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monde, un camp de concentration cognitif, elle peut aussi en cisailler les clôtures au risque de susciter un chaos qui, supprimant la possibilité même d’avoir un monde, produirait la camisole cognitive la plus efficiente que nous connaissions. C’est pourquoi toute théorie de la connaissance suppose aussi une capacité de s’orienter en eaux troubles. Cette capacité ne renvoie pas à proprement parler à une métacartographie, car elle ne retourne pas d’une cognition. C’est davantage une aptitude éthique et, pourrait-on dire, spirituelle, recourant à l’imagination, à l’inspiration et à l’intuition pour dégager des devenirs possibles traversant les murs d’un monde qui s’est refermé sur lui-même comme un tombeau. management de l’information et de sa réception cognitive, et le conditionnement psychotronique quotidien par l’accroissement incessant du bain électromagnétique, font des citadins des individus possédés, assujettis à un psychopouvoir et ses psychotechnologies. Quelle est, dans ces nouveaux environnements concentrationnaires, la place pour une liberté du penser ? S’agit-il d’un résidu fossile des sociétés bourgeoises ? D’un genre particulier de camp de concentration cognitif ? Mais peut-on parler sans la supposer , au moins théoriquement ? La liberté de penser requiert dans sa version la plus radicale, une théorie de la connaissance qui lui soit propre. Car si la théorie de la connaissance peut imposer un Comment les cyborgs ont appris à ne plus s’en faire et à aimer la surveillance La gouvernance à l’âge de la cybernétique p.4 Il n’est nul besoin d’espérer pour entreprendre MOLÉCULES DE COMBAT… p.11 n°2, juillet 2008 - 63e année 16 pages - 2 € Le “Centre 127”, un centre de rétention administratif localisé sur l’aéroport de Bruxelles à Melsbroek. Photo par Nick Hannes (via International Detention Coalition). “ Rien n’est vrai, tout est permis“. Ce slogan qui a fait tant de mal au XXe siècle, conforte notre conviction que les idées les plus fortes ne sont pas nécessairement les meilleures ni les plus vraies mais celles qui ont le plus d’aptitudes à imposer leur monde. Les idées qui font peur font partie aujourd’hui aussi de celles-là. Elles forment ce qu’on pourrait appeler un camp de concentration cognitif, ce camp dont la profondeur, la diversité et l’étendue sont encore loin d’avoir été entièrement explorées. Ce genre de camp de concentration est généré par toute technologie politique qui favorise, induit, fabrique, développe le type anthropologique dont l’existence est indispensable à son fonctionnement et à sa reproduction. La puissance des institutions dans les sociétés technoscientifiques réside dans leur capacité à créer et nommer la réalité sociale que forgent leurs experts afin de la gérer, puis d’imposer à tous cet écheveau d’entités fictives – ces armes de distraction massive - en faisant oublier qu’elles ont été produites. À ces techniques de capture cognitive s’ajoute aujourd’hui une panoplie de connaissances et de moyens permettant d’intensifier les comportements-réflexes favorables au “bon“ fonctionnement des sociétés administrées, de projeter une société psychocivilisée et de rêver d’une population téléguidée. Les humains ayant atteints les limites de leur biotope, la colonisation “extérieure“ étant close pour le moment, la planète s’étant rétrécie comme une peau de chagrin, la colonisation de la vie intérieure connaît aujourd’hui une nouvelle phase d’expansion. Le contrôle biochimique de la population au travers de la diffusion massive de drogues légales ou illégales, la création d’hallucinations consensuelles par le savant Le destin du psychonaute occidental ou comment intérioriser l’adjonction à muter p.15 “On peut passer sa vie à mesurer les dimensions de sa prison“ par Bureau d’études groupe conceptuel indépendant L ’objet technique, dit Ernst Kapp, est un prolonge- ment naturel du corps humain, et le progrès tech- nique un prolongement de l’évolution humaine : “la technogenèse récapitule et prolonge l’onto –et la phylo- genèse“ (1). Que se passe-t’il cependant lorsque l’objet technique, se séparant du corps et de l’espèce qui l’a pro- jeté, devient un individu autonome (2) ? Selon Ernst Kapp, ce prolongement naturel de l’organisme humain ne devrait jamais s’autonomiser. Car cette autonomisation ferait de l’individu technique ce Dieu critiqué par Feuer- bach, projection autonomisée des désirs humains qui aliè- ne l’homme ou le rend étranger à soi. Mais d’où vient la possibilité qu’un objet technique puis- se s’autonomiser ? Chez Ernst Kapp, la totalité des phé- nomènes humains observables est gouvernée par un pro- cessus inconscient de développement organique. Le surgissement des objets techniques au cours de l’histoire est une sécrétion progressive de l’inconscient organique humain. Posé ainsi, cet inconscient est, en quelque sorte, un transcendantal. Il est le lieu de métamodélisation