Université Mohammed V Département d’économie et de gestion-Souissi Economie ind

Université Mohammed V Département d’économie et de gestion-Souissi Economie industrielle Année universitaire 2019-2020 Professeurs : MAANINOU AMAL et MOUNSIF TAHAR S6, Groupes A, B, C, D et E Présentation des grands axes du cours L’économie industrielle (EI) est une discipline ancienne, mais qui au fil du temps se renouvelle sans cesse et s’adapte à l’analyse des situations industrielles les plus diverses. Sans remonter très loin, Say a créé au Conservatoire des arts et métiers une chaire d’EI en 1819. Marshall est sans aucun doute l’un des premiers économistes qui a posé les bases de cette discipline et ce par le biais de l’analyse de l’organisation industrielle. D’une part, il critique la position pessimiste de Ricardo (lois des rendements décroissants dans l’agriculture) en mettant en avant la dynamique des activités industrielles adossée à des rendements croissants internes. D’autre part, il met le doigt sur les agglomérations industrielles qui génèrent des externalités positives (économies externes qui résultent de la dynamique de l’environnement externe de la firme). De l’autre côté de l’Atlantique, des économistes américains (Ely, Veblen, Clark…) ont également contribué au développement de cette discipline via le constat suivant : l’analyse statique de la concurrence pure et parfaite ne correspond pas à la réalité des structures des marchés et aux comportements des firmes, dont certaines sont devenues de véritables mastodontes jouissant ainsi d’une situation de monopole et donc d’un grand pouvoir de marché. Leur contribution est à la source de nouvelles dispositions juridiques et réglementaires - lois antitrust, les Sherman Act - pour contrer ce type de situation dans diverses industries (pétrole, transport ferroviaire, acier, tabac…). Plus tard, Mason, Bain, Scherer, etc. vont, entre 1930 et 1960, dynamiser l’EI, lui donnant du coup ses lettres de noblesse, à la fois en peaufinant ses concepts-clé et en mettant en relief le modèle de base de cette discipline : Structure-Comportement-Résultat. L’apport de ces économistes consiste d’abord à ne pas focaliser l’attention sur uniquement le cas du monopole, ensuite ces économistes prennent à leur tour leur distance par rapport à l’hypothèse de la concurrence pure et parfaite et son corolaire, l’optimum des performances, s’attachent dans la foulée à établir des classifications des différentes structures de marchés possibles (entre concurrence et monopole) et examinent les différentes stratégies des firmes, 1 introduisent de nouveaux concepts (barrières à l’entrée….), ce qui au final aboutit audit modèle. Dès le début des années 1980, l’EI s’enrichit de nouveaux outils ouvrant ainsi la voie à de nouvelles perspectives (la nouvelle EI) qui tournent autour des comportements stratégiques des acteurs dans un contexte économique de plus en plus mondialisé et chapeauté par l’industrie de la finance. Ce contexte modifie la structure et l’organisation des marchés. L’un des enseignements majeurs de cette bifurcation est le rejet de la causalité déterministe qui prévaut dans le modèle de base de l’EI, en ce sens que les comportements stratégiques des firmes impactent les structures des marchés. Ainsi, d’un côté la nouvelle EI s’appuie sur les nouvelles théories de l’entreprise (théorie des coûts de transaction, théorie de l’agence, théorie évolutionniste) qui apportent de nouveaux éclairages sur les modes d’organisation industrielle (recours au marché ou à l’organisation, concentration, apprentissage et innovation, etc.) et les stratégies des firmes qui lui correspondent. D’un autre côté, la théorie des jeux donne un nouveau souffle à l’EI moyennant le recours à la modélisation. De fait, elle propose, entre autres, une nouvelle vision des barrières à l’entrée, l’importance des négociations bilatérales… Dans cette perspective, les travaux de Tirole, sont une référence de premier ordre. On peut ainsi définir l’objet de l’EI comme suit : c’est une discipline qui a pour but l’étude du système productif et des stratégies de ses composantes, elle ne se limite pas à l’analyse des structures des marchés et des variables explicatives à l’existence de multiples configurations de marché possible, elle s’interroge également sur les comportements stratégiques des firmes, des industries et des pouvoirs politiques. Sous cet éclairage, cette discipline examine l’interface des comportements des acteurs au sein d’un secteur industriel donné, des structures de marché (monopole, oligopole, monopsone, duopole…) et des politiques publiques dédiées à la réglementation. Elle est donc une discipline de l’économie dont la teneur est loin d’être statique et dont les outils s’avèrent tout à fait pertinents pour comprendre la dynamique industrielle et concurrentielle, le choix des modalités de l’organisation industrielle, l’élaboration des politiques industrielles et réglementaires, etc. Afin d’éviter d’éventuels malentendus, quelques précisions s’imposent : - cette discipline s’inscrit largement