Modulations numériques Notes de Cours Densité spectrale de puissance Olivier Ri

Modulations numériques Notes de Cours Densité spectrale de puissance Olivier Rioul L A DENSITÉ SPECTRALE DE PUISSANCE est un outil fondamental pour l’étude des processus aléatoires, en traitement du signal, et en communications numériques. Dans ce document on rappelle d’abord les notions vues pour des signaux à temps-discret, puis on présente le cas des signaux analogiques (à temps continu). Ces signaux sont en général à valeurs complexes. Le cadre habituel est celui des signaux stationnaires au second ordre, mais on peut étendre la notion de densité spectrale de puissance au cas de signaux cyclostationnaires afin de calculer le spectre d’un signal modulé par une modulation linéaire. 1 Processus aléatoire à temps discret Un processus aléatoire (appelé aussi stochastique) est une suite {Xn} de va- riables aléatoires qui représentent des échantillons d’un signal, ou des symboles d’information à transmettre dans un système de communication numérique. La description mathématique précise d’un processus {Xn} est due à Kolmogorov (théorème de consistance, 1933). L’indice n est temporel, il représente le temps discret. Si on se donne une période de référence T alors Xn « arrive » à l’instant nT . Par exemple, un signal aléatoire X (t) échantillonné avec une période d’échantillonnage T fournit des échantillons Xn = X (nT ). En communications numériques, les symboles d’in- formations Xn sont transmis (modulés) avec un intervalle de durée constante = T séparant l’émission de deux symboles successifs ; T est appelée période- symbole. 1.1 Moyenne, stationnarité, ergodicité Pour l’étude des processus à temps discret il est important de pouvoir définir la notion de moyenne de Xn. Deux définitions sont possibles : – La moyenne d’ensemble (aussi appelée moyenne spatiale ou espérance) : E(Xn) = Z x dPXn(x) 1 qui porte sur la distribution de probabilité de Xn. Cette moyenne est dé- terministe (non aléatoire), mais dépend en général du temps. – La moyenne temporelle < X >= lim N→∞ 1 2N +1 n=N X n=−N Xn (moyenne sur le temps, ici temps passé et futur). Cette moyenne est indé- pendante du temps, mais est en général aléatoire. On est souvent amené à faire des hypothèses sur le processus pour simplifier l’utilisation de ces moyennes : – Pour un processus stationnaire (dont les propriétés aléatoires sont inva- riantes par translation temporelle), la moyenne d’ensemble µ = E(Xn) ne dépend pas du temps. Elle n’est cependant pas toujours égale à la moyenne temporelle < X >. – Pour un processus i.i.d. (symboles Xn indépendants et identiquement dis- tribués), qui est nécessairement stationnaire, on a la loi (forte) des grands nombres (Kolmogorov,1928) : 1 2N+1 n=N X n=−N Xn − →µ p.s. quand N →∞ (convergence presque sûre), autrement dit les moyennes d’ensemble et temporelle coïncident < X >= E(Xn) presque sûrement. – Pour un processus stationnaire ergodique1 (les événements invariants par translation temporelle sont de probabilité nulle ou = 1), on a la loi forte des grands nombres (Théorème ergodique de Birkhoff,1931) et on peut donc identifier < X >= E(Xn) p.s. 1.2 Transformée de Fourier On note {xn} une réalisation possible du processus {Xn}. La transformée de Fourier à temps-discret (TFTD) de {xn} est définie comme une série de Fourier X (f ) = X n xne−2jπn f T C’est une fonction périodique de période (fréquentielle) = 1 T . On peut retrouver l’échantillon xn à partir de X (f ) comme le coefficient de la série de Fourier : xn = T Z ( 1 T ) X (f )e2jπn f T d f 1Cette notion provient de la physique mécanique (ergodique signifie conservation de l’hamil- tonien qui représente l’énergie) et n’est utile que pour des processus stationnaires, où il sert à établir la loi des grands nombres même pour des symboles dépendants. (Un processus i.i.d. est « trivialement » stationnaire ergodique par la loi du tout ou rien de Kolmogorov, 1933). 2 où le symbole ( 1 T ) désigne un intervalle quelconque de longueur 1 T (savoir lequel n’a pas d’importance puisque la fonction intégrée est 1 T -périodique). La définition mathématique précise de la TFTD est facile pour des réali- sations sommables (P n |xn| < ∞), mais ce n’est certainement pas le cas d’une réalisation d’un processus même stationnaire (par exemple lorsque les Xn = ±1 i.i.d.). La définition générale se fait au sens des distributions pour des suites {xn} tempérées (à croissance lente). 