En février 2019, le scandale provoqué par la révélation, sur la chaîne anonyme
En février 2019, le scandale provoqué par la révélation, sur la chaîne anonyme Copy- Comic, de l’implication de grands humoristes français dans une entreprise de plagiat de sketchs américains, donne à un grand nombre de spectateurs un sentiment amer de tromperie. Les humoristes concernés sont alors taxés d’avoir menti à leur public, pour avoir imité des gestuelles, des sujets, voir même copié de A à Z des passages de certains de leurs collègues américains, et ce, pendant plusieurs années. Cette indignation générale témoigne des conséquences graves que peut avoir le mensonge et la malhonnête intellectuelle dans le travail artistique, où la subjectivité et l’identité de l’artiste occupe une place primordiale. Mais à la différence de la copie, qui reproduit les caractéristiques physiques d’une chose au point de pouvoir s’y substituer, l’imitation, qui consiste en la reproduction des stimuli sensoriels provoqués par un objet, ne prétend pas remplacer le modèle, et assume sa distance vis-à vis de l’objet imité : elle n’est qu’une imitation, et non pas un deuxième exemplaire du modèle. Telle est cette spécificité du processus d’imitation qu’il n’aspire pas à être une présence de substitution, bien qu’il soit en mesure de reproduire des apparences. En ce sens, il serait naturel de considérer l’imitation, à la différence de la copie, comme un processus inoffensif, car incapable de produire du faux, dans la mesure où elle ne ferait que reproduire un matériel préexistant sans prétendre à le remplacer, et serait incapable de montrer davantage que ce que contient initialement ce matériel. Mais il semble néanmoins que l’on ne puisse limiter l’imitation à la seule reproduction des apparences, et que la multiplicité des formes qu’elle peut prendre (sosie vocal, peinture, littérature) lui permette parfois de transmettre, de manière relativement cachée, des opinions, des jugements de valeur (à ce titre, on peut citer les humoristes imitateurs, qui appuient leur satyre sur l’imitation vocale et corporelle des personnalités). Ce dernier constat soulève un problème, celui de l’imitation mensongère. Si le processus d’imitation peut insuffler à son œuvre ce genre de jugements, alors il est également capable de mentir, c’est-à-dire, dans le cadre de l’art, de fausser le réel, de rendre présentes des choses qui ne le sont pas. L’imitation disposerait alors, sinon d’un droit, d’un pouvoir de mensonge, d’une capacité à mentir sur le réel, à produire du faux pour tromper son public. Néanmoins, cela impliquerait que l’imitateur ait le choix d’avoir recours à ce pouvoir ou non. Ne pourrait-on pas considérer, au contraire, qu’il y aurait dans l’essence même de l’imitation, indépendamment de la volonté de l’imitateur, quelque chose de fondamentalement mensonger ? Ainsi, soit l’imitation n’est que la reproduction des apparences de quelques chose de préexistant et indépassable, donc de nécessairement vrai ; soit elle est par essence mensongère, et le l’action d’imiter équivaut à celle de mentir. Mais alors, si l’on part de ce postulat, est-il possible d’imiter le réel sans le dégrader ? Dans ce dernier cas, il convient de déterminer la nature de ce mensonge, et d’évaluer s’il est mauvais car dégradant la réalité, ou bien s’il peut être assumé comme partie intégrante et indissociable du processus d’imitation. L’imitation constitue-t-elle qu’une reproduction inoffensive et nécessairement vraie des apparences, ou bien est-elle inévitablement mensongère, comme tous ceux qui la pratiquent ? Nous étudierons d’abord en quoi l’imitation est un processus contraint par essence à ne pouvoir reproduire que ce qui est, qui transmet inévitablement du vrai. Ensuite, nous verrons que l’imitation dispose néanmoins d’un pouvoir mensonger ; et que ce dernier semble prendre racine dans l’essence même du processus, mais aussi dans les contraintes posées par la nature des médiums employés par l’artiste. Enfin, nous verrons que si l’imitation est inévitablement mensongère, il convient d’assumer cette donnée et de s’interroger sur les moyens de reproduire le réel le plus fidèlement possible, sans considérer l’imitation comme quelque chose de fondamentalement mauvais. uploads/Industriel/ marius-valero-introdissertation.pdf
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- Publié le Mar 13, 2021
- Catégorie Industry / Industr...
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