Mille Plateaux Mini mémoire Année Zéro - Visagéité Commentaire du Plateau 7 Tex
Mille Plateaux Mini mémoire Année Zéro - Visagéité Commentaire du Plateau 7 Texte, Plateau 7 « Année Zéro – Visagéité », Mille Plateaux. De « On se coule dans un visage plutôt qu’on en possède un… » (p.214) à « Le visage est une politique. » (p.219) Dans Mille Plateaux, Deleuze et Guattari affirment dans le Plateau 7 que « le visage n’est pas une enveloppe extérieure à celui qui parle, qui pense ou qui ressent (…) les visages ne sont pas d’abord individuels, ils définissent des zones de fréquence ou de probabilité, délimitent un champ qui neutralise d’avance les expressions et connexions rebelles aux significations conformes. »1. Autrement dit, le visage n’est pas visage au sens qu’avait pu lui donner la phénoménologie (une présence transcendantale digne de l’être d’autrui), il est ‘visagéité’ au sens d’une machine abstraite qui est une strate du plan de consistance, plan lui- même particulier car immanent à sa propre planification2. Cette machine consiste précisément dans la production sociale de visages excluant à la fois tout rapport entre le dedans et le dehors, et en même temps toute possibilité d’un dehors non-conforme aux exigences du modèle premier. La ‘machine abstraite’3 est à comprendre dans sa singularité en tant que matrice signifiante : soit une machine qui généralise le particulier et qui est au croisement de deux sémiotiques, deux strates qui précèdent le visage tout en le rendant possible : une sémiotique de signifiance (un mur blanc sur lequel résident des redondances de sens, la façade abstraite de l’homme blanc), et une sémiotique de subjectivation (le trou noir qui offre de la profondeur à la conscience et aux redondances du visage). La visagéité est ainsi un système mur-blanc trou- noir, « une langue dont les traits signifiants sont indexés sur des traits de visagéité spécifiques » (p.206), et qui soumet les agencements concrets des visages empiriques à une indexion programmatique – en ce sens le visage empirique n’est pas la visagéité, elle est son résultat. Ainsi peut-on reconnaitre des types : visage de clown, de père, de chef, d’homme mécontent, d’homme d’affaire, d’homme politique etc. Car le visage, loin d’être universel, provient d’une machine programmatique, d’une réalité dominante capable de planifier des connexions non- rhizomatiques réelles et idéelles tout à la fois, transcendantales et empiriques. La visagéité est un système occidental, indifférent à la ‘tête’ présente dans les sémiotiques ‘primitives’, mais liée à des types de visage concrets qui ne trouvent leur sens, leur expression, que par lui. Le visage n’est pas naturel, mais artificiel, en ce sens que toute partie du corps a besoin d’être visagéifiée pour être comprise comme telle dans le système des signifiants. La visagéité concerne tout le corps et le capture comme un œil de cinéma, si bien qu’elle est à bien des égards pour Deleuze et Guattari une machine qui ordonne par ordre des raisons. Bien évidemment, le concept de « visagéité » reprend un bon nombre de considérations du système de Mille Plateaux tel qu’il s’esquisse dans la réflexion sur le plan de consistance. La machine abstraite de visagéité, en effet, est un principe transcendantal qui n’est pas un décalque de l’empirique, c’est un principe d’engendrement qui renvoie à une certaine culture. Le texte que nous commentons ici et que nous avons découpé, allant de la p. 214 à la p.219, prolonge les considérations sur le visage comme « carte signifiante » en y intégrant la problématique des visages ‘concrets’ (qui sont des multiplicités) tels qu’ils sont engendrés, agencés et acceptés ou non par le système de la machine abstraite. L’enjeu de ce texte réside donc d’abord sur la manière paradoxale dont fonctionne la visagéité, à savoir la manière dont 1 Deleuze et Guattari, Mille Plateaux : capitalisme et schizophrénie 2, Plateau 8 : « Année zéro : La visagéité », Paris, Les éditions de Minuit, coll. Critique, p 202. 2 Ce qui veut dire que la distinction entre plan de consistance et planification ne peut être que théorique. Le plan se produit et produit ce qu’il produit de manière immanence. C’est cela une machine abstraite, qui n’est qu’un degré d’effectuation du plan. 3 La machine abstraite est une étape, un outil du plan de consistance, consistant à tracer des lignes abstraites avec des objets encore non formés. Cette machine est comme une langue qui cherche le politiquement conforme de tout visage. Le visage devant s’entendre non comme seulement la face, mais comme le corps entier. elle choisit les ‘bons’ visages et rejette d’autres visages, tout en faisant en sorte de s’approprier les visages louches, d’en rendre raison en les tolérant à un certain niveau de choix, en les