Le pilotage de la logistique permet aux entre­ prises de se démarquer. Il est u

Le pilotage de la logistique permet aux entre­ prises de se démarquer. Il est un gisement d’économies, un pilier de nouveaux business model, une nouvelle façon de considérer les relations client-fournisseur. vec la crise liée à la covid-19, avec le pre­ mier confinement, avec les campagnes de vaccination, avec le navire qui a bouché le canal de Suez, avec la pénurie des micro- processeurs, le terme de logistique a été largement utilisé par les médias. Mais, qu’est-ce que la logis­ tique ? Son périmètre doit-il être limité à une activité support d’une stratégie vaccinale ou à une activité de livraison des magasins ? Le terme logistique est- il le mieux à même pour refléter les problématiques industrielles et créatrices de valeurs des entreprises actuelles ? Le Supply Chain Management (SCM ou Management de la Chaine Logistique) ne peut-il pas englober la logistique et embrasser l’ensemble du processus industriel d’une entreprise : de l’acquisi­ tion des matières premières, à la production jusqu’à la distribution du produit final aux clients et aux consommateurs ? L’objet de cet article est de montrer que, au-delà 73 Blandine Ageron est professeur des Universités, IUT de Valence, CERAG, Université Grenoble Alpes. Olivier Lavastre est professeur des Universités, Grenoble IAE, CERAG, Université Grenoble Alpes. Blandine Ageron, Olivier Lavastre De la logistique au supply chain management D’une activité support opérationnelle à une fonction globale relationnelle Cadres n°489, juillet 2021 A 489.indd 73 489.indd 73 21/06/2021 17:03:50 21/06/2021 17:03:50 74 de la logistique, il est important d’élargir le champ des décisions et des actions à l’ensemble des activités industrielles et logistiques d’une entreprise, en utili­ sant la notion de Supply Chain Management. A l’image de la logistique qu’il intègre, le SCM ne peut plus être considéré comme une simple fonction support mais comme une fonction créatrice de valeur. 1. De l’opérationnel au relationnel 1.1. De la logistique… Pour définir brièvement a logistique, il est possible d’écrire qu’elle regroupe l’ensemble des acti­ vités dont les tâches traditionnelles sont le stockage, la manutention, l’emballage et le transport. Son acti­ vité et son empreinte sont visibles par les palettes, les entrepôts, les camions, les porte-conteneurs, les avions cargos... Certains font remonter la logistique à l’armée romaine dans laquelle il existait un bataillon chargé de devancer de plusieurs jours le corps expéditionnaire pour repérer les lieux où installer les camps, où se fournir en eaux, en nourritures, en ressources… bref où s’approvisionner. D’autres considèrent que le premier à inventer la discipline est le Général Antoine-Henri de Jomini qui, dans sa très riche vie, a fait partie des États-majors de l’armée napoléonienne (et dans celle du Tsar Alexandre 1er) et qui a rédigé dans son « Précis de l’art de la guerre », un chapitre intitulé « Logistique ou art pratique de mouvoir des armées » (1838). Si l’on fait un large saut temporel, vers la fin des années 1940 au Japon, nous pouvons citer le toyo­ tisme (mis au point par Taïchi Ohno) qui s’appuie sur la logistique pour faire tourner ce système qui deviendra en Occident dans les années 80 le Lean Manufacturing. Certains disent également que le débarquement allié du 6 juin 1944 a été la plus grande opération logistique de l’Histoire. C’est ainsi que jusqu’alors la logistique était considérée comme une fonction support, qui doit 489.indd 74 489.indd 74 21/06/2021 17:03:50 21/06/2021 17:03:50 75 permettre aux fonctions principales créatrice de valeur de fonctionner. Pour illustrer la place des fonctions support, Michaël Porter, chercheur et professeur américain de management stratégique à l’Université Harvard construit, au cours des années 1980 (dans Competitive Advantage, Creating and Sustaining Superior Performance, en 1985, traduit en français en 1986, par L’Avantage concurrentiel), le schéma de la chaîne de valeur. Il y distingue les fonc­ tions principales (dans la partie basse du schéma) sensées créer de la valeur et les fonctions sup­ ports (ou secondaires, dans la partie haute du schéma), sen­ sées supporter et permettre aux activités principales de générer de la valeur … Or ce schéma date de 1985, il y a près de 40 ans. Depuis les choses ont bien changé ! La chaîne de valeur de Porter est désormais caduque ! Nous continuons parfois à l’enseigner (car c’est un outil pédagogique puissant), mais pour mieux montrer le changement dans les entreprises. Les fonctions principales ont été externali­ sées (autrement dit, elles ne sont plus assurées par l’entreprise elle-même, mais elles sont confiées à des fournisseurs et des sous-traitants) et les fonctions sup­ ports sont devenues les sources de création de valeur et d’avantages concurrentiels. Parmi celles-ci, citons les plus emblématiques : la Recherche et Développement (avec l’innovation), les achats (avec l’externalisation), les systèmes d’information (avec la digitalisation), et le SCM... 1.2. … Au Supply Chain Management Mais qu’est-ce que le Supply Chain Management (SCM) ou en français le Management de la Chaine Logistique (MCL) ? Le terme de SCM est assez récent La chaîne de valeur de Porter est désormais caduque ! Nous continuons parfois à l’ensei­ gner, pour mieux montrer le changement. 489.indd 75 489.indd 75 21/06/2021 17:03:50 21/06/2021 17:03:50 76 puisqu’il date de 1982. Il a été utilisé pour la première fois par deux consultants Keith Oliver et Mickael Webber dans un ouvrage académique ; à l’époque il y avait un tiret en supply et chain. En reprenant les définitions de France Supply Chain by ASLOG (l’asso­ ciation française des professionnels de la logistique et du SCM) et du Council of Supply Chain Management Professionals (CSCMP, association américaine), le SCM désigne l’ensemble des activités liées au macro- processus industriel de l’entreprise. Il englobe toutes les activités qui participent à la création et fabrica­ tion des produits commercialisés par l’entreprise : de l’acquisition des matières premières, en passant par la production jusqu’à la distribution aux clients, sans oublier les activités de logistique. Le modèle SCOR (Supply Chain Operations Reference) schématise le SCM. Ainsi, le SCM inclut la coordination et la colla­ boration entre tous les partenaires impliqués dans ce macro-processus industriel, que ces partenaires soient internes à l’entreprise (comme les fonctions marketing, R&D, achats, commercial, maintenance, production, finance, etc.) mais également externes (fournisseurs, sous-traitants, co-traitants, industriels, prestataires de ser­ vices logistiques, clients, dis­ tributeurs et consommateurs finals). Il prend en charge la ges­ tion des flux d’information (com­ mandes, prévisions, niveaux de stock, délais, etc.) et des flux physiques (matières, composants, produits finis, etc.). Très (trop ?) récem­ ment, des préoccupations en termes de développement durable, d’écologie, d’empreinte carbone sont apparues. Cette coordination est devenue essentielle voire problématique à cause de l’externalisation (le fait de confier à une autre entreprise ce que l’on faisait avant soi-même), l’éclatement de la chaîne de valeur au niveau mondial, la globalisation des marchés de Le supply chain management inclut la coordination et la collaboration entre tous les partenaires impliqués dans ce macro-processus industriel. 489.indd 76 489.indd 76 21/06/2021 17:03:50 21/06/2021 17:03:50 77 consommation et de production, la dispersion dans plusieurs pays, sur plusieurs continents des sites industriels d’une même entreprise, les besoins chan­ geant des consommateurs, la recherche de rentabi­ lité, de flexibilité, de productivité, de réactivité. Cette prise de conscience des potentialités du SCM dans les entreprises est récente, mais est l’aboutissement (ou la continuité) cohérent d’un processus historique. Cette évolution a sans cesse cherché de l’optimisation, des gisements d’économie et des améliorations. Cela fait des années, que les entreprises ont optimisé le commercial, la distribu­ tion, la comptabilité, les ressources humaines, plus récemment les achats et désormais le SCM. Celui-ci apparait donc comme une nouvelle activité créatrice de valeur qui avait été, jusque-là, négligée par les entreprises, parce qu’elles avaient d’autres urgences, que cette fonction n’était pas aussi visible, ou qu’elle n’avait pas l’importance stratégique qu’elle a désor­ mais. 2. Au cœur du macro-processus industriel 2.1. Le SC Manager : un chef d’orchestre « Le SCM, c’est de l’huile dans les rouages ». Le SC Manager est le chef d’orchestre du macro-proces­ sus industriel. C’est un touche-à-tout, il doit avoir une connaissance sur tout, et être un expert dans la coordination et dans l’arbitrage dans des décisions complexes et divergentes. L’exemple emblématique de cet arbitrage est le processus S&OP (Sales and Operations Planning, ou Plan Industriel et Commercial) qui est constitué par une série de réu­ nions mensuelles entre le commercial et le respon­ sable de production pour équilibrer 18 à 24 mois à l’avance la capacité de travail à la charge de travail. L’un veut une quantité de produits pour les vendre et l’autre peut fabriquer une quantité de produits. Une tension existe donc entre cette charge (la demande) 489.indd 77 489.indd 77 21/06/2021 17:03:50 21/06/2021 17:03:50 78 et cette capacité (les moyens). C’est au SC manager de concilier et arbitrer pour trouver une solution. L’échange d’informations et la bienveillance dans les relations industrielles et logistiques sont désormais les fondements d’un SCM réussi. De façon très concrète, tout ceci doit reposer sur un ensemble de stratégies et de pratiques alignées. Cela peut débu­ ter par des échanges d’information (avec un système d’information ou simplement avec des processus orga­ nisationnels et inter-organisationnels partagés), de uploads/Industriel/de-la-logistique-au-supply-chain-management.pdf

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