DECHETS SCIENCES ET TECHNIQUES - REVUE FRANCOPHONE D’ECOLOGIE INDUSTRIELLE - N°
DECHETS SCIENCES ET TECHNIQUES - REVUE FRANCOPHONE D’ECOLOGIE INDUSTRIELLE - N°62-2012 - REPRODUCTION INTERDITE 28 Caracterisation et traitement thermochimique des coques d’anacarde en vue de leur valorisation énergetique dans les procédés de transformation artisanale de noix de cajou TAGUTCHOU Jean-Philippe, NAQUIN Pascale CEFREPADE et INSAVALOR-PROVADEMSE, INSA de Lyon, LGCIE site Sadi Carnot, 9 rue de la Physique, 69621 Villeurbanne cedex, France Auteur/s à qui la correspondance devrait être adressée : jean-philippe.tagutchou@cefrepade.org Résumé L’utilisation du bois et du gaz naturel pour couvrir les be- soins énergétiques dans les procédés de transformation des noix de cajou a un impact négatif sur l’environnement. Les coques issues du décorticage des noix sont imbibées de CNSL et nécessitent un traitement intermédiaire avant leur valorisation énergétique. Les petites unités de transformations au Burkina-Faso font face à cette problématique liée au déficit de réponse tech- nique dans leur contexte. L’objectif de cette étude vise donc à caractériser les coques d’anacarde et proposer des voies de valorisation possibles. Après une caractérisa- tion initiale des coques, une étude thermochimique com- parée a été réalisée dans des conditions de torréfaction (250°C) et de pyrolyse (450°C). Les résultats des tests réalisés montrent que le traitement thermochimique permet d’obtenir trois types de produits : solide (char), liquide (huile ou fraction condensable des gaz) et gazeux (gaz incondensable), dans des proportions et qualité rela- tivement différentes selon la température opératoire. A 250°C (resp. 450°C), on produit 48,5% (resp. 17,0%) de char à 25,6 MJ/kg (resp. 27,2 MJ/kg) de PCI et 13,8% (resp. 47,5%) d’huile. Les PCI des huiles produites sont presque similaires et se situent au-dessus de 36 MJ/kg, avoisinant ainsi ceux des produits pétroliers. Sous réserve de l’analyse des fumées émises lors de la combustion de ces produits, le traitement thermochi- mique en conditions anoxiques semble donc être une option intéressante pour valoriser les coques d’anacarde. Mots clés : coques d’anacarde, CNSL, valorisation, pyro- lyse, torréfaction ABSTRACT The use of wood and natural gas to cover the energy needs in transformation process of cashew nuts has a negative impact on the environment protection. Ligneous shells stemming from nuts shelling are soaked with CNSL and require an interme- diate treatment before their energy valuation. The small scale transformation units of Burkina Faso face this problem of deficit of technical solutions efficiently applicable in their context. The objective of this study thus aims at cha- racterizing cashew shells and at proposing possible ways of valuation. After an initial characterization of shells, thermoche- mical comparative study was realized in conditions of torre- faction (250°C) and of pyrolysis (450°C). The results of the realized tests show that the thermochemical treatment allows to obtain three types of products: solid (char), liquid (oil or condensable fraction of gases) and gaseous (incondensable gas), in proportions and quality relatively different proportions and quality according to the operating temperature. In 250°C (resp. 450°C), we produce 48.5 % (resp. 17.0 %) of char with 25.6 MJ/kg (resp. 27.2 MJ/kg) of LHV and 13.8 % (resp. 47.5 %) of oil. The LHV (lower heating value) of produced oil are almost similar and are situated over 36 MJ/kg, so borde- ring those of petroleum products. Under reserve of the analysis of smokes emitted during the combustion of these products, the thermochemical treatment in anoxic conditions thus seems to be an interesting option to recover cashew nut shells. Keywords : cashew nut shells, CNSL, recovery, pyrolysis, tor- refaction 1. INTRODUCTION Les anacardiers sont cultivés dans les zones tropicales humides. Partis d’Amérique centrale et du Sud, on les retrouve aujourd’hui largement en Asie (Vietnam, Inde) et en Afrique (Nigéria, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire). Les noix de cajou (amandes) constituent le principal produit com- mercial de cet arbre qui peut produire en moyenne 200 à 300 fruits par an. L’amande est emprisonnée dans une coque rigide qu’il faut fragiliser avant décorticage. Ce procédé nécessite de l’énergie aussi bien pour la fragilisation que pour le séchage et le dépelliculage des amandes après décorticage (à titre d’exemple, sur l’unité de décorticage où se déroule cette étude, les noix d’anacarde produisent en moyenne 21% d’amande, 73% de coques brutes et 6% de pellicules). Dans le cas du Burkina-faso, les besoins énergétiques des petites unités de transformation avant exportation sont couverts par le bois et du gaz naturel. Dans cette zone sahélienne, l’utilisation du bois accroît le risque de déforestation tandis que le gaz naturel (bien que subven- tionné par l’état) coûte cher et génère des gaz à effet de serre avec des impacts néfastes pour l’environnement, l’économie