Michèle Fogel Roi de France De Charles VIII à Louis XVI histoire INÉDIT C O L L

Michèle Fogel Roi de France De Charles VIII à Louis XVI histoire INÉDIT C O L L E C T I O N F O L I O H I S T O I R E Michèle Fogel Roi de France De Charles VIII à Louis XVI Gallimard Cet ouvrage est publié sous la direction de Martine Allaire. © Éditions Gallimard, 2014. Couverture : Rubens, Henri IV part pour la guerre d’Allemagne et confie à la reine le Gouvernement de son royaume, le 20 mars 1610 (détail). Musée du Louvre, Paris. Photo © RMN-Grand Palais / Thierry Le Mage. Ancienne élève de l’École normale supérieure de Fontenay- aux-Roses, Michèle Fogel a été maître de conférences en his- toire moderne à l’université de Paris-X Nanterre. Elle a participé au deuxième volume du Siècle des Lumières, publié sous la direction d’Albert Soboul (Presses universitaires de France, 1977), et a publié notamment Les cérémonies de l’information dans la France du XVIe au XVIIIe siècle (Fayard, 1989), L’État dans la France moderne. De la fin du XVe au milieu du XVIIIe siècle (Hachette, 1992) et Marie de Gournay. Itiné- raires d’une femme savante (Fayard, 2004). Introduction NAISSANCE D’UN DAUPHIN Le 2 septembre 1601, dans toutes les églises de Paris, commencent les prières des Quarante-heures « pour obtenir l’heureuse délivrance de la reine très Chrétienne et la naissance d’un prince Dauphin ».1 Le clergé invite les fidèles à unir, dans une même dévo- tion doloriste, le séjour du Christ au tombeau entre l’horreur de la Crucifixion et la gloire de la Résurrec- tion, la mise en danger de la vie de la reine, Marie de Médicis, et la venue au jour d’un enfant que Dieu dans sa toute-puissance et son infinie bonté aura doté d’un sexe masculin. Prières parisiennes double- ment agréables à l’heureux père, le roi Henri IV, celles d’une ville rebelle qu’il a condamnée à proces- sionner chaque année en mémoire de sa soumission le 22 mars 1594. C’est la première naissance royale depuis près de trente ans. Mais le 25 octobre 1572, une princesse était née qui, suivant les règles de la succession des rois en France, n’avait aucun droit sur la Couronne, pas même celui de la donner à un époux ou de la transmettre à un fils. Aussi lorsque le roi Charles IX, son père, était mort dix-sept mois après sa naissance, c’était son oncle, Henri III, qui lui avait succédé ; sa mère, Élisabeth d’Autriche, était retournée à Vienne, et la petite fille, restée à la cour de France, avait rapi- dement disparu.2 En octobre 1572, Henri IV n’était qu’Henri de Bourbon, roi de Navarre, un petit royaume disputé à l’Espagne. Trois mois auparavant, le 24 août, alors qu’il venait d’épouser la plus jeune sœur de Charles IX, Marguerite de Valois, de grands nobles, des gentils- hommes de sa suite et de nombreux parisiens, tous protestants comme lui, avaient été massacrés. La Saint-Barthélemy marquait un moment paroxystique dans les guerres de religion qui ont bouleversé le royaume pendant près de quarante ans. Pour que ce jeune prince isolé et menacé devienne Henri IV, le Très Chrétien roi de France et de Navarre, il a fallu d’abord que meurent sans héritier Charles IX et ses frères : François, duc d’Anjou, avant même d’avoir régné ; Henri III, assassiné en août 1589. Ainsi s’étei- gnait la dynastie des Valois. Henri de Bourbon était le premier dans l’ordre de succession à la Couronne : cousin lointain du roi défunt, il devait compter vingt ascendants mâles pour arriver à leur ancêtre commun, saint Louis. Ce droit, cependant, n’était rien sans les armes — encore neuf ans de guerre — et les armes, rien sans les concessions et les négocia- tions — la conversion définitive du roi au catholi- cisme, les compensations financières au ralliement des grands nobles, la confirmation des privilèges des grandes villes. Au printemps 1598, l’édit de Nantes avait établi un compromis entre les droits des protes- tants et la prééminence des catholiques, tandis que le traité de Vervins mettait un terme aux interventions de l’Espagne dans les affaires du royaume. C’était la paix. Les membres des parlements de Paris et de Rouen, aussi bien que les membres du Roi de France 10 clergé réunis en assemblée, avaient alors exhorté Henri IV à remplir au plus vite son devoir de roi : assurer sa descendance puisque son union avec Marguerite de Valois était restée stérile et qu’il avait déjà quarante-cinq ans. Trois démarches s’impo- saient : négocier avec celle qui, même éloignée et déconsidérée, restait la reine de France et tenait à monnayer son acceptation ; négocier avec le pape qui seul pouvait défaire les liens sacrés qui les unissaient ; trouver la nouvelle épouse qui remplirait sa part d’obligation. Le temps qu’aboutissent les négociations avec la reine et que le pape, rassuré sur l’orientation qu’Henri IV donnait à sa politique, prononce la dis- solution du mariage en décembre 1599, la maîtresse préférée du roi, Gabrielle d’Estrées, était morte à vingt-six ans lors de son quatrième accouchement. Le roi l’aurait sans doute épousée malgré les protes- tations de ses cousins Conti et Soissons, porteurs eux aussi du sang de saint Louis : il en était amoureux, elle lui avait donné deux fils qu’il avait légitimés. Fin 1599, il était trop tard pour profiter de la paix de Vervins et rechercher l’Infante d’Espagne, Isabelle- Claire-Eugénie : elle venait d’épouser son cousin Albert d’Autriche. Elizabeth d’Angleterre vieillissait en « Reine vierge » ; Henri montrait du mépris à l’égard des princesses des petits états allemands. Res- tait la nièce du Grand-duc de Toscane, Marie de Médicis, âgée de vingt-sept ans : une famille prin- cière d’élévation récente, qui avait déjà fourni une reine de France fort robuste, Catherine, l’épouse d’Henri II ; une famille alliée dans son désir de résis- ter à l’emprise espagnole et savoyarde en Italie du Nord et qui avait financé une partie de la reconquête du royaume. La dot effacerait une partie des dettes. Naissance d’un Dauphin 11 Le contrat de mariage était signé depuis trois mois, et déjà le roi engageait la future reine à se pré- parer à la tâche qui l’attendait : « J’ai pris des eaux de Pougues, de quoi je m’en suis bien trouvé… écrivait- il le 24 juillet 1600… Comme vous désirez la conser- vation de ma santé, j’en fais ainsi de vous et vous recommande la vôtre, afin que, à votre arrivée, nous puissions faire un bel enfant qui fasse rire nos amis et pleurer nos ennemis. »3 Après la première bénédic- tion nuptiale à Florence où le Grand-duc avait tenu le rôle du roi, et le débarquement à Marseille, Marie de Médicis attendait son époux à Lyon tandis qu’il dirigeait les dernières opérations militaires contre la Savoie. Avant même la deuxième bénédiction qui devait les réunir, le roi, revenant de la guerre, s’était présenté un soir chez la reine et la nouvelle de la prompte consommation du mariage s’était répandue parmi tous ceux qui portaient un intérêt à l’avenir de la nouvelle dynastie. Il était resté à Lyon suffisam- ment longtemps pour signer la paix avec la Savoie le 17 janvier 1601 et, suivant Philippe Hurault, un de ses familiers, pour « avoir assez donné de satisfaction et assurance de son amitié conjugale à la Reine, la laissant enceinte comme il croyait et était vrai. »4 Il était parti pour Paris où elle était venue le rejoindre début février. La grossesse était peu à peu devenue une certitude. Mi-août, en prévision des couches de la reine, la cour s’était installée à Fontainebleau, ce grand et beau palais aux vastes salles, aux jardins aérés. Dans la nuit du 26 au 27 septembre, environ neuf mois et deux semaines après la première entrevue de Lyon, les douleurs annoncent l’imminence de la nais- sance. Le roi prévient la reine : « Ma mie, vous savez que je vous ai dit, par plusieurs fois, le besoin qu’il y a Roi de France 12 que les Princes du sang soient à votre accouchement. Je vous supplie de vous y vouloir résoudre, c’est la grandeur de vous et de votre enfant. » Et comme elle acquiesce sans enthousiasme, il ajoute : « Je sais bien, ma mie, que vous voulez tout ce que je veux, mais je connais votre naturel qui est timide et honteux ; que je crains que si vous ne prenez une grande résolution, les voyant, cela ne vous empêche d’accoucher. C’est pourquoi, derechef, je vous prie de ne vous étonner point, puis que c’est la forme que l’on tient au premier accouchement des Reines. »5 Telles sont du moins les paroles que la sage-femme, Louise Boursier, a recons- tituées de mémoire. Toute pudeur écartée, cette naissance royale s’orga- nise entre les impératifs dynastiques, les procédés médicaux que la sage-femme parisienne connaît et défend comme elle peut et les savoir-faire italiens qui rassurent la reine et qu’elle réussit en partie à imposer grâce à deux de ses femmes de chambre et un apothi- caire uploads/Histoire/ folio-histoire-michele-fogel-roi-de-france-de-charles-viii-a-louis-xvi-gallimard-2014.pdf

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  • Publié le Jui 16, 2022
  • Catégorie History / Histoire
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