce titre sur Numilog.com Paul Ardenne EXTRÊME Esthétiques de la limite dépassée FLAMMARION Retrouver ce titre sur Numilog.com © Éditions Flammarion, 2006 ISBN : 978-2-08-210444-9 Retrouver ce titre sur Numilog.com À la mémoire de Serge III Oldenbourg – lui le fit. Retrouver ce titre sur Numilog.com Retrouver ce titre sur Numilog.com « J’avais renoncé à produire une œuvre d’art respectable. » OTTO MUEHL, Sortir du bourbier « Qu’on le sache une fois pour toutes : je ne veux pas me civiliser. » ARTHUR CRAVAN, cité par Arnaud Labelle-Rojoux, in L’Acte pour l’art « Le processus mondial, dans son ensemble, a beaucoup plus de traits communs avec une party de suicidaires à grande échelle qu’avec une organisation d’êtres rationnels visant à la conservation de soi. » PETER SLOTERDIJK, Essai d’intoxication volontaire « Quand les téléspectateurs ont été habi- tués à voir des images d’enfants mourants en Éthiopie, il a fallu leur dire que les soldats violaient les mères pour ressusciter l’intérêt. » MARGUERITE LAVALLÉE, citée par Serge Beaucher, « La télé-réalité », Contact, 2004 Retrouver ce titre sur Numilog.com Par refus de la complaisance, nous avons pris le parti de ne pas insérer dans le cahier central de vues relevant du répertoire X, pornographique ou assimilé, celles-ci étant par ailleurs très librement accessibles. Les illustrations proposées au lecteur constituent tout au plus des indications visuelles et déclinent quelques-unes des mises en forme de l’« esthétique extrême ». Retrouver ce titre sur Numilog.com PROLOGUE Serge III Oldenbourg, artiste : « En 1964, au fes- tival de la Libre Expression, au Centre des étudiants américains, le 28 mai, j’ai joué à la roulette russe en scène pendant le concert Fluxus. Je suis entré en scène, j’ai introduit une cartouche dans le barillet d’un revolver, j’ai tourné plusieurs fois le barillet, je me suis appliqué le canon du revolver sous le menton, j’ai tiré une fois, j’ai extrait la balle du barillet et je l’ai jetée dans le public. » Le numéro que réalise Serge III s’intitule Solo pour la mort – titre probablement donné par un autre artiste pré- sent, Ben Vautier, à moins que ce ne soit par Jean-Jacques Lebel, organisateur du festival et artiste lui aussi. Solo pour la mort. C’est bien de cela qu’il s’agit : un homme seul sur une scène, comme le ferait un concertiste, devant un public fourni de quatre à cinq cents personnes, inter- prète une composition imaginée et orchestrée par lui- même, composition dont le thème est la mort. Solo pour la mort se résume à un dispositif minimal et à quelques gestes simples. L’instrument ? Un revolver au barillet chargé d’une seule balle. L’exécution ? Il suffit que Serge III colle l’extrémité du canon du revolver sous sa gorge et qu’il appuie sur la détente. Le déroulement de Retrouver ce titre sur Numilog.com 12 EXTRÊME cette « performance », qui est aussi une création de nature musicale (la détonation ou le simple clic d’une gâchette heurtant le vide), est de nature aléatoire. Soit le coup part, soit il ne part pas. Avec cette conséquence esthétique directe : ou bien la matière cervicale de l’exé- cutant se répand dans l’air, en une brève explosion sonore de peau, d’os, de sang et de chair, et ce dernier s’effondre sur la scène, face au public. Ou bien rien ne se passe. L’exécutant, une fois son geste effectué, demeure debout, salue, quitte la scène. Solo pour la mort, une des œuvres majeures que nous a léguées le XXe siècle, est un parfait exemple de création « extrême ». L’artiste, à l’évidence, dépasse les bornes, ou prend le risque de les dépasser. Quelles bornes ? Celle d’abord de l’usage : la pratique artistique n’a jamais com- mandé aux artistes qu’ils en usent pour attenter à leurs jours. Celle, encore, de la bienséance : prendre le risque de se tuer en