Collection « ISTA » L'image troyenne et sa fonction narrative chez Darès de Phr

Collection « ISTA » L'image troyenne et sa fonction narrative chez Darès de Phrygie et Dictys de Crète Sidy Diop Résumé L'Éphéméride de la guerre de Troie de Dictys de Crète et l'Histoire de la destruction de Troie de Darès de Phrygie sont deux récits parallèles ayant probablement coexisté dès leur invention en langue grecque au 1er siècle après J.-C. sous le pouvoir des Julio-Claudiens particulièrement attachés à la légende des origines troyennes de Rome. Ces textes, connus sous une version latine plus tardive, ont joué un rôle précieux dans le processus de réappropriation de la matière troyenne sous l'Empire romain. Darès le Phrygien et Dictys le Cretois présentent une vision croisée de Troie, cité opposée tantôt à la Grèce, tantôt à Rome. Même si Darès idéalise Troie comme la cité-mère, berceau de la civilisation romaine, cet auteur se dévoile avant tout comme un Grec célébrant la supériorité morale du monde hellénique sur Troie. Toutefois, le Phrygien réserve un traitement à part à Anténor dont il exalte l'héroïsme par opposition à la barbarie des Laomédontiades et à la traîtrise d'Énée. Quant à Dictys le Cretois, il porte un regard moins sévère sur la barbarie troyenne dont la cité fut perdue par la seule faute de ses rois sacrilèges. Le Cretois, comme Darès, donne une place de choix aux Anténorides héritiers de la puissance troyenne et, avec l'exil l'honorable d'Énée, aménage une ouverture sur la future légende des origines troyennes de Rome. Citer ce document / Cite this document : Diop Sidy. L'image troyenne et sa fonction narrative chez Darès de Phrygie et Dictys de Crète. In: Reconstruire Troie. Permanence et renaissances d'une cité emblématique. Besançon : Institut des Sciences et Techniques de l'Antiquité, 2009. pp. 121-143. (Collection « ISTA », 1147); https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_2009_ant_1147_1_2730 Fichier pdf généré le 06/05/2018 L'image troyenne et sa fonction narrative chez Darès de Phrygie et Dictys de Crète Sidy DIOP Université Cheikh Anta Diop - Dakar Introduction Dictys de Crète et Darès de Phrygie, auteurs obscurs, resteraient très certainement inconnus s'ils n'avaient servi de sources aux poètes et romanciers de l'Europe médiévale. L'Éphéméride de L· guerre de Troie de Dictys de Crète et, surtout, l'Histoire de L· destruction de Troie de Darès de Phrygie doivent sans doute leur fortune au succès des textes médiévaux qui s'inspiraient d'elles1. L'exemple le plus patent nous est donné par Le Roman de Troie du Français Benoît de Sainte-Maure, à côté d'autres adaptations irlandaises ou italiennes de l'histoire de la guerre de Troie, toujours inspirées de Darès et, accessoirement, de Dictys2. Qu'est-ce que ces deux textes avaient de particulier pour pouvoir servir de sources quasiment exclusives aux auteurs médiévaux ? En quoi ont-ils pu se distinguer des œuvres d'Homère, voire de Virgile ou d'Ovide et d'Hygin3, pour finalement s'imposer comme des voies d'accès au Cycle troyen et à sa réappropriation ? Visiblement, l'Enéide de Virgile n'a pas suffi à la culture gallo-romaine pour se doter d'un texte- 1 Voir Troie et le Moyen Âge, Actes du colloque de l'Université Charles De GauUe-LiUe III (24 et 25 nov. 1991), Bien dire et bien aprandre, N° 10, 1992. 2 Voir CONSTANS L., éd., Le Roman de Troie par Benoît de Sainte-Maure, publié d'après tous les manuscrits connus, 6 vol., Paris, 1904- 1912; BAUMGARTNER E., De l'histoire de Troie au livre du Graal: le temps, le récit (ΧΙΤ-ΧΙΙΓ sikhs), Paradigmes, Orléans, 1994; BAUMGARTNER E. et HARF-Lancner L., éd., Entre fiction et histoire : Troie et Rome au Moyen Âge, Presses de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 1997 ; GODI M. (éd.), Una redazione poetica Latina médiévale délia storia « De Excidio Toiae » di Darete Frigio, Draconzio, Rome, 1988 et MyrîCK L.D., From the De Excidio Troiae to the Togal Troi: Literary-cultural Synthesis in a Médiéval Irish Adaptation Dares'Troy Taie, Universitâtsverlag C. Winter, Heidelberg, 1993. 3 Hygin, Fables, C.U.F., auteur contemporain d'Auguste, grâce à son tableau des légendes grecques, offre un précieux instrument de mesure et de comparaison de la réception des mythes grecs à l'époque romaine. Reconstruire Troie. Permanence et renaissances d'une cité emblématique, 121-143 122 SidyDiop phare illustratif de ses origines. Il fallait à Benoît de Sainte-Maure, en principe descendant des Gaulois, comme du reste à ses émules d'Irlande, aller encore plus loin que Virgile et revisiter les origines de la race des Énéades au-delà de l'histoire mythique de la fondation de Rome. Au demeurant, Jacques Perret a suffisamment expliqué le processus de création et de développement de la légende des origines troyennes de Rome4 sans que l'on ait à y revenir. Dictys