Université de Lyon 2 M1 TICHIT Ariane MASS et Econométrie Année 2004/2005 Cours
Université de Lyon 2 M1 TICHIT Ariane MASS et Econométrie Année 2004/2005 Cours de théorie des cycles Introduction : La récurrence des crises économiques au XIXème siècle a depuis longtemps retenu l’attention des économistes. L’irrégularité de la conjoncture, l’alternance de mouvements à la hausse ou à la baisse des différentes variables (activité, emploi, profit, prix…) ont conduit les économistes à emprunter aux sciences exactes certaines expressions. On trouve ainsi fréquemment le terme de « cycle » pour désigner des mouvements se reproduisant avec une amplitude et une périodicité relativement régulière (comme celles engendrées par une sinusoïde, par exemple). Il est clair que les mouvements des variables économiques ne reproduisent que de loin cette perfection mathématique. Aussi, les termes de « fluctuations » ou « d’oscillations » sont-ils fréquemment utilisés, la dénomination de cycle mettant plutôt en évidence l’idée de mouvements récurrents et réguliers de l’activité. Cependant, dans l’utilisation économique actuelle du terme « cycle » apparaît une composante supplémentaire par rapport aux vocable « fluctuations » : celle de la persistance. Il n’est sans doute pas exagéré de dire que la question des fluctuations englobe la quasi-totalité des réalités macroéconomiques. En revanche, le thème du cycle est beaucoup plus « spécialisé ». Ainsi, ce cours se situe résolument dans cette perspective. Nous nous pencherons sur les analyses modernes ou contemporaines qui apportent à la fois une explication complète de la persistance d’un mouvement (qu’il soit ascendant ou descendant) et du retournement de la tendance. Les « vraies » théories du cycle sont donc ambitieuses car elles nécessitent une vision globale du système économique. Cependant, avant toute chose, décrire le cycle est une nécessité pour bien délimiter l’objet des chapitres qui vont suivre. Il s’agit de situer le sujet traité par rapport à d’autres préoccupations théoriques : il convient surtout de bien savoir de quoi l’on parle. I. La caractérisation du cycle économique 1. Quelques précisions de vocabulaire : S’agissant d’une façon générale d’observer des mouvements, différentes classifications sont proposées : - Le déplacement d’un objet au cours du temps peut le conduire à se retrouver, à intervalles réguliers, au même endroit : il est alors qualifié de systématique au sens où il semble obéir à un ordre préétabli, ou déterministe. L’hypothèse contraire correspond à un mouvement aléatoire ou stochastique. Parmi les mouvements systématiques certains sont à sens unique (ne changent jamais de sens) et d’autres ont des retournements, on parle alors d’alternance. Mais il faut bien évidemment que les diverses phases se succèdent avec régularité. 1 - Le terme cyclique renvoie à l’amplitude du mouvement, qui doit être plus ou moins constante, alors que l’intervalle de temps séparant les différentes phases dépend de la périodicité. Ainsi cyclicité et périodicité ne sont pas des notions qui se confondent. En pratique, les mouvements que nous avons à étudier en économie sont des phénomènes qui certes se répètent, se reproduisent mais sans que l’on puisse y trouver la perfection, la régularité présentes dans les domaines de la physique et de la mécaniques auxquelles sont empruntées ces notions. Ainsi, bien que le terme soit couramment utilisé en de nombreuses circonstances, il n’y a pas de véritable cycle en économie. A la limite on ne devrait parler que de tendance cyclique sous-jacente aux mouvements économiques. Or, pour désigner ces phénomènes, on trouve également dans la littérature les expressions d’oscillation ou de fluctuation, d’où les risques de confusion. Ainsi, la rigueur des analyses rend nécessaire de donner de plus amples précisions et restrictions quant à l’utilisation du mot « cycle ». Comme pour la croissance, la variable centrale du cycle est le produit global. Un certain nombre de caractéristiques permet d’utiliser le terme de façon à disposer de propriétés précises : - il est alterné - il se reproduit à intervalles relativement réguliers - il est d’une amplitude ne dépassant pas certaines limites. L’analyse contemporaine ajoute également la notion de persistance. Cette propriété indique que si le PIB augmente à un rythme un peu plus rapide au cours d’une période, il y a de fortes chances pour qu’il en soit de même pendant plusieurs périodes. Inversement, lorsque l’activité commence à ralentir, la baisse du rythme de l’activité se poursuit généralement pendant quelques temps. Pour le théoricien, la persistance est sans doute la caractéristique la plus intéressante et la plus complexe du cycle économique. S’il est relativement facile d’expliquer pourquoi la production est fluctuante en faisant appel à des erreurs d’anticipations, les saturations, les variations des taux d’intérêt, les rigidités… il est beaucoup plus difficile d’expliquer pourquoi un retournement de la conjoncture a une certaine durabilité. A la différence d’une manifestation cyclique, un phénomène de fluctuation a un caractère souvent erratique, imprévisible. C’est de façon relativement pragmatique que vont se développer les premières tentatives d’explication du cycle. Historiquement, le recensement d’un certain nombre d’évènements permet d’énoncer des « faits stylisés ». 