dans le cadre de la concurrence imparfaite, - le terme « industrie » est à prendre au sens large, regroupant ainsi aussi bien les activités industrielles au sens courant que celles qui se rattachent aux services : l’industrie agroalimentaire ou de chimie lourde ou industrie des télécommunications ou des loisirs, etc., -le niveau d’analyse privilégié est d’ordre méso-économique, néanmoins la référence aux niveaux micro et macro-économiques sont à prendre en considération, 2 - le domaine de l’EI est vaste, pour preuve l’ouvrage d’Arena et al. comporte plus de 700 pages ! En outre, il ne dit rien ou presque sur les récents développements de cette discipline, ceux qui ont trait à la modélisation. Il serait donc illusoire de traiter toutes ses ramifications… Par conséquent, le plan retenu est le suivant : Plan du cours Première Partie. A- Les concepts fondamentaux de l’EI B- Présentation et discussion du modèle de base de l’EI Deuxième Partie. C- L’apport des théories de la firme à l’EI D- La nouvelle EI : l’apport de la théorie des jeux Le premier axe est donc dédié aux principaux concepts de l’EI. Cet axe est tout à fait crucial pour la compréhension des notions de base de cette discipline. Le second axe présente les grandes lignes du modèle de base de l’EI et les interactions entre ses composantes. La partie qui suit s’arrête sur le premier versant de l’EI relatif aux nouvelles théories de la firme. L’objectif consiste à mettre en lumière l’apport de ces théories à l’EI. Le dernier axe s’arrête sur l’autre versant de l’EI en apportant une attention toute particulière à la théorie des jeux. Liste bibliographique sélective : JACQUEMIN A., Sélection et pouvoir dans la nouvelle économie industrielle, Economica, 1985. ARENA R. et al., Traité d’économie industrielle, Economica, 1991. MORVAN Y., Fondements d’économie industrielle, Economica, 1991. GLAIS M., Economie industrielle, Les stratégies concurrentielles des firmes, iitec, 1992. TIROLE J., Théorie d’organisation industrielle, Economica, 1993. Carlton D. W. et Perloff J. M., Economie Industrielle, De Boeck Université, 1998. CHEVALIER J.-M., L’économie industrielle des stratégies d’entreprises, Montchrestien, 2000. LEVET J.-L., L’économie industrielle en évolution, Economica, 2004. HANANE L., Firme et marché, Ed. Dar Essalam, 2004. 3 PREMIERE PARTIE. I. Les Concepts fondamentaux de l’EI -Les barrières à l’entrée : ce concept remet en cause la concurrence pure et parfaite dans la mesure où il stipule que l’entrée dans un marché n’est pas libre et que donc se dresse un obstacle ou une barrière à l’entrée. Ce concept constitue un outil de démarcation par rapport à l’économie néo-classique et, à ce titre, rend compte de la dynamique concurrentielle dans un secteur donné. Par la même occasion il met en avant les conditions d’entrée sur un marché et leur impact sur la viabilité des firmes. La nature de ces barrières se décline au pluriel : - le montant du capital, - l’accès à la technologie, - les avantages en termes de coût,- les économies d’échelle et d’apprentissage, - la différenciation du produit, - la réglementation. Ainsi, pénétrer le marché des fournitures scolaires pose, en termes des besoins en capitaux, moins de problèmes par rapport à celui de l’aéronautique. L’entrée dans ce dernier exige en plus des technologies diverses et pointues difficiles à acquérir sur le marché et qui exigent en outre un long processus d’apprentissage. La production à grande échelle constitue également un obstacle pour un prétendu entrant dont les ressources sont limitées. La différenciation joue un rôle similaire car les consommateurs ne perçoivent pas les produits des entrants potentiels comme des substituts parfaits. De même la publicité peut jouer le rôle d’une barrière à l’entrée. Elle est adossée à d’importantes dépenses en promotion qui sont hors de portée des concurrents potentiels, et sert de support à la persuasion dont bénéficient les entreprises déjà installées dans un secteur donné. Les pouvoirs politiques constituent également une barrière en fermant certains marchés, jugés stratégiques ou sensibles, à des entreprises (défense, aérospatial, énergie, transport, etc.) ou à l’achat d’une entreprise nationale par une entreprise étrangère… -Les barrières à la sortie : celles-ci concernent de nombreux facteurs qui rendent le retrait d’un marché fort problématique. D’abord il s’agit d’actifs spécifiques, comme des machines que l’on ne peut pas utiliser ou redéployer pour un autre usage (textile-habillement versus électronique grand public par exemple). Ces actifs freinent la mobilité intersectorielle des ressources et engendre des coûts de sortie. Ces actifs spécifiques ont également une dimension immatérielle (marque, réputation de la firme…). Ensuite, il faut mentionner d’autres facteurs comme les coûts associés aux licenciements (indemnités), aux reconversions (mobilité, formation…) et aux engagements contractuels de moyen et long terme uploads/Industriel/ economie-industrielle2020-chap-1-2-3 1 .pdf

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