le Cretois et Darès le Phrygien ont donc été les sources des auteurs médiévaux qui avaient pour préoccupation de revivifier l'épopée de la guerre de Troie. Troie, la cité mère, serait autant le berceau du peuple romain que celui des Gaulois ou des Celtes. On s'arrêtera à l'examen de l'Éphéméride et du De Excidio Troiae Historia dans leurs rapports avec le temps et avec la littérature antérieure. En effet la question de la réception et celle de la tradition semblent constituer deux clefs qui permettraient de mettre à jour la valeur de ces deux textes et de mieux comprendre, après coup, le rôle précieux qu'ils ont joué dans le processus de réappropriation de la matière troyenne pendant cette période de transition qui va du déclin de l'Empire romain (IVe siècle) au milieu du Moyen Âge (XIIe siècle). Tout d'abord, on s'interrogera sur le statut des deux ouvrages adin de les connaître, car ils posent d'épineuses difficultés de datation, de paternité voire d'identité. Ce préalable sera nécessaire pour cerner la configuration narrative des textes, qui se présentent à la fois comme la traduction latine et le résumé d'ceuvres originales écrites en langue grecque par des auteurs dont même leurs traducteurs ne savent, pour ainsi dire, rien. Lestés de quelques réponses et de mille questions en suspens, nous nous hasarderons à retrouver, pour mieux la comparer à d'autres, l'image de la cité troyenne telle qu'elle apparaît chez Dictys et Darès. Reconnaîtrons-nous la Troie d'Homère ou celle de Virgile ? Ou alors verra-t-on une Troie inédite ? Si oui, devra-t-on l'attribuer à l'auteur grec ou à son traducteur latin ? Si nous parvenons à capter une image de la Troie de Dictys et de Darès, peut-être parviendrons-nous à reconsidérer l'œuvre de ces deux auteurs dans leur ensemble, pour juger de leur technique narrative spécifique, commandée par l'exigence d'inventer une nouvelle écriture de l'épopée susceptible de mieux répondre à la nécessité, dans le contexte de l'Empire romain, de s'approprier l'héritage antique d'Homère. PERRET J., Les origines de la légende troyenne de Rome, Paris, Belles Lettres, 1942. Reconstruire Troie. Permanence et renaissances d'une cité emblématique L'image troyenne et sa fonction narrative. . . 123 1 . Troie romaine, Troie grecque A. Le statut des textes 1 - Le texte de Dictys L'Éphéméride de L· guerre de Troie est une traduction latine du texte attribué à un certain Dictys, originaire de Crète, qui aurait participé aux côtés d'Idoménée et de Mérion, à l'expédition des Grecs à Troie qu'il se propose de raconter avec plus de vérité qu'Homère et les autres poètes. Notre principale source de connaissance du texte reste la Lettre qui l'accompagne, rédigée par le traducteur Lucius Septimius à l'intention de Quintus Aradius Rufinus. Si nous ne savons rien de Septimius, l'histoire a conservé la trace d'un Q. Aradius Rufinus, praefectus urbi en 312 et 313, entre autres possibilités d'homonymies moins probables dans la même période du IVe siècle apr. J.-C.5. La Lettre de Septimius reprend, en modifiant certains détails, le Prologue qui ouvre le récit proprement dit. Lettre Lucius Septimius salue Quintus Aradius Rufinus. Son Éphéméride de ία guerre de Troie, Dictys de Crète, qui participa à la campagne aux côtés d'Idoménée, l'a write, c'est un premier fait, en caractères puniques, conformément à l'usage que Cadmus et Agénor avaient alors répandu en Grèce. Un second fait est que, bien des siècles plus tard, près de Cnossos, autrefois capitale du roi de Crète, son tombeau se trouve ruiné par le temps. Or, voici que viennent des bergers à qui le hasard fait découvrir au beau milieu des ruines une cassette close avec soin d'une soudure à l'étain. IL· se croient devant un trésor et s'empressent de L· forcer. Ce n'est ni de l'or ni quelque autre butin qu'us mettent au pur, mais des livres en fibre de tiUeul. IL· sont déçus, mais les portent quand même à Praxis, le maître du lieu. Après translitération en caractères attiques, car le texte avait été écrit en langue grecque, celui-ci les remit au césar romain Néron qui l'en récompensa de la manière L· plus généreuse. Ces livres que le hasard a mis entre nos mains, notre amour de la vérité historique nous a donné envie de les mettre tels queL· en latin, moins par excès de confiance en notre talent que pour arracher notre esprit à L· paresse de l'inaction. Nous avons ainsi conservé aux cinq premiers volumes, ceux qui concernent les faits et gestes de la guerre, leur nombre original ; quant aux livres restants, ceux qui racontent uploads/Histoire/ diop-2009-l-x27-image-troyenne-et-sa-fonction-narrative-chez-dares-de-phrygie-et-dictys-de-crete.pdf

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  • Publié le Jul 26, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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