intégrant, afin de ne plus créer de dehors, évinçant la distinction entre dedans et dehors pour conserver son immanence. « C’est sur les visages, disent Deleuze et Guattari, que les choix se guident et que les éléments s’organisent : jamais la grammaire commune n’est séparable d’une éducation des visages. Le visage est un véritable porte-voix. » (p.217) Quelle est cette organisation ? Eh bien, c’est ce dont notre texte essaye de rendre compte à partir de la configuration de la visagéité comme bi-univocité4, afin de déduire par après le statut véritablement ‘christique’ du visage et son rapport au racisme occidental, dont Deleuze et Guattari vont donner une explication tout à fait singulière et systémique. Ce n’est que par ce refus de la polyvocité primitive5 que la visagéité prétend pouvoir construire sa sémiotique et une politique (entendons par-là un rapport de production capitaliste et rationnel des réalités, qui est un corps social déterminé), de manière tout à fait paradoxale puisque ce sera par une déterritorialisation du corps et de la tête suivie d’une reterritorialisation du corps sur le modèle de la visagéité, que ce processus se fera. Les enjeux principaux du texte sont donc de montrer, jusqu’au paradoxe extrême, le système appropriateur du capitalisme occidental, même dans la production sociale des visages les plus multiples, ainsi que la manière dont la machine abstraite de visagéité fonctionne spécifiquement, de sorte que ce qui sera à démontrer ultimement est l’inhumanité profonde et informelle du visage due à l’indifférence totale au contenu de la machine abstraite. Le texte creuse aussi la distinction entre tête et visage, devenir-primitif et devenir-paysage, chose dont il faudra arrêter le processus en dé-faisant le visage. La problématique semble alors la suivante : comment la visagéité arrive-t-elle à ordonner les multiplicités de façon à accepter les anomalies les plus profondes, les déviances, coupant ainsi la distinction entre le dedans et le dehors, tout en restant univoque ?6 4 Cette notion reprend deux angles : la binarisation que met en place la visagéité (oui ou non) et la manière univoque dont le visage va s’identifier comme être, jusqu’à assimiler les visages louches pour les univociser et les ‘rentrer’ dans le système. 5 « La signifiance et la subjectivation ont précisément en commun d’écraser toute polyvocité, d’ériger le langage en forme d’expression exclusive, de procéder par bi-univocisation et par binarisation subjective. La sur-linéarité propre au langage ne cesse d’être coordonnée avec des figures multidimensionnelles : elle aplatit maintenant tous les volumes, elle subordonne toutes les lignes. » p.221. 6 Notre découpage est déjà marquée par notre présentation de texte : première partie, l.1 à 21, deuxième partie, l.22 à 37, troisième partie, l. 38 à 50. I. La visagéité comme matrice inclusive des déviances : paradoxes et fonctionnement de la machine abstraite. 1. La non-possession au profit du modèle du coulement : explication de la visagéité comme machine ‘abstraite’ (les deux sémiotiques) – l.1-9 Il s’agit d’abord dans une première partie, de la ligne 1 à 21, de montrer la manière dont Deleuze et Guattari présentent la visagéité comme un système bi-univoque à l’intérieur duquel les visages concrets sont ‘passés au crible’ et définis comme acceptables ou louches. En ce sens, nous sommes dans la phase dite d’agencement concret. L’agencement concret suppose toujours deux pôles : un tourné vers la stratification, l’autre vers le plan de consistance. Le texte commence ainsi : « on se coule dans un visage plutôt qu’on n’en possède un. » (l.1) Le modèle du coulement est en fait exprimé à dessein : en effet, il ne s’agit pas pour un individu de posséder son propre visage dans sa singularité, auquel cas le visage ne ferait pas partie d’un système de signes systémiques, mais plutôt d’avoir un visage qui, oui ou non, s’adapte et s’insère, par sa codification, son codage, au système conforme de la visagéité, et qui ne peut se dire visage que parce que, justement, il provient de la machine abstraite de visagéité qui l’a engendrée. Ne se coule dans un visage que ce qui est déjà produit de manière immanente par la visagéité. C’est la machine qui explique le visage, pas l’inverse. La nouveauté qu’introduit ce texte par rapport aux considérations antérieures du plateau, est qu’il vient réfléchir à partir du problème des visages concrets, empiriques, qui sont produits par le transcendantal. Se couler dans un visage relève donc d’une action passive, qui provient aussi uploads/Industriel/ mille-plateaux-mini-memoire-dylan-sroussi.pdf
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- Publié le Jul 19, 2021
- Catégorie Industry / Industr...
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