BELLA ET ROGER BELBÉOCH 1993 TCHERNOBYL UNE CATASTROPHE Quelques éléments pour
BELLA ET ROGER BELBÉOCH 1993 TCHERNOBYL UNE CATASTROPHE Quelques éléments pour un bilan Pour les responsables français l'essentiel était de minimiser l'impact de l'accident. Le territoire français devait à tout prix être protégé des retombées radioactives. Le communiqué de presse du 6 mai 1986 du ministère de l'Agriculture indique « Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radio- nucléides consécutives à l'accident de la centrale de Tchernobyl. » Quand la distance ne fut plus suffisante, c'est un anticyclone providentiel qui protégea la France et bloqua le nuage radioactif aux frontières. Les communiqués quo- tidiens du SCPRI sont intéressants à suivre : la situation est tout à fait normale et, au bout de quelques jours, rede- vient normale sans avoir traversé de phase anormale. ROGER BELBÉOCH, physicien, a travaillé dans un laboratoire universitaire de recherche ; il est l'auteur de l'arti- cle « Société nucléaire » dans l'encyclopédie philosophique universelle des PUF. BELLA BELBÉOCH est également physicienne. Elle a travaillé au Commissariat à l'énergie atomique. TABLE DES MATIÈRES I. LES PRÉMICES D'UNE SOCIÉTÉ NUCLÉAIRE De Hiroshima à Tchernobyl ......................................................................5 Les experts, les médias et Tchernobyl ......................................................7 Un spectacle : Tchernobyl sur scène .......................................................10 L'effet Tchernobyl : l'irradiation aggrave la morbidité ............................12 La radiophobie, un nouveau concept pour une gestion économique des situations postaccidentelle ............................................14 Le complot international ............. ............................................................17 La gestion de la crise en URSS ...............................................................19 - La pénurie, solution miracle - Une solution à la française - L'indépendance des Républiques - Quelle efficacité peuvent avoir les décisions des Républiques ? Mais Tchernobyl ce n'est pas chez nous ! ................................................21 - A Tchernobyl, c'était un réacteur typiquement soviétique - La bureaucratie soviétique responsable - L'avenir réduit aux dimensions d'un jeu vidéo II. LA CHRONIQUE D'UNE CATASTROPHE NUCLÉAIRE Avant 1986 : L'industrie nucléaire soviétiquevue par nos experts ..........24 Avril 1986 : La catastrophe......................................................................26 Août 1986 : La conférence de Vienne, un premier bilan ........................27 - Les effets aigus des fortes doses d'irradiation - Les évacuations - Les estimations pour l'ensemble de la population 1987-1988 : La remise en cause de l'estimation initiale..........................30 1988 : Le suicide de Legassov ................................................................32 1989 : Les nouvelles d'URSS...................................................................34 Des régions sont contaminées à plus de 200 km de Tchernobyl - La presse soviétique révèle la situation en Ukraine et en Biélorussie - Les cartes de contamination en Biélorussie : les Zones sous contrôles - Les problèmes agricoles De nouvelles évacuations s'imposent ......................................................38 En Biélorussie : les premiers programmes d'évacuation d'octobre 1989 - En Ukraine : les Zones de limitation de cueillette - En Fédération de Russie : tout va bien.? Données récentes sur la contamination ...................................................41 - La contamination par le césium 137 - La contamination par le strontium 90 2 - La contamination par le plutonium - Les particules chaudes Les mesures préconisées par les République.............................................44 - En Biélorussie - En Ukraine - En Fédération de Russie (RSFSR) La crise ouverte par Tchernobyl : la gestion à moyen terme ...................49 - La notion de limite de dose « acceptable » - Les critères d'évacuation : « 35 rem en 70 ans » - La position des scientifiques biélorusses - L a position des experts de l'OMS Vers la normalisation : le nouveau concept .............................................52 Le sarcophage ..........................................................................................54 III. TENTATIVE DE BILAN DE LA CATASTROPHE DE TCHERNOBYL Mai 1991 : Pour l'AIEA, Tchernobyl est une affaire classée....................57 Un bilan du désastre .................................................................................59 - Le bilan d'après les estimations officielles de l' UNSCEAR - Le bilan pour les 135 000 évacués de 1986 - Le bilan pour les liquidateurs - Le bilan pour les 75 millions d'habitants d’Ukraine, de Biélorussie et de Russie pris en compte dans le rapport de 1986…. L'énergie nucléaire ou l'avènement de la mort statistique ........................61 Tchernobyl 1993 ......................................................................................62 - Le sarcophage à l'ombre de l'abri - La mer Noire n'échappera pas à la contamination - La fermeture de la centrale de Tchernobyl - Les experts français ont découvert l'herbe qui peut nettoyer les territoires contaminés - Le « syndicat » et la gestion des accidents nucléaires futurs - Le stress et la santé des liquidateurs - La contamination des territoires - Les évacuations récentes - Les problèmes de santé, une simple affaire de radiophobie ? - Alerte : nombreux cas de cancers de la