1.3 Energie et puissance L’énergie de {xn} est, par définition, la quantité E = P n |xn|2. Si cette énergie est finie, on a la relation de Plancherel : X n |xn|2 = T Z ( 1 T ) |X (f )|2d f qui montre que T |X (f )|2 est une densité spectrale (=fréquentielle) d’énergie (d.s.e.). Lorsque {xn} est une réalisation d’un processus aléatoire, ces notions d’énergie et de densité d’énergie sont clairement inadaptées. D’abord, parce que l’énergie est infinie en général (penser à l’exemple des Xn = ±1 i.i.d.), et ensuite parce que |X (f )|2 est une quantité aléatoire dont on ne peut pas faire grand chose. Pour ces raisons, on préfère caractériser la puissance (énergie par unité de temps) du processus, et prendre des valeurs moyennes. On dit souvent que la puissance instantanée de Xn est |Xn|2. En fait, lors- qu’on a une référence temporelle T (période-symbole) cette quantité représente (par exemple en communications numériques) l’énergie pour un intervalle de durée = T , et par conséquent, la puissance dans cet intervalle est en fait = 1 T |Xn|2. Comme cette quantité est aléatoire, on étudie sa valeur moyenne. On a vu deux définitions possibles de la puissance moyenne : – Moyenne spatiale 1 T E(|Xn|2) – Moyenne temporelle lim N→∞ 1 2N+1 X |n|≤N 1 T |Xn|2. qui coïncident pour un processus stationnaire ergodique. Dans le cas général, on peut définir la puissance moyenne comme une double moyenne (spatiale et temporelle) : P moy = 1 T lim N→∞ 1 2N +1E ³ X |n|≤N |Xn|2´ Cette puissance moyenne n’est bien définie dans la mesure où cette limite existe. C’est toujours le cas pour un processus stationnaire car alors E(|Xn|2) ne dépend pas du temps n et donc Pmoy = 1 T E(|Xn|2) (On utilise souvent cette formule en supposant (implicitement) la stationnarité.) 3 1.4 Densité spectrale de puissance Pour définir la densité spectrale de puissance (d.s.p.) du processus {Xn}, on applique la relation de Plancherel dans la définition de la puissance moyenne : Pmoy = lim N→∞ 1 2N +1E ³Z ( 1 T ) |XN(f )|2d f ´ = Z ( 1 T ) lim N→∞ 1 2N +1E(|XN(f )|2)d f où XN(f ) = X |n|≤N Xne−2jπn f T est la transformée de Fourier du processus tronqué à (−N,N). Il vient alors na- turellement la définition suivante de la densité spectrale de puissance (d.s.p.) : S(f ) = lim N→∞ 1 2N +1E(|XN(f )|2) Cette d.s.p. n’est bien définie dans la mesure où cette limite existe. Noter que dans ce cas, S(f ) est bien positive ≥0, et représente bien une densité spec- trale (=fréquentielle) de puissance puisque qu’il faut l’intégrer sur les fréquences pour obtenir la puissance moyenne : Pmoy = Z ( 1 T ) S(f )d f Cette formule sera d’un intérêt pratique considérable pour évaluer des puis- sances moyennes (une fois qu’on saura calculer la d.s.p. grâce au théorème de Wiener-Khintchine, voir ci-dessous). La fonction S(f ) s’appelle aussi le spectre du processus (on a utilisé la lettre « S » comme « spectre »). Il y a une relation forte avec la notion mathématique de spectre (valeurs propres) d’opérateurs particuliers (comme ceux de noyaux toeplitziens, liés à la notion de filtrage). 1.5 Théorème de Wiener-Khintchine On se limite dans ce paragraphe aux processus stationnaires, et on cherche à exprimer de façon la plus simple possible le spectre S(f ) en fonction des carac- téristiques (moments) du processus. En reportant la définition de XN(f ) dans celle de S(f ), il vient S(f ) = lim N→∞ 1 2N +1E(| X |n|≤N Xne−2jπn f T |2) = lim N→∞ 1 2N +1E( X |n|≤N X |m|≤N XnX ∗ me−2jπn f T e2jπm f T ) = lim N→∞ 1 2N +1 X |n|≤N X |m|≤N E(XnX ∗ m)e−2jπ(n−m)f T 4 La quantité E(XnX ∗ m) est un coefficient de corrélation du processus {Xn}. Si le processus est stationnaire, ce coefficient reste le même par translation (n,m) → (n+M,m+M) et donc (faire M = −m) ne dépend que de la différence n−m entre les deux instants. On dit plus généralement que le processus est stationnaire à l’ordre 2 (ou faiblement stationnaire) si on a cette propriété. Notons rk = E(XnX ∗ n−k) (indépendant de n) le kième coefficient de corrélation de {Xn} de sorte que E(XnX ∗ m) = rn−m. On peut alors faire le changement de variable (m,n) →(k = n −m,n) dans l’expres- sion du spectre : S(f ) = lim N→∞ 1 2N +1 X |k|≤2N rke−2jπk f T X n 1 La somme P1 porte sur les indices n tels que |n| uploads/Industriel/ dsp.pdf

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