Révolution Amérindienne. En juillet 1980, plusieurs milliers de personnes venue

Révolution Amérindienne. En juillet 1980, plusieurs milliers de personnes venues du monde entier se rassemblèrent pendant six journées de débats, ateliers et conférences, à l’occasion du « Black Hills International Survival Gathering », organisé dans les « Collines Noires » de la réserve amérindienne de Pine Ridge, Dakota du sud. Le gouvernement US, sous le lobby des industries énergétiques, venait de designer ces Collines Noires – collines sacrées pour le peuple Lakota - « Zone Nationale Sacrifiée », ce qui signifie concrètement que la zone entière était rendue inhabitable du fait de la construction d’une centrale de gazéification du charbon et d’une centrale nucléaire, ainsi que de l’installation de lignes à haute tensions. Le rassemblement fut suivi par un large éventail de groupes et organisations, des Indiens locaux, fermiers, politiciens gauchistes, écologistes du Sierra Club, activistes de Greenpeace, jusqu'à des entrepreneurs en “technologies alternatives”. Plusieurs grandes figures de l’activisme amérindien prirent la parole, tel John Trudell et Russell Means. Le discours suivant fut prononcé par Russell Means, un des fondateur du Mouvement Amérindiens (AIM – American Indien Movement) créé en 1968. Ce mouvement radical pris rapidement un tournant Marxiste-Léniniste, ce qui incita Means à quitter l'organisation. Ce 18 juillet 1980, il décide de s'adresser à l'AIM, et tente de réorienter la lutte contre le projet énergétique en démontrant que capitalisme et marxisme sont les deux faces d'un même projet à l'origine de leurs maux. 1 Je me dois de commencer un tel discours en faisant d'abord une remarque : je déteste écrire. Le procédé est, en soit, l’incarnation du concept Européen de “pensée légitime”; ce qui est écrit a une importance qui est complètement déniée à la parole. Ma culture, la culture Lakota, a une longue tradition orale, donc généralement je refuse d’écrire. C’est une des manières que le monde blanc a de détruire les peuples non-européens, en imposant un système abstrait au détriment de la parole et des relations directes entre les personnes. Ce que vous lisez ici n’est donc pas ce que j’ai écrit, mais ce que j’ai dit, que quelqu’un d’autre a décidé de retranscrire. Si j’autorise cela, c’est uniquement parce qu’il semble que la seule manière de communiquer avec le monde blanc soit par le biais des feuilles desséchées et sans vies d’un livre. Mais peu importe finalement que mes mots atteignent ou n’atteignent pas des blancs. Ils ont déjà montrés à travers leur histoire qu’ils sont incapables d’entendre, incapables de voir, ils ne savent que lire (il y a bien sûr des exceptions, mais celles-ci ne font que confirmer la règle). Je me soucis quelque peu de ces Indiens d’Amérique, étudiants et autres, qui commencent à s’européaniser via les universités et diverses autres institutions. Cette préoccupation reste au final sans grande importance, je l’admets. Certains peuvent décider de cultiver un esprit blanc dans une tête à la peau rouge; il s’agit d’un choix individuel et je n’ai rien à voir avec ces personnes ; Qu’il en soit ainsi. Cela fait partie d’un long processus de génocide culturel, mené encore aujourd’hui par les blancs contre les Indiens. Ma grande préoccupation concerne plutôt les Amérindiens qui choisissent de résister à ce génocide, mais qui s’égarent quant à la marche à suivre. […] J’aimerai être clair sur un point bien précis. Quand je parle des Européens, ou d’un « esprit Européen », je ne crois pas qu’il y ait d’un côté, un sous-produit culturel qui serait mauvais, résultat de plusieurs milliers d’années de développement d’une culture Européenne génocidaire et réactionnaire, et d’un autre côté, de nouvelles avancées intellectuelles révolutionnaires qui serait bonnes. Je fais allusion ici aux théories marxistes et anarchistes, et plus généralement au « gauchisme ». Je ne crois pas que ces théories puissent être séparées du reste de la tradition intellectuelle 2 Européenne. Il s’agit bel et bien de la même éternelle rengaine. C’est un phénomène déjà ancien. Newton, par exemple « révolutionna » la physique et les sciences soit-disant naturelles en réduisant l’univers physique à une équation mathématique linéaire. Descartes fit la même chose avec la culture, John Locke avec la politique, et Adam Smith avec l’économie. Chacun de ces « penseurs » s’empara d’un morceau de ce que la vie humaine compte de spirituel, pour le transformer en un code, une abstraction. Ils ont continué là où la Chrétienté s’est arrêtée; Ils ont laïcisé la religion Chrétienne, ou comme aiment le dire les intellectuels, « sécularisé ». Ce faisant, ils ont permis à l’ Europe d’être plus efficace et plus prompte à