2001-05 Management de projet et gestion des ressources humaines Gilles Garel 1
2001-05 Management de projet et gestion des ressources humaines Gilles Garel 1 , Vincent Giard 2 , & Christophe Midler 3 1 Professeur à l’Université Marne la Vallée 2 Professeur à l’IAE de Paris (Université Paris I • Panthéon – Sorbonne ) 3 Directeur de recherche au Centre de Recherche en Gestion (CNRS – École Polytechnique) Résumé : L’introduction des projets dans l’organisation pose de multiples problèmes de gestion des ressources humaines à la fois dans les projets et au niveau de l’organisation. Ceux- ci varient en raison d’un certain nombre de facteurs de contingence. Mots clés: management de projet, gestion de projet, gestion des ressources humaines, contingence, organisation. Abstract: The projects introduction in organization triggers many human resources problems both at project and organization level. Those issues varies depending on contengency factors. Keywords : project management, project control, management of human resources, contin- gency, organization. De plus en plus d’entreprises font appel, de manière plus ou moins intensive et plus ou moins régulière, au mode d’organisation des projets pour maintenir ou améliorer leurs positions compétitives. Cette transformation est lourde de conséquences sur le plan organisationnel et pose des problèmes spécifiques aux Directions des Ressources Humaines (DRH). Ce dévelop- pement des organisations projets peut s’appréhender au travers de la contribution classique de Lawrence et Lorsch (1967, [52]). Selon eux, la structure de chaque sous-système de l’entreprise (recherche, production, marketing) varie en fonction de l’incertitude de son environnement (plus l’environnement est incertain, moins la structure est formalisée) et si l’organisation a des sous-systèmes différenciés, elle doit utiliser des moyens pour les intégrer. Leurs travaux tendent à montrer que les entreprises les plus performantes sont celles qui ont la meilleure intégration pour des différenciations cohérentes avec leurs environnements. Pour ces auteurs, la hiérarchie n’est pas un mécanisme de coordination suffisamment efficace et ils se livrent à une analyse fine des mécanismes d’intégration ou de coordination: ajustement mutuel, comités et services de liaison, règles interdépartementales, structure matricielle… et définissent des rôles intégrateurs qui préfigurent largement les fonctions de chef ou de directeur de projet qui apparaîtront plus tard (Lawrence et Lorsch, 1967, [53]). Cette problématique différenciation - intégration peut se mobiliser de deux manières sur le management de projet: - Du point de vue de l’entreprise, il s’agit d’intégrer une activité spécifique, le projet, à des modes de fonctionnement plus «routinisés», comme les activités d’opération. L’entreprise qui gère simultanément plusieurs projets doit entretenir la différence entre ses projets tout en recherchant l’intégration de chacun, à la fois dans la stratégie de l’entreprise et au travers du partage de certaines ressources. - Du point de vue du projet, le management relève de l’intégration de professionnalismes dif- férents. La gestion de projet organise la convergence d’expertises professionnelles différen- tes et complémentaires les unes des autres en construisant la relation entre des métiers pointus et non en recherchant une illusoire mobilisation d’expertises individuelles à spectre 1. Courriel: garel@mail.univ-mlv.fr; adresse: Université Marne la Vallée, UFR d’économie et de gestion, PRISM OEP, 5 Bd Descartes Cité Descartes Champs sur Marne F 77454 Marne la Vallée Cedex 2. 2. Courriel: Giard.IAE@univ-paris1.fr; adresse: IAE de Paris, 21 rue Broca, F 75005 Paris. 3. Courriel: midler@poly.polytechnique.fr; adresse: CRG, 1 rue Descartes, F 75005 Paris. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 2001-05 - 2 multidisciplinaire. Cela étant, l’appellation de projet recouvre une grande variété de situations qui correspon- dent à des réponses spécifiques à des problèmes économiques et industriels différents, n’impli- quant pas la même gestion du personnel. Une bonne gestion des ressources humaines (GRH) suppose une compréhension des enjeux économiques, des mécanismes mis en place et des rôles à tenir. C’est dans cette perspective que se situe ce texte, pour permettre au lecteur de mieux comprendre la portée et la contingence de certaines réponses spécifiques et de mieux adapter certains outils classiquement utilisés en GRH, sachant que l’on peut noter la relative ignorance mutuelle dans laquelle se trouvent les écrits académiques de GRH et ceux concernant le mana- gement de projets. Nous ne traiterons pas ici des développements nombreux mais éparses, locaux et souvent inscrits dans le monde de la presse spécialisée qui valorise les expériences de projets dans toutes leurs dimensions. - La performance des projets passe par une implication très exigeante des acteurs, générale- ment très qualifiés, quelles que soient la forme d’organisation et les procédures de gestion en place. Pourtant, les travaux de gestion