LES TECHNOLOGIES DE LABORATOIRE - N°5 Juillet-Août 2007 — 19 LA CHIMIE VERTE RE

LES TECHNOLOGIES DE LABORATOIRE - N°5 Juillet-Août 2007 — 19 LA CHIMIE VERTE RESUME : La chimie verte est un ensemble de principes qui ont pour but de réduire ou d’éliminer l’utilisation ou la génération de substances dangereuses émanant des processus de design, de fabrication et d’application de produits chimiques. Ces principes, au nombre de 12 “Les 12 Principes de la Chimie Verte”, sont décrits ici et des exemples sont donnés pour que nos chercheurs, industriels et universitaires, l’adoptent comme une ligne de conduite au laboratoire, une règle d’éthique voire même un “Sermon d’Hippocrate” pour les Chimistes. Cet article a aussi pour but d’attirer l’attention des personnes travaillant dans des laboratoires sur les concepts suivants : minimiser les déchets à la source ; maximiser l’efficacité de l’atome ; réduire l’utilisation de réactifs toxiques ; conserver l’énergie et accroître l’utilisation de ressources renouvelables. Le Dr. Terry Collins, Professeur de Chimie à Carnegie Mellon University, avait l’habitude de dire: “La chimie doit jouer un rôle important pour maintenir une civilisation durable sur terre”. Pour montrer cela, des exemples de composé verts sont présentés et discutés dans cet article. Mots Clés : Chimie verte ; matériaux biodégradables ; carburants du futur Par Khalid Riffi Temsamani Département de Chimie,Faculté des Sciences, Université Abdelmalek Essaâdi, Tétouan Article de synthèse Tout a commencé aux Etats Unis lorsqu’en 1990, l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA), suite aux pressions croissantes de groupes défenseurs de l’environnement épaulés par quelques sénateurs, a pour la première fois fait amender au sénat une loi dénommée «The Pollution Prevention Act». Cette loi «charte» en quelque sortes, est considérée comme une ligne de conduite pour une politique US en matière de prévention ou de réduction de la pollution à la source à chaque fois que cela est possible. L’objectif ultime que la loi vise est la santé de l’homme et la protection de l’environnement. Dans cette vision, la chimie verte est justement l’utilisation de la chimie pour prévenir la pollution de l’environnement. Malgré que cela puisse paraître pour certains comme un paradoxe, il ne l’est point ! La chimie verte se doit d’appliquer des solutions innovantes à des situations réellement vécues en 20 — LES TECHNOLOGIES DE LABORATOIRE - N°5 Juillet-Août 2007 terme de pollution environnementale. Les 12 principes de la chimie verte ont été développés à l’origine par des ex agents de la EPA, Paul Anastas et John Warner, dans Green Chemistry: Theory and Practice. Ces principes tracent la feuille de route pour les chimistes en vue d’instaurer une logique chimie verte dans leurs actions. Voici donc les 12 principes tels qu’ils ont été définis par leurs auteurs : 1. Prévenir : Envisager des synthèses chimiques non génératrices de déchets à traiter ou à gérer 2. Maximiser l’économie atomique : Ne pas laisser d’atomes de côté lorsqu’on fait une synthèse. Essayons que le produit final contienne une proportion maximale du produit de départ. Il faudrait qu’il n’y ait pratiquement pas d’atome non utilisé. 3. Prévoir des synthèses chimiques moins nocives ou potentiellement dangereuses 4. Œuvrer à la création de produits chimiques moins nocifs 5. Utiliser des solvants plus sécuritaires: Eviter l’utilisation de solvants, agents de séparation ou autres produits auxiliaires. Si ces derniers sont nécessaires, utiliser ceux qui sont inoffensifs. 6. Favoriser l’efficacité énergétique: Enclencher des réactions chimiques à la température ambiante et pression normale à chaque fois que c’est possible. 7. Utiliser des matières premières renouvelables : généralement des produits agricoles ou des déchets émanant d’autres processus. Il faut éviter d’utiliser toute source provenant du pétrole, gaz et charbon 8. Diminuer la génération de produits de dégradation à caractère toxiques 9. Utiliser des catalyseurs : en lieu et place de réactifs stochiométrique. Minimiser les déchets en utilisant des réactifs catalytiques. 10.Concevoir des produits biodégradables : qui ne s’accumuleront pas dans l’environnement par la suite 11.Analyser en temps réel pour prévenir la pollution : Inclure dans la mesure du possible un système de contrôle et de monitoring en temps réel durant les synthèses, afin de minimiser ou éliminer la formation de produits non désirés. 