public, c’est passer outre aux convenances. Celle également de l’esthétique : le spectacle que propose Serge III, mime exact d’un jeu dangereux (la roulette russe), se tient à trop peu de distance de l’authentique pratique suicidaire pour prétendre être juste une offre plastique, la production d’un effet qui resterait un effet. Enfin, la borne psychologique. De la pratique artistique est espérée, sinon une forme de salut par la création, du moins une satisfaction narcissique : l’œuvre d’art se veut signe d’accomplissement, preuve de la capacité à l’expres- sion, formule de sublimation. Convoquer la mort réelle dans son dispositif, c’est anéantir d’office tout ce que la création artistique peut receler de vitalisme, d’aspiration à un mieux-vivre, à un mieux-être, à l’idée même de réa- lisation de soi. Peut-être s’en souvient-on : lors d’un fes- tival dada, en 1920, André Breton s’était confectionné pour l’une de ses apparitions sur scène un dispositif Retrouver ce titre sur Numilog.com PROLOGUE 13 mécanique maintenant collé sur sa tempe un revolver. Mais lui, alors, ne tire pas 1. L’« extrême » réside là, déjà. Dans le fait d’aller plus loin, de repousser la limite, à commencer pour l’artiste par sa propre limite. Richard Martel, qui a donné de Solo pour la mort une analyse lumineuse, formule ainsi cette pulsion de dépassement : « Le geste du performeur implique la totalité de la personne qui court un risque, dans une situa- tion publique. C’est d’ailleurs ce risque, toujours, qui est revendiqué par les artistes de la performance. La perfor- mance, une sorte de laboratoire pour tester le perfor- meur 2. » Au-delà de ce critère d’expérimentation de soi, le caractère « extrême » de Solo pour la mort concrétise encore l’abolition de cette autre frontière, celle de la représenta- tion. Pas de mime, l’incarnation est totale. Ici l’on joue mais, en même temps, on ne joue plus vraiment, ou alors on joue gros : sa propre vie. Ce qu’exprime bien Marcel Alocco : « Les limites sont faites pour être déplacées : jouer à la roulette russe sur la scène d’un théâtre comme le fit Serge III – même s’il explique ensuite tranquillement à qui l’interroge que, le poids de la cartouche devant normale- ment entraîner le barillet vers le bas, le risque encouru est statistiquement moins grand qu’il n’y paraît –, n’est-ce pas, par cette action, se situer à l’extrême limite où la fiction n’est plus discernable du réel ? Il ne s’agit pas seulement d’un geste qui ne se sépare plus en rien du quotidien vécu dans sa banalité, mais d’un acte qui inverse la proposition et, sous l’apparence de la fiction, met en jeu, et en péril absolument, la totalité du réel 3. » 1. Vous m’oublierez, pièce brève d’André Breton et Philippe Soupault, Dada-Paris, théâtre de l’Œuvre, 27 mars 1920. 2. Richard Martel, « Deux balles, deux trajectoires. De Serge III à Chris Burden, de l’accidentel ! », Inter-Art actuel, no 77, automne 2000, p. 66. 3. Marcel Alocco, « À feindre de parler d’autre chose », École de Nice- Serge III, ACME-Z’, Nice, 1988, p. 20. Retrouver ce titre sur Numilog.com 14 EXTRÊME Le geste de Serge III Oldenbourg doit à la prémédita- tion, à l’audace, à l’amour du risque, à l’épreuve autant qu’au châtiment que l’on s’infligerait, à la stupidité, le concept d’acte « gratuit » n’étant pas étranger non plus à l’esprit qui préside à l’exécution de Solo pour la mort. Si ce geste est « extrême », c’est aussi du fait de l’étonnante négociation qu’il entretient avec le destin, un destin plus incertain que jamais, sur fond de pesée impossible de la chance et de la malchance. uploads/Histoire/ extreme-esthetique-de-la-limite-depassee.pdf
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- Publié le Jui 19, 2022
- Catégorie History / Histoire
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