per- mettant de fonder ou de dévoiler nos savoirs empiriques en général, et la relation de l’humain aux individus tech- niques en particulier. L’autonomisation des individus techniques peut égale- ment être comprise comme le lent effet d’un décalage entre technogenèse et anthropogenèse. Car il s’est pro- duit au cours de l’histoire humaine, dit Leroi-Gourhan, « la séparation de plus en plus flagrante entre le déroulement des transformations du corps, resté à l’échelle du temps géolo- gique, et le déroulement des transformations des outils, lié au rythme des générations successives » : « l’homme de chair et d’os, véritable fossile vivant, [est] immobile sur l’échelle histo- rique, parfaitement adapté au temps où il triomphait du mam- mouth mais déjà dépassé au temps où ses muscles poussaient les trirèmes»“ (3). Qu’on l’entende dans un sens ou dans l’autre - fruit de l’inconscient ou d’un décalage - la relation entre les humains et les dispositifs techniques arrive aujourd’hui à un seuil : la population d’êtres machiniques, à laquelle l’espèce humaine a lié son destin, rivalise aujourd’hui par son nombre et sa vitesse d’expansion avec le nombre et la vitesse d’expansion des organismes humains vivant sur la planète. Elle provoque un phénomène d’accélération de l’histoire du monde et suscite un bouleversement de la vie planétaire : car après avoir ouvert la possibilité de la colonisation occidentale et de la mondialisation qui n’aurait pas pu se produire sans elle, elle ouvre à présent à une possible extinction de l’humain comme espèce (et par conséquent à une possible substitution de la techno- genèse à l’anthropogenèse) et à sa dissémination dans les règnes minéraux, animaux et végétaux reconstruits (cyborg, mutant) (4). La dissémination de l’organisme ou plutôt, sa recombi- naison technologiquement assistée, s’effectue sur la base d’une révocation de l’unité du corps, de sa détermination naturelle ou de sa cohérence microcosmique. Le corps n’étant plus une image vivante et actuelle du cosmos mais un complexe organique obsolète, une concaténation temporaire, hasardeuse, imparfaite et donc reconstructible, perfectible d’organes toute politique unitaire du corps peut être révoquée. On pourrait résumer cette étrangeté dans ce propos du poète Antonin Artaud : “l’homme que nous sommes n’a pas été fait pour vivre avec un cerveau, et ses organes collatéraux : moelles, cœur, poumons, foie, rate, reins, sexe et estomac, il n’a pas été fait pour vivre avec une circulation sanguine, une digestion, une assimilation des glandes, il n’a pas été fait non plus pour vivre avec les nerfs d’une sensibilité et d’une vitalité limitées, quand sa sensibilité et sa vie sont sans fin et sans fond, comme la vie, à vie et pour la perpétuité“ (5). L’homme a une anatomie qui a cessé de correspondre à ce qu’il est. Cette concaténation peut donc être démantelée, démembrée comme le corps d’Osiris au moment du cou- chant. Elle peut être disséminée dans les laboratoires, s’hybridant avec les animaux, les végétaux et les miné- raux dénaturés. Ce démantèlement, cette dissémination s’effectue sous le signe de la technogenèse. Aux anciens liens qui l’atta- chaient aux animaux, aux végétaux, dont il trouvait dans son propre corps les airs de parenté et la cohérence, à ces liens tout de lenteur tissés dans les éons de l’évolution organique, se greffent des individus inertes ou semi- inertes qui, sortant progressivement de leur mutisme, se mettent à présent lentement à parler. Au vieil animisme agonisant des subjectivités africaines, aborigènes,… s’ajoute ainsi un animisme industriel. À la transe chama- nique s’ajoute la transe machinique. À la solidarité qui attachait les humains aux plantes et aux animaux, s’ajou- te une solidarité aux machines et aux dispositifs tech- niques (6). L’animisme industriel est l’expression d’une entité qui ne s’identifie plus exclusivement à l’organisme qui l’abrite. Le visage, cette “vieille revendication révolutionnaire d’une forme qui n’a jamais correspondu à son corps, qui partait pour être autre chose que le corps“ (Antonin Artaud), est le sceau d’une anthropogénie qui n’est pas d’un corps, qui ne s’identifie plus à lui comme à son unique patrie, mais qui se détache de lui comme le point se détache du i pour cir- culer dans les produits organiques et inorganiques. Le hiéroglyphe d’un moi humain en voie de désincarnation qui prétend ne plus être de ce lieu des déterminations bio- logiques, cette Terre, aujourd’hui agonisante. Ainsi est révoqué l’ancrage corporel de l’anthropogénie. D’un même mouvement, est révoquée la relation familia- le qui reliait créateur et créature, père et fils, humain et machine, technogenèse et anthropogenèse, et, par consé- quent, la Grande opposition entre deux projets d’autono- mie – celui du peuple humain et celui du peuple des machines. Machines uploads/Industriel/la-planete-laboratoire-2 1 .pdf

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