LA LIBRAIRIE DU XXIe SIÈCLE Collection dirigée par Maurice Olender ISBN 978-2-0
LA LIBRAIRIE DU XXIe SIÈCLE Collection dirigée par Maurice Olender ISBN 978-2-02-112328-9 © Éditions du Seuil, janvier 2014 www.seuil.com Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo. TABLE DES MATIÈRES Couverture Copyright AVANT-PROPOS PRÉLUDE ANCIENNES PÉRIODISATIONS APPARITION TARDIVE DU MOYEN ÂGE HISTOIRE, ENSEIGNEMENT, PÉRIODES NAISSANCE DE LA RENAISSANCE LA RENAISSANCE AUJOURD’HUI LE MOYEN ÂGE DEVIENT « LES TEMPS OBSCURS » UN LONG MOYEN ÂGE PÉRIODISATION ET MONDIALISATION ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE REMERCIEMENTS L’AUTEUR LA LIBRAIRIE DU XXIe SIÈCLE AVANT-PROPOS Ni thèse ni synthèse, cet essai est l’aboutissement d’une longue recherche : une réflexion sur l’histoire, sur les périodes de l’histoire occidentale, au sein de laquelle le Moyen Âge est mon compagnon depuis 1950. Nous étions alors aux lendemains de mon agrégation dont le jury était présidé par Fernand Braudel et où l’histoire médiévale était représentée par Maurice Lombard. Il s’agit donc d’un ouvrage que je porte en moi depuis longtemps, nourri d’idées qui me tiennent à cœur et que j’ai pu formuler, ici ou là, de diverses manières 1. L’histoire, comme le temps qui est sa matière, apparaît d’abord comme continue. Mais elle est faite aussi de changements. Et, depuis longtemps, les spécialistes ont cherché à repérer et à définir ces changements en découpant, dans cette continuité, des sections que l’on a appelées d’abord les « âges » puis les « périodes » de l’histoire. Écrit en 2013, à l’heure où les effets quotidiens de la « mondialisation » sont de plus en plus tangibles, ce livre-parcours revient ainsi sur les diverses manières de concevoir les périodisations : les continuités, les ruptures, les façons de penser la mémoire de l’histoire. Or l’étude de ces différents types de périodisation permet de dégager, me semble-t-il, ce que l’on peut appeler un « long Moyen Âge ». Et cela notamment si l’on reconsidère à la fois les significations que l’on a voulu attribuer, depuis le XIXe siècle, à la « Renaissance » et la centralité de cette « Renaissance ». Autrement dit, traitant du problème général du passage d’une période à l’autre, j’examine un cas particulier : la prétendue nouveauté de la « Renaissance » et son rapport au Moyen Âge. Ce livre met ainsi en évidence les caractéristiques majeures d’un long Moyen Âge occidental qui pourrait aller de l’Antiquité tardive (du IIIe au VIIe siècle) jusqu’au milieu du XVIIIe siècle. Cette proposition n’esquive pas la conscience que nous avons désormais de la mondialisation des histoires. Le présent et l’avenir engagent chaque secteur de l’historiographie à une remise à jour des systèmes de périodisation. C’est à cette tâche nécessaire que ce volume exploratoire aimerait aussi contribuer 2. Si la « centralité » de la « Renaissance » se trouve au cœur de cet essai, incitant à renouveler notre vision historique, souvent trop étriquée, de ce Moyen Âge auquel j’ai consacré avec passion ma vie de chercheur, les questions soulevées concernent principalement la conception même de l’histoire en « périodes ». Car reste à savoir si l’histoire est une et continue ou sectionnée en compartiments. Ou encore : faut-il vraiment découper l’histoire en tranches ? Éclairant ces problèmes de l’historiographie, ce livre se veut une contribution, aussi modeste soit-elle, à la réflexion nouvelle liée aux histoires mondialisées. 1. Voir notamment un recueil d’entretiens et d’articles divers publiés d’abord dans la revue L’Histoire, entre 1980 et 2004, repris sous le titre Un long Moyen Âge, Paris, Tallandier, 2004, rééd., Hachette, « Pluriel », 2010. 2. La bibliographie, en fin de volume, incite à poursuivre, par d’autres lectures, l’étude de questions souvent à peine abordées ici. PRÉLUDE Un des problèmes essentiels de l’humanité, apparu avec sa naissance même, a été de maîtriser le temps terrestre. Les calendriers ont permis d’organiser la vie quotidienne, car ils sont presque toujours liés à l’ordre de la nature, avec deux références principales, le Soleil et la Lune. Mais les calendriers définissent en général un temps cyclique et annuel, et demeurent inefficaces pour penser des temps plus longs. Or si l’humanité n’est pas jusqu’à présent capable de prévoir avec exactitude le futur, il lui importe de maîtriser son long passé. Pour l’organiser, on a recouru à divers termes : on a parlé d’« âges », d’« époques », de « cycles ». Mais le mieux adapté me semble celui de « périodes ». « Période » vient du grec periodos 1 qui désigne un chemin circulaire. Le terme a pris entre le XIVe et le XVIIIe siècle le sens de « laps de temps » ou « âge ». Au XXe siècle, il a produit la forme dérivée « périodisation ». Ce terme de « périodisation » sera le fil conducteur de cet essai. Il indique une action humaine sur le temps et souligne que son découpage n’est pas neutre. Il s’agira ici de mettre en évidence les raisons plus ou moins affichées, plus ou moins avouées qu’ont eues les hommes de découper le temps en périodes, souvent assorties de définitions qui soulignent le sens et la valeur qu’ils leur confèrent. Le découpage du temps en périodes est nécessaire à l’histoire, qu’on la considère au sens, général, d’étude de l’évolution des sociétés ou de type particulier de savoir et d’enseignement, ou encore de simple déroulement du temps. Mais ce découpage n’est pas un simple fait chronologique, il exprime aussi l’idée de passage, de tournant, voire de désaveu vis-à-vis de la société et des valeurs de la période précédente. Les périodes ont par conséquent une signification particulière ; dans leur succession même, dans la continuité temporelle ou, au contraire, dans les ruptures que cette succession évoque, elles constituent un objet de réflexion essentiel pour l’historien. Cet essai examinera les rapports historiques entre ce qu’on appelle habituellement « Moyen Âge » et « Renaissance ». Et, comme il s’agit de notions qui sont elles-mêmes nées au cours de l’histoire, j’attacherai une attention particulière à l’époque où elles sont apparues et au sens qu’elles véhiculaient alors. On tente souvent d’associer « périodes » et « siècles ». Ce dernier terme utilisé dans le sens de « période de cent ans » commençant théoriquement par une année se terminant par « 00 » n’est apparu qu’au XVIe siècle. Auparavant le mot latin sæculum désignait soit l’univers quotidien (« vivre dans le siècle »), soit une période assez courte mal délimitée et portant le nom d’un grand personnage qui lui aurait donné son éclat : par exemple « siècle de Périclès », « siècle de César », etc. La notion de siècle a ses défauts. Une année se terminant en « 00 » est rarement une année de rupture dans la vie des sociétés. On a donc laissé entendre ou même affirmé que tel ou tel siècle commençait avant ou après l’année charnière et se prolongeait au-delà de cent ans, ou inversement s’arrêtait plus tôt : ainsi, pour les historiens, le XVIIIe siècle commence en 1715, et le XXe siècle en 1914. Malgré ces imperfections, le siècle est devenu un outil chronologique indispensable non seulement pour les historiens mais pour tous ceux, très nombreux, qui se réfèrent au passé. Mais la période et le siècle ne répondent pas à la même nécessité. Et si parfois ils coïncident, ce n’est que par commodité. Par exemple une fois le mot « Renaissance » – introduit au XIXe siècle – devenu la marque d’une période, on a cherché à faire coïncider celle-ci avec un ou plusieurs siècles. Or quand la Renaissance a-t-elle débuté ? Au XVe ou au XVIe siècle ? On mettra le plus souvent en évidence la difficulté à établir et à justifier le début d’une période. Et on verra plus loin que la manière de la résoudre n’est pas anodine. Si la périodisation offre une aide à la maîtrise du temps ou plutôt à son usage, elle fait parfois surgir des problèmes d’appréciation du passé. Périodiser l’histoire est un acte complexe, chargé à la fois de subjectivité et d’effort pour produire un résultat acceptable par le plus grand nombre. C’est, je crois, un passionnant objet d’histoire. Pour terminer ce prélude, je voudrais souligner, comme l’a fait en particulier Bernard Guenée 2, que ce que nous appelons l’« histoire, sciences sociales » a mis du temps à devenir l’objet d’un savoir, sinon « scientifique », du moins rationnel. Ce savoir portant sur l’ensemble de l’humanité ne s’est vraiment constitué qu’au XVIIIe siècle, lorsqu’il est entré dans les universités et dans les écoles. L’enseignement constitue en effet la pierre de touche de l’histoire comme connaissance. Cette donnée est importante à rappeler pour comprendre l’histoire de la périodisation. 1. R. Valéry et O. Dumoulin (dir.), Périodes. La construction du temps historique. Actes du Ve colloque d’Histoire au présent, Paris, Éd. de l’EHESS, 1991 ; J. Leduc, « Période, périodisation », in Chr. Delacroix, Fr. Dosse, P. Garcia et N. Offenstadt (dir.), Historiographies, Concepts et débats II, Paris, Gallimard, « Folio Histoire », 2010, p. 830- 838 ; pour « Âge », voir A. Luneau, L’Histoire du salut chez les Pères de l’Église, la doctrine des âges du monde, Paris, uploads/Histoire/ faut-il-vraiment-decouper-l-x27-histoire-en-tranches-by-jacques-le-goff.pdf
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- Publié le Jul 01, 2022
- Catégorie History / Histoire
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