de projets ne s’intéressent que marginalement à la GRH. Les écrits professionnels de normalisation et certification 1 (PMBoK, [76], 1996 & 2000, norme X50-107 de l’Afnor (1992) révisée dictionnaire de l’AFITEP, 2000, [2], et IP- MA, 1998, [46]) abordent ces problèmes du point de vue du projet, par le biais de description de profil de poste et de procédures utilisables dans le projet (sur cette approche très procé- durale, voir également, Kliem & Lundin, 1992, [50]). Ce qui se passe avant et après le projet, tout comme les incidences des interactions entre projets et services sont «hors champ». Ce- pendant quelques rares ouvrages académiques centrés sur la gestion franchissent la frontière et abordent le problème de la gestion de projet du point de vue de la GRH. Si on laisse de côté les contributions sur les effets humains de l’organisation matricielle (Reeser, 1969, [79]), dont nous verrons qu’elle ne recoupe pas forcément l’organisation projet, la contribu- tion de P. Leclair (1993, [56]) dans l’ouvrage d’ECOSIP (Giard et Midler, 1993, [30]), est l’une des premières notables du genre en France (voir également les premières synthèses problématisées de Baron et Couvreur, 1992, [11], et Baron, 1993, [12]). Les productions plus récentes se caractérisent par la diversité des approches. Le plus souvent, l’angle retenu est organisationnel (comme l’ouvrage collectif de l’AFITEP et de l’ANACT coordonné par Bossard, Chanchevrier, Leclair, 1997, [1] ou Dinsmore, 1990 [29], ainsi que les travaux du réseau de recherche IRNOP coordonnés par Lundin et Midler, 1998, [61]), socio-organisa- tionnel (comme la synthèse de Trépo et Zannad, 1997, [83] et la thèse de Zannad, 1999, [86]) ou orienté management des équipes-projets (Picq, 1999, [74]) rejoignant en cela un courant de travaux propres aux projets de R & D (Badawy, 1995, [10]). On peut également citer les actes de la Convention AFITEP 2000, [7], consacré aux problèmes de gestion des équipes- projets et des écrits portant sur la dimension humaine du management de projets, à partir de récits à prétention généralisante (Sizemore House, 1988, [80]), des approches spécifiques comme le facteur humain et l’échec des projets informatiques (Thomsett, 1980, [82]) ou l’enquête statistique du PMI sur des pratiques salariales en management de projet (PMI, 2000, [77]) - De la même façon, les productions de GRH ne se sont pas encore réellement intéressées à ce champ non encore stabilisé du management de projets, où les pratiques continuent à se transformer et où les expérimentations des entreprises sont en avance sur la production aca- démique. Quelques travaux récents laissent poindre une réflexion spécifique (par exemple, Paraponaris, 2000, [73]). Des contributions sur les aspects psycho-affectifs liés à l’implica- tion dans les activités projets et à ses conséquences en termes de stress, de burn out , voire de consommation de produits dopants sont également à souligner (par exemple Flannes & Levin, 2001, [31]). Si les productions ne sont pas encore très nombreuses à l’intersection du champ du manage- ment de projet et de la GRH, de nombreuses problématiques se superposent sur ce champ: - Comment adapter les politiques et les outils de GRH qui se sont historiquement développés 1. Une analyse des différences de perspectives de ces trois référentiels est proposée par Lebissonnais (2001, [55]). IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne ) - GREGOR - 2001-05 - 3 dans et pour les organisations fonctionnelles, qu’il s’agisse de recrutement, d’intégration, de mobilité, de rémunération, de formation, d’évaluation des résultats …? Dans cette perspec- tive fonctionnelle, ce sont davantage les savoirs formels qui sont valorisés et non la capacité à les diffuser et à les capitaliser. - Les missions de la fonction RH sont directement interrogées voire remises en cause par le développement des logiques «projet». La fonction RH peut-elle rester une fonction centra- lisée, à part entière de l’entreprise, et prendre en charge les demandes contradictoires des activités d’opérations et de projets et jusqu’où? Doit-elle au contraire se décentraliser dans certains gros projets, par exemple avec la mise en place d’un chef de projet RH autonome, pour prendre en compte leurs spécificités? En éclatant la cohérence de l’organisation fonc- tionnelle, la gestion de projet interroge à la fois les missions de la fonction GRH mais aussi l’existence même de cette fonction. - La gestion même des principaux responsables des projets, «désécurisés» par rapport à des fonctions fonctionnelles, pose de nombreux problèmes spécifiques: • en formation, puisqu’il s’agit d’exercer un métier nouveau auquel ces personnes n’ont pas été préparées; • en recrutement, puisqu’il s’agit pour des individus à fort potentiel de s’éloigner de struc- tures où leur avenir semble assuré; • en évaluation des performances, en particulier en cas uploads/Ingenierie_Lourd/ 2001-05-pdf.pdf
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- Publié le Oct 27, 2021
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