2. Les faits empiriques historiques L’analyse des cycles par rapport à la croissance est largement dépendante de l’évolution historique des économies. En effet, avant la seconde guerre mondiale, les pays développés à économie de marché (PDEM) ont connu de fortes fluctuations de leurs principales variables macroéconomiques (PIB, inflation, chômage…). Ces perturbations, en particulier le fait qu’à certaines périodes les pays ont pu connaître des « crises » économiques, càd des périodes où le taux de croissance du PIB a été négatif, a conduit beaucoup d’économistes à tenter de définir des cycles réguliers d’évolution des systèmes, basés sur la valeur absolue des variables. Voir graphiques 1 à 4 tirés de « La croissance économique » de Barro et sala-i-Martin. Et tableau 1 p16 de Lecaillon et al. L’un des premiers auteurs à tenter de mettre en évidence statistiquement des cycles est Juglar, en 1862. Clément Juglar est un médecin français. Il analyse la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis et met en avant des cycles d’une durée de 9 à 10 ans. 2 Soixante ans après Juglar, c’est-à-dire vers 1922, le statisticien J. Kitchin propose une étude des cycles américains et britanniques sur la période 1890-1922. Il met en évidence des cycles dits « mineurs » d’une durée approximative de 40 mois (3 ans et 4 mois environ), des cycles majeurs de 7 à 11 ans. Ce sont les cycles mineurs qui sont aujourd’hui identifiés comme « cycles de Kitchin » et qui seraient en quelque sorte inscrits à l’intérieur des cycles Juglar. Mais les plus connus des cycles sont certainement ceux de Kondratiev, qui met en évidence en 1922 et 1925 des cycles longs dans les économies développées. Il étudie la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne et les Etats-Unis sur la période 1780-1920 et identifie des cycles d’une longueur approximative comprise entre 50 et 60 ans. (1) La Revolution Industrielle (1787-1842) est le cycle le plus connu de Kondratiev: le boom a débuté vers 1787 et a tourné en recession au début de 1801 et, en 1814, s’est accentué en dépression. La dépression a duré jusqu’en 1827 environ après quoi il y a une reprise jusqu’en 1842. Ce cycle de Kondratiev aurait été dû au développement du textile, fer et autres industries. (2) Le Kondratiev “Bourgeois” (1843-1897): Après 1842, le boom a réemergé et une nouvelle vague Kondratiev a commence, cete fois resultant de l’avancée des routes et trains dans le nord de l’Europe et de l’Amerique et de l’expansion des industries du charbon et du fer. Le boom voit sa fin approximativement en 1857 quand survient une récession. La récession devient une dépression en 1870, qui durera environ jusqu’en 1885. La reprise arrive ensuite et perdure jusqu’en 1897. (3) Le Kondratiev Neo-mercantiliste (1898-1950?): Le boom débute vers 1898 avec l’expansion de l’électricité et l’industrie automobile jusqu’en 1911. La récession qui a suivi tourne en dépression vers 1925 jusqu’en 1935. On peut supposer que cette 3ème vague amorce une reprise immédiatement après 1935 jusqu’en 1950. (4) Le 4ème Kondratiev (1950?- 2010?). Il y a eu beaucoup de débats parmi les “croyants” autour de la date de la 4ème vague. Ceci est dû au fait de la confusion générée par la faible fluctuation des prix et de l’effet des politiques Keynésiennes et ce débat doit être résolu. Peut être que la plus acceptable plage de dates est que le boom a débuté autour des années 50 jusqu’en 1974 lorsque la récession a commencé. Quand (et si) cette récession devient une crise est plus difficile à définir (c.1981?), mais ce qui a été plus ou moins entendu est qu’en 1992 la reprise a commencé et a été projetée pour aboutir à un boom et à un nouveau cycle de Kondratiev vers 2010. Dans ses premiers travaux Kondratieff se limitait à un constat. L’idée a été reprise par de nombreux auteurs. A partir de données beaucoup plus détaillées, Kuznets a notamment proposé dans les années 30 une théorie des cycles longs mettant en évidence des mouvements d’une périodicité de l’ordre de 22 ans pour les prix et la production aux Etats-Unis. Le contenu explicatif des théories du cycle long a semblé faible jusqu’à son enrichissement par les analyses uploads/Industriel/ cours-de-theorie-des-cycles-universite-de-lyon-2-m1-tichit-ariane-mass-et-econometrie-annee-2004-2005.pdf
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- Publié le Mar 23, 2022
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