thyroïde chez les enfants en Biélorussie - Les insubmersibles reviennent - Conclusion Témoignages .............................................................................................71 Glossaire....................................................................................................75 Sigles ........................................................................................................78 3 I LES PRÉMICES D'UNE SOCIÉTÉ NUCLÉAIRE 4 DE HIROSHIMA À TCHERNOBYL Avril 1986 : un accident dans la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine. Était-ce un simple accident de même nature que ceux qui ont émaillé l'histoire de la société industrielle et qui ne laissèrent de trace que dans les familles des victimes ? C'est bien comme cela que Tchernobyl fut présenté, mais, quelques années après, cette vision ne résiste pas à la réalité. Il ne fait plus de doute maintenant qu'il s'agit là d'une catastrophe bien particulière. Tchernobyl inaugure une ère et ouvre des perspectives vraiment modernes aux catastrophes de notre société indus- trielle. Depuis quelques années, on a pu assister à un accroissement considérable de l'ampleur des accidents indus- triels(1), et l'on peut s'attendre à quelques « pro- grès » importants dans le domaine de la chimie. Avec l'industrie nucléaire, les accidents indus- triels prennent de nouvelles dimensions à la fois dans l'espace et dans le temps. La gestion des situations accidentelles et postaccidentelles ne peut se faire qu'avec l'intervention de l'État, non seulement techniquement, mais aussi sociale- ment. L'État doit mettre en place les moyens qui lui paraissent nécessaires pour assurer la gestion sociale des catastrophes nucléaires. L'expérience de Tchernobyl a dû être particulièrement intéres- sante en ce sens. L'accident a toujours fait partie des produc- tions de l'industrie, mais jusqu'à présent il n'était qu'un sous-produit dont la consommation demeurait locale. L'ère nucléaire fait passer cette production du stade artisanal au stade véritable- ment moderne, et sa consommation au niveau d'une consommation de masse. L'énergie nucléaire se manifesta publique- ment pour la première fois le 6 août 1945 (à cette époque, on utilisait généralement l'expression « énergie atomique ») : destruction à peu près com- plète et instantanée d'une ville, Hiroshima. La performance fut répétée trois jours plus tard sur Nagasaki avec le même succès, confirmant la fiabilité de cette nouvelle source d'énergie. Si la surprise fut grande dans l'opinion publique, parmi les savants il n'en fut rien car ils envisa- geaient ce développement scientifique depuis 1939. Contrairement à ce qui a été écrit plusieurs années plus tard, ces destructions de masse ne traumatisèrent ni le milieu scientifique ni l'opi- nion publique. Elles furent perçues comme le début d'une ère nouvelle, l'« âge atomique ». Le mercredi 8 août 1945, on put lire à la une du jour- nal Le Monde : « Une révolution scientifique : Les Américains lancent leur première bombe atomique sur le japon. » L'unanimité fut assez parfaite dans l'ensemble de la presse. L'ampleur du désastre, ces êtres vivants qui, en quelques millionièmes de seconde, furent « sublimés » et ne laissèrent qu'une ombre sur les murs, loin de déclencher horreur et indignation(2), fut reçue comme la preuve objective d'un avenir radieux pour une humanité qui allait enfin être débarras- sée à tout jamais des contraintes du travail. La matière se révélait source inépuisable d'énergie, qu'il serait possible d'utiliser partout sans limite, sans effort, sans danger. D'invraisemblables pro- 1. L'accident de l'usine de l'Union Carbide, à Bhopal (Inde), en décem- bre 1984, peut servir de référence pour l'industrie chimique. Une fuite d'un gaz servant à la fabrication de pesticides entraîna la mort « certi- fiée » de 2 850 personnes. Plusieurs centaines de morts suivirent. Près de 500 000 personnes furent affectées par le nuage toxique. Pour l'industrie des combustibles, on peut citer les explosions et incendies dans un centre de stockage de gaz liquéfié (propane), en novembre 1984, à Ixhuatepec au Mexique : officiellement plus de 500 disparus dans les flammes, probablement beaucoup plus, environ 7 000 blessés. L'interférence accidentelle des industries chimiques et nucléaires, l'introduction des sites nucléaires civils parmi les objectifs militaires de guerres conventionnelles ouvrent certaines perspectives à la production des catastrophes. Les actes de terrorisme sont très rarement évoqués à propos des dangers nucléaires. En 1986 et 1987, des revues scientifi- ques (Nature, Science, New Scientist) y consacrèrent quelques pages dans le cadre du terrorisme vis-à-vis des technologies avancées. Un texte sur ce sujet fut présenté au Conseil de l'Europe au cours d'une audition parlementaire (Paul L. Leventhal et Milton M. Hoenig, Nuclear Installation and Potential Risks. The Hidden Danger : Risks of Nuclear Terrorism). Certains auteurs de romans policiers ont traité le problème du terrorisme nucléaire avec beaucoup de pertinence. Par exemple Michael Maltravers, dans La Maladie de Chooz (Série noire, Gallimard, 1966), décrit des terroristes répandant des déchets nucléaires dans les villes et la façon dont le pouvoir entend gérer une telle crise. Ce texte a été écrit avant que les programmes nucléaires aient pris des dimensions industrielles. Frederick D. Huebner, dans La Cité des pluies uploads/Industriel/belbeoch-tchernobyl-une-catastrophe-1993 1 .pdf
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