s’imposer comme une culture expansionniste. Chacune de ces révolutions intellectuelles n’a finalement servi qu’à faire avancer la mentalité européenne toujours plus loin, et à extraire la merveilleuse complexité et spiritualité de l’univers pour la remplacer par une séquence logique: Un, deux, trois = Réponse ! C’est ce que les européens appellent couramment « l’efficacité ». Tout ce qui est mécanique est parfait; ce qui semble fonctionner sur le moment – en l’occurrence, ce qui valide le modèle mécanique – sera considéré comme pertinent, même si ce n’est clairement pas le cas. C’est la raison pour laquelle la « vérité » change si rapidement dans l’esprit Européen; les solutions qui découlent d’une telle logique ne peuvent être que provisoires, temporaires, et doivent être continuellement abandonnées au profit d’autres solutions temporaires qui valident et maintiennent en vie ce modèle mécanique. Hegel et Marx ne furent que des héritiers de la pensée de Newton, Descartes, Locke et Smith. Hegel – selon ses propres mots - acheva le processus de laïcisation de la théologie, et « sécularisa » la pensée religieuse à travers laquelle l’Europe comprend l’Univers. Puis, Marx retranscrit la pensée de Hegel en termes de « matérialisme », ce qui revient à dire que Marx – aussi selon ses propres mots - désacralisa complètement l’œuvre de Hegel. Et c’est cela que certains considèrent comme un grand potentiel révolutionnaire en Europe. Les Européens peuvent bien y voir quelque chose de révolutionnaire, mais les Indiens Américains n’y verront que le sempiternel dilemme Européen entre « être » et « avoir ». […] Être est une proposition intellectuelle. Avoir est un acte matériel. De par leurs traditions, les Indiens Américains se sont toujours efforcés d’être les meilleures 3 personnes possibles. Une partie de ce processus, hier comme aujourd’hui, revient à rejeter l’enrichissement, et refuser la possession. Le gain matériel est un signe de prestige faux et artificiel chez les peuples traditionnels, quand il est la « preuve que le système fonctionne » chez les européens. Clairement il y a là deux visions du monde en opposition, et le Marxisme se pose très loin à l’opposé de la conception Amérindienne. Ce qui en découle est intéressant, car ce n’est pas juste un débat intellectuel. La tradition matérialiste européenne de désacralisation de l’Univers est très similaire au procédé mental qui permet de déshumaniser une autre personne. Et qui est expert dans la déshumanisation d’autrui ? Et pourquoi ? Les soldats expérimentés apprennent à faire exactement ça, avant de retourner au combat. Les assassins font la même chose quand ils assassinent. Les gardiens de camps de concentration faisaient cela aussi avec leurs prisonniers. Les flics font pareil. Les patrons de grands groupes le font aux travailleurs qu’ils envoient dans les mines d’uranium, ou dans les fonderies. Les politiciens le font avec tout le monde. Il faut que ce stratagème soit constamment mis en œuvre par chacun de ces groupes, pour qu’il devienne finalement acceptable de tuer, ou tout au moins d'anéantir d’autres individus. Un des 10 commandements chez les Chrétiens est « Tu ne tueras point ». Pas les humains en tout cas, c’est ce qui est sous-entendu. Le truc est donc de convertir les humains en non- humains. Il devient alors possible de proclamer que la violation de votre propre commandement est en fait une vertu. En terme de désacralisation de l’Univers, la logique s’applique à l’identique et il devient alors vertueux de détruire la planète. Des mots comme « progrès » ou « croissance » sont employés comme des mots magiques, de la même manière que « victoire » et « liberté » sont généralement employés pour justifier toutes les boucheries qui découlent logiquement de la déshumanisation. Par exemple, un investisseur immobilier pourra parler de « développement » d’un terrain, en ouvrant une carrière de gravier. Dans ce cas, le développement signifie la destruction totale et permanente du lieu. Mais, la logique européenne s’est enrichie de quelques tonnes de graviers, avec lesquelles encore plus de parcelles pourront être « développées » grâce à la construction de routes. 4 En dernier lieu, c’est l’Univers entier qui est offert – dans la logique Européenne – à ce genre de folies. La chose peut-être la plus regrettable est que les européens ne semblent ressentir aucune perte. Après tout, leurs philosophes ayant enlevé toute spiritualité au réel, ils n’y a pas de gain pour celui qui souhaite simplement contempler la beauté d’une montagne, d’une lac, ou d’un autre être vivant. La satisfaction se mesure en termes de gain matériel. La montagne uploads/Industriel/ russell-means-revolution-amerindienne.pdf

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