12.Pratiquer une chimie plus sécuritaire pour prévenir les accidents : Concevoir des produits chimiques dans leur forme physique la plus stable (solide, liquide, ou gaz) afin de minimiser l’éminence d’un accident chimique qui inclurait une explosion, une prise de feu ou des émanations toxiques dans l’environnement. Il est vrai que lorsque l’on étudie de près ces 12 principes de la chimie verte, une philosophie claire se dégage dans l’esprit de tout chimiste. Tout d’abord, la pratique de la chimie verte est avant tout un comportement individuel mais qui devrait être élargi aux différentes instances décisionnelles de la société. L’incidence sur la vie quotidienne n’étant plus à démontrer, ce que je viens de proposer s’impose donc à haut niveau. L’exemple que j’ai donné auparavant sur l’EPA en est un bon à suivre. Il est évident que, la pression des politiciens aux USA finit par donner de bons résultats. Chez nous, il n’y a en principe aucun problème pour adopter un mode d’action différent mais au moins qu’il puisse initier un plan d’action chimie verte générateur de bien être pour le citoyen marocain! La contribution de la chimie à l’augmentation de la qualité de la vie quotidienne des citoyens est indiscutable. Malheureusement, notre pauvre chimie, ne reçoit toujours pas les éloges suffisants qu’elle mérite. A voir et entendre certains business man à l’œuvre on s’aperçoit à quel point les choses sont déformées voir incomprises. Les médias, alimentent parfois ce comportement négatif vis-à-vis de la chimie malheureusement. Regardez les fumées qui sortent de telle ou telle industrie chimique ! La pollution, la couche d’ozone, les produits toxiques, etc.. ! D’après Bernard Mathieu, Président du Comité Chimie de la SRBII de l’Université de Louvain, cette ingratitude est regrettable et injustifiée car notre monde serait bien plus dur, pauvre et triste sans la chimie. Mathieu, continu en disant : «Sans médicaments ni molécules à effet thérapeutique, notre santé et notre vie subiraient un inimaginable retour en arrière; sans revêtements protecteurs, nos outils et nos machines seraient rapidement corrodés; sans ces colorants qui égayent les tissus ou les objets usuels, notre entourage serait bien morose; sans polymères, sans plastiques - parfois si décriés - que seraient aujourd’hui la chirurgie, l’épuration des eaux, les télécommunications, le confort journalier ? Sans la chimie, notre alimentation, notre hygiène, notre civilisation tout entière seraient modifiées, dégradées, peut-être même anéanties». Cependant, Il y a encore du travail à faire, car il faut bien admettre que la chimie possède une autre face dérangeante. En effet, le journaliste scientifique Loïc Chauveau, dans un article intitulé LES TECHNOLOGIES DE LABORATOIRE - N°5 Juillet-Août 2007 — 21 «La chimie verte mûrit» publié dans l’Express du 16/05/2002, nous parle d’un rapport accablant de l’observatoire français de la qualité de l’air. Ce rapport révèle la présence, dans l’atmosphère confinée des 80 maisons et des 9 écoles qu’il a étudiées, de trois substances toxiques à savoir le benzène, cancérigène avéré, le tétrachloroéthylène et le trichloroéthylène, également dangereux pour la santé. Les taux constatés étaient largement supérieurs à ce qu’ils sont dans l’air extérieur. Ces émanations provenaient des produits d’entretien (détergents...) ou de bricolage (adhésifs...). Pour lutter contre cette pollution, longtemps sous-estimée, les chimistes ont des solutions technologiques. Malheureusement, leur coût freine encore leur développement. «Ce choix pénètre lentement la mentalité des industriels, explique Didier Astruc, directeur du laboratoire de chimie organique de Bordeaux I, pionnier dans ce domaine. Mais c’est l’adoption de normes environnementales plus draconiennes qui obligera les multinationales du secteur à bouger.». Certes, des améliorations considérables ont été apportées à ces nuisances, mais des problèmes subsistent: depuis la lancée en flèche de l’industrie automobile, l’industrie chimique lourde puise l’essentiel de ses matières premières dans les réserves pétrolières, le gaz naturel et le charbon. Les aspects énergétiques et environnementaux liés à cette contrainte induisent des effets néfastes dont les médias se font un régale d’expliciter. Je suis d’ailleurs pour l’idée que l’information soit donnée au citoyen, mais il faut que celle-ci soit correcte et non pas déformé à des fins politiques comme c’est souvent le cas. Les émissions de CO2 et la problématique du climat font partie des dossiers sensibles qu’il faut gérer. Les rejets de matières toxiques restent également préoccupants ainsi que la pollution (plus visuelle que dangereuse) occasionnée par les matériaux quasiment indestructibles que nous avons appris à fabriquer. Le chimiste pollueur reste une étiquette dont il est bien difficile de se débarrasser. Revenons donc à nos moutons et précisons que c’est bien dans ce contexte difficile que l’initiative de Anastas et Warner était la bien venue. (Green Chemistry: Theory and Practice, edited by paul T. Anastas and John C. Warner, Oxford University Press (2001). On peut définir la philosophie Chimie Verte comme la recherche d’une évolution de l’industrie chimique qui prend en compte le respect de l’environnement et l’image que donne la science d’elle-même, par une redéfinition de tous les paramètres qui gouvernent les procédés de synthèse et de fabrication. L’idée de développement durable est au coeur de ces préoccupations. La chimie uploads/Industriel/ chimie-verte 1 .pdf

  • 22
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager