Le Tadla, un périmètre irrigué qui évolue Situé à 200 km au sud-est de Casablan
Le Tadla, un périmètre irrigué qui évolue Situé à 200 km au sud-est de Casablanca, le périmètre irrigué du Tadla couvre une superficie de 125.000 ha. Ce périmètre irrigué est parmi les plus important du Maroc (Debbarh et al., 2002), notamment pour la production de betterave (22% de la production nationale), de lait (16%) et de viande (11%) selon les chiffres de l’ORMVA5 Tadla. Les agriculteurs du Tadla font actuellement face à de profonds changements environnementaux, institutionnels et économiques. La situation environnementale est caractérisée par une baisse de la disponibilité de la ressource en eau. On observe depuis la fin des années 1970 une réduction globale des précipitations, entraînant une diminution des eaux de surfaces stockées dans les barrages à l’amont du périmètre. De plus, la quantité globale des ressources d’eau de surface allouée au périmètre du Tadla (retenue Bin El Ouidane et Ahmed El Hansali) tend à diminuer, du fait notamment de la mise en eau de périmètres irrigués plus récents (Tassaout Aval et Doukkala) et de l’augmentation de la demande en eau potable des grands centres urbains. La dotation en eau de surface pour la période 1991-2005 pour l’ensemble du périmètre a ainsi varié entre 1003 Mm3 en 1991/1992 à 319 Mm3 en 2001/2002. Cette pénurie a incité les agriculteurs à un recours massif aux eaux souterraines par pompage. Une étude récente montre ainsi qu’il existe un risque environnemental important de baisse de niveau des aquifères (Hammani et al., 2005). Les différentes politiques de restructuration qui ont été menées au Maroc ces dernières années ont profondément modifié le contexte institutionnel et politique des périmètres irrigués (Errahj et al., 2005). La libéralisation des cultures (1994) correspond à la première manifestation du désengagement de l’Etat dans le domaine agricole. Elle offrit aux agriculteurs de nouvelles perspectives mais confronta également ces derniers aux aléas des marchés et révéla le manque d’organisation vis-à-vis des filières de commercia- lisation. De la même façon, la privatisation des sucreries 62 Revue HTE N°137 • Juin 2007 ACCOMPAGNER DES GROUPES D’AGRICULTEURS DANS LA RECONVERSION DE LEUR SYSTEME D’IRRIGATION: UNE DEMARCHE POUR DES PROJETS COLLECTIFS D’IRRIGATION LOCALISEE AU TADLA M. Dionnet1, M. Kuper2, A. Hammani3, A. Eliamani4 Résumé L’agriculture familiale marocaine fait actuellement face à de profonds changements environnementaux, institutionnels et économiques. Les ressources en eau sont limitées, l’Etat marocain se repositionne vis-à-vis de la gestion des grands périmètres irrigués et les marchés agricoles s’ouvrent. La modernisation du système d’irrigation gravitaire, notamment la reconversion vers l’irrigation localisée est actuellement considérée comme une piste privilégiée pour faire face à cette situation. Cependant, malgré les subventions importantes accordées par l’Etat marocain, ce sont généralement les domaines horticoles et les grandes exploitations qui changent de système d’irrigation. Dans le périmètre irrigué du Tadla, une initiative originale a été conduite avec des exploitations de petite taille afin de développer des projets collectifs de reconversion à l’irrigation localisée. Pour accompagner ces groupes dans la réalisation de leurs projets, une démarche d’accompagnement a été développée et testée. Mobilisant différents outils et méthodes participatifs, cette démarche a permis d’amener les agriculteurs à une réelle maîtrise d’ouvrage de leurs projets, tant du point de vue technique qu’organisationnel. Au terme de cette étude, plusieurs projets ont été développés. Leur hétérogénéité reflète la diversité des situations de chaque groupe d’agriculteurs. Grâce à un travail important d’accompagnement, les agriculteurs ont pu garantir l’adéquation entre leurs contraintes et besoins et les propositions techniques des sociétés d’aménagement. Cette adéquation semble être le gage de la durabilité de tels projets. Cette expérience ouvre une voie prometteuse dans le développement de nouvelles formes de services destinés à accompagner des groupes d’agriculteurs dans la réalisation de leurs projets. Au Tadla, le transfert de cette approche à des associations locales pourrait permettre le développement des projets de reconversion des agricultures familiales, et leur accompagnement à plus large échelle, spatiale et temporelle. Mots clés : projet collectifs, modernisation de l’irrigation, processus participatif, Tadla 1. PROBLEMATIQUE 1. Lisode, 361, rue J.F Breton, 34196, Montpellier Cedex 5, France 2. Cirad, Avenue Agropolis, 34398 Montpellier Cedex 5, France 3. Institut Agronomique et Veterinaire Hassan II, BP6202, 10101, Rabat-Instituts, Rabat, Maroc 4. Ministère de l’Agriculture, Rabat, Maroc E-mail : mathieu.dionnet@lisode.com 5. Office Régional de Mise en Valeur Agricole Art. 10 Hammani 2 (137) 16/03/08 18:15 Page 62 (2005) remit en question les contrats de cultures. Plus récemment (2006), le projet de réforme des ORMVA soulève la question de la pérennité de la distribution de l’eau d’irrigation et celle des services agricoles. Les changements socio-économiques peuvent être attribués à la fois à des facteurs globaux et des spécificités locales. D’une part, la libéralisation des échanges économiques au Maroc force les agriculteurs à suivre une logique d’économie de marché. Ceci se traduit par l’apparition de nouvelles stratégies, notamment la spécialisation dans des productions d’export ou de rente (agrumes, maraîchage et élevage) (Cances, 2005). D’autre part, l’important flux migratoire vers l’étranger (8 ménages sur 10 dans la municipalité de Fkih Ben Salah sont touchés par la migration internationale) modifie profondément les structures familiales. Les revenus de l’agriculture perdent ainsi de l’importance dans la société locale du Tadla. Dans ce contexte, les agriculteurs du Tadla seront confrontés dans les prochaines années à une situation caractérisée par une pénurie de la ressource en eau, par une augmentation du coût des services et par une compétition accrue concernant leur production. Cette situation exigera une meilleure gestion de la ressource, des modes de production et des filières de commercialisation. Pourquoi des projets collectifs de modernisation de l’irrigation ? Les projets de modernisation de l’irrigation sont fortement encouragés par l’Etat marocain qui subventionne jusqu’à 60% des équipements. Cette modernisation est envisagée à travers la reconversion du système traditionnel (irrigation gravitaire) vers un système plus économe en eau (irrigation localisée). Jusqu’à présent, ces subventions n’ont guère profité aux exploitations agricoles de petite taille (exploitation < 5 ha). Ceux-ci, qui représentent 82% des agriculteurs du Tadla, continuent d’utiliser l’irrigation gravitaire (Le Grusse et al., 2004). D’après Bekkar et al. (2007), les contraintes suivantes expliquent la difficulté qu’ont les petits agriculteurs à moderniser leur système d’irrigation: • Financière: l’investissement initial est conséquent et les projets de faible superficie sont plus chers ; • Technique: le goutte-à-goutte demande une maîtrise techniques plus importante que l’irrigation gravitaire; • Procédurale: la demande de subvention est complexe. Dans le Souss, il existe cependant des expériences où des groupes de petits agriculteurs ont réussi à surmonter ces contraintes en introduisant une dimension collective dans la modernisation de leur système d’irrigation (Bekkar et al., 2007). Fort de ce constat, nous nous sommes donc orientés vers un accompagnement des projets collectifs de modernisation de l’irrigation (PCI) avec des groupes d’agriculteurs du Tadla. La mise en place des PCI a comme objectif de : • Rendre accessible les nouvelles techniques d’irrigation aux petites exploitations agricoles (<5 ha) et leur permettre ainsi de changer leur système de production; • Anticiper l’application d’une législation plus contraignante concernant les prélèvements dans la nappe phréatique en aidant les agriculteurs à s’organiser autour de la gestion de celle-ci ; • Répondre aux attentes visées par la stratégie nationale de rationalisation de l’utilisation de l’eau d’irrigation et accélérer sa mise en œuvre ; • Permettre un développement rural intégré répondant à l’initiative nationale de développement humain INDH. • Et plus généralement aider les agriculteurs à mieux gérer le risque associé au changement de leur système en le faisant en collectif (mutualisation du risque). La réalisation d’un PCI repose sur deux grands volets : 1. Aménagement: réaliser les aménagements nécessaires à l’utilisation de l’irrigation localisée (bassin de stockage, réseau sous pression et équipements à la parcelle) ; 2. Organisation: creer une structure autonome capable de gerer le nouveau réseau; Quand les conditions de mise en œuvre de nouvelles techniques ne sont pas réunies, notamment en termes d’accompagnement des nouveaux utilisateurs, les reconversions en irrigation localisée peuvent aboutir à des performances agronomiques décevantes (Vidal et al., 2001). La maîtrise du goutte-à-goutte demande aux agriculteurs un certain apprentissage qu’il convient donc d’accompagner. D’autre part, pour garantir les conditions de leur réussite, les PCI ne doivent pas s’opposer aux projets individuels des agriculteurs. Ainsi, à la différence des expériences collectives du passé (coopératives de la réforme agraire, coopératives de mise en commun de matériel agricole, coopératives laitières, etc.) mises en place par l’Etat, et dont le fonctionnement imposait un cadre assez contraignant aux agriculteurs, la dimension collective de la modernisation du système d’irrigation se réfère principalement à la coordination des projets individuels des agriculteurs à travers la création d’une copropriété. L’enjeu principal des PCI repose donc sur une articulation réussie entre les choix individuels liés aux attentes, besoins et contraintes de chaque adhérent et les choix collectifs qui détermineront les aména- gements et la structure de gestion collective. Cette articulation ne peut se réaliser qu’à travers une implication forte des agriculteurs dans la définition et la mise en œuvre de leur projet, sur le plan technique d’une part, et organisationnel d’autre part. Un processus participatif a été développé pour impliquer les agriculteurs dans la conception et la mise uploads/Ingenierie_Lourd/ 10-art-1-hammani-2-accomp.pdf
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