et le développement durable. Les coques li- gneuses issues du décorticage sont abondantes et encom- brantes, mais s’avèrent dangereuses pour une éventuelle DECHETS SCIENCES ET TECHNIQUES - REVUE FRANCOPHONE D’ECOLOGIE INDUSTRIELLE - N°62-2012 - REPRODUCTION INTERDITE 29 combustion du fait qu’elles sont imbibées de CNSL (Cashew Nut Shell Liquid), substance huileuse générant des fumées abondantes, âcres et irritantes pour les yeux. Les solutions techniques existent pour l’extraction de ce produit à très forte valeur ajoutée, mais concernent uni- quement les unités industrielles de grande taille en Inde et au Brésil. Les petites unités artisanales en Afrique restent sans solutions viables et adaptées à leur contexte. Pour- tant, si ces coques étaient valorisées énergétiquement dans des conditions saines, elles pouvaient couvrir a minima les besoins énergétiques de ces unités de transformation de petites tailles. C’est dans ce contexte que le CEFREPADE et la plate- forme technologique PROVADEMSE ont été sollicités par le RONGEAD, dans le cadre d’un programme financé par la Région Rhône-Alpes (F) et la Fondation Nature et Homme de Nicolas Hulot, pour apporter des éléments techniques de réponse quant à la valorisation in situ de ces coques dans le contexte des petites unités de transforma- tion. L’objectif de cette étude vise donc à caractériser les coques d’anacarde provenant de la région de Bobo-Diou- lasso (Burkina-Faso) et proposer des voies de valorisation possibles. D’après la littérature, plusieurs méthodes d’extraction du CNSL existent. Selon le procédé d’extraction utilisé, la composition obtenue du CNSL est différente : il est natu- rellement constitué de 70 à 90% d’acide anacardique, de 10 à 18% de cardol et d’environ 5% de cardanol, taux qui augmente avec la température d’extraction, l’acide anacar- dique se décarboxylant en cardanol (Das et al. 2004b ; Patel et al. 2006a ; Senthil Kumar et al. 2009 ; Tyman et al. 1983; U.S.EPA 2006). Le CNSL et ses composés pré- sentent de nombreuses applications industrielles : freins et garnitures d’embrayages, tensio-actifs, caoutchouc, adhé- sifs, vernis, peintures, colles, agents anti-oxydant, matériaux isolants, pesticides, insecticides, résines, synthèse de poly- mères, protection du bois, produits chimiques de fonderie, etc. (Patel et al. 2011b ; Sanger S.H. et al. 2011 ; Senthil Kumar et al. 2009). Compte tenu de sa valeur commerciale, les industriels ont développé divers procédés d’extraction selon les résultats souhaités (distillation, traitement à la vapeur d’eau sur- chauffée, extraction au solvant tel que l’hexane, extraction par fluide super-critique, …) (Das et al. 2004b ; Patel et al. 2006a et 2011b ; Tyman et al. 1983). Mais si ces pro- cédés sont rentables à l’échelle industrielle, ils le sont beaucoup moins à l’échelle d’ateliers artisanaux ou même semi-industriels. C’est pourquoi dans les unités artisanales d’Afrique, le CNSL et les coques ne sont pas valorisés. Souvent même, à défaut de pouvoir les décortiquer sur place, les noix brutes sont transportées par bateau vers l’Asie pour être transformées et les amandes repassent ensuite par les côtes africaines en direction de l’Europe où elles sont consommées. Dans un premier temps, nous avons orienté nos travaux vers la recherche d’un moyen permettant de substituer le bois et le gaz en utilisant les coques d’anacarde. Plusieurs études thermochimiques ont été réalisées sur différents types de biomasses, notamment les plaquettes forestières (Tagutchou 2008 ; Van de steene et al. 2010), l’eucalyptus (Kumar et al. 2010), le jatropha (Vyas and Singh 2007), la canne de maïs (Capunitan and Capareda 2012), les coques d’olives (Vamvuka et al. 2003), les granulés de bois, etc. Ce- pendant, même si des centaines d’articles sont consacrées à la biomasse (Yaman 2004), peu concernent le traitement thermochimique des coques d’anacarde. Les articles les concernant sont pour la plupart orientés vers les procédés d’extraction du CNSL, quelques-uns seulement parlant du traitement thermochimique, notamment de pyrolyse et gazéification (Das and Ganesh 2003a ; Das et al. 2004b ; Singh et al. 2006; Tippayawong et al. ; Tsamba et al. 2006). Tsamba et al. ont mené une étude comparative basée sur l’analyse thermogravimétrique (ATG) de trois biomasses dont les coques d’anacarde. D’après ces auteurs, la plage de température où l’on observe une importante perte de masse se situe entre 247°C et 420°C avec une perte de l’ordre de 77% de la masse initiale (Tsamba et al. 2006). En considérant la vitesse de perte de masse, ces auteurs ont montré qu’on obtient 2 pics de vitesse situés l’un à environ 320°C et l’autre à 395°C, correspondant à la décompo- sition de l’hémicellulose et à celle de la cellulose, la dé- composition de la lignine ayant quant à elle lieu autour de 500°C. Cette uploads/Industriel/ pyrolyse.pdf
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- Publié le Aoû 07, 2022
- Catégorie Industry / Industr...
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