Revue de divers aspects liés à la stabilité géotechnique des ouvrages de retenu

Revue de divers aspects liés à la stabilité géotechnique des ouvrages de retenue de résidus miniers Partie II - Analyse et conception 38 RESUME Les digues des parcs à résidus miniers sont, encore aujourd’hui, sujettes à des défaillances relativement fréquentes suite à des instabilités géotechniques. La problématique générale liée à la stabilité de ces ouvrages de retenue a été présentée dans la partie I. Dans cette partie II, on revoit les principaux facteurs qui affectent la stabilité des digues. Les outils typiquement utili- sés pour analyser le comportement des ouvrages sont décrits, en mettant l’emphase sur l’effet des événements critiques comme les pluies abon- dantes et les séismes. L’article discute aussi de nouvelles avenues pour aider à contrôler certains problèmes, incluant l’utilisation d’inclusions de roches stériles dans les parcs à résidus miniers. MOTS-CLÉS : Mines, rejets de concentrateur, digues, parcs à résidus, propriétés géotechniques, stabilité, ruptures, pentes, fondations. ABSTRACT Tailings dikes are still prone to relatively frequent failures due to geotechnical instability. The gene- ral problem related to stability of such retaining works has been presented in part I. In this part II, the main factors that affect the stability of dikes are reviewed. Typical tools used to analyse the behavior of these engineering works are descri- bed, with an emphasis on the effects of critical events such as large precipitations and earth- quakes. The article also discusses new avenues that help control the problems, including the use of waste rock inclusions in the tailings impoundment. KEYWORDS : Mines, mill tailings, dikes, im- poundment, geotechnical properties, stability, fai- lure, slopes, foundations. Déchets Sciences et Techniques - N°64 - Juin 2013 39 Aubertin M.1, James M.1, Mbonimpa M.2, Bussière B.2, Chapuis R. P .1, 1 - Polytechnique Montréal, C.P . 6079, Stat. Centre-Ville, Montréal, Qc, Canada, H3C 3A7 2 - Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, 445 boul. Université, Rouyn-Noranda, Qc. Canada, J9X 5E4 Revue de divers aspects liés à la stabilité géotechnique des ouvrages de retenue de résidus miniers Partie II – anal yse et conception 1. Introduction L’entreposage des rejets de concentrateur dans des parcs à résidus miniers nécessite des méthodes économiques et sécuritaires. Ceci représente souvent un défi de taille car ces résidus ont des propriétés géotechniques complexes qui rendent difficile l’analyse de leur comportement. Les entre- prises minières et les firmes de consultants spécialisées, qui sont bien conscientes des enjeux et des risques, demeurent confrontées à une incidence élevée de défaillances, dont certaines peuvent avoir des conséquences graves pour la sécurité des personnes et des infrastructures, ainsi que pour les écosystèmes voisins. Comme on l’a vu dans la partie I, la solution aux problèmes géotechniques passe par une bonne connaissance de l’origine et des propriétés des matériaux en présence. Il faut aussi avoir recours à des technologies qui aident à prévenir ces problèmes, et exercer une surveillance régulière et prolon- gée des ouvrages. Les parties impliquées doivent favoriser l’adoption d’une approche prudente, en tenant compte des divers risques générés par d’éventuelles défaillances (pendant l’opération et à la fermeture). Dans cette partie II, les principaux éléments relatifs au com- portement des résidus miniers et à l’analyse et la conception des ouvrages sur les sites d’entreposage de ces rejets de concentrateur sont présentés, en insistant sur les aspects liés à la stabilité géotechnique des digues de retenue. Plus de dé- tails et des références complémentaires sont présentés dans Aubertin et al. (2011). 2. Composantes de l’analyse de stabilité L’évaluation de la stabilité des ouvrages de retenue des rési- dus miniers se fait habituellement par le biais de techniques qui permettent de calculer un facteur de sécurité FS (aussi appelé coefficient de sécurité) sur la base de la résistance au cisaillement des matériaux pour divers modes de rupture. Les digues de parcs à résidus doivent avoir la capacité de suppor- ter les combinaisons de charges (statiques et dynamiques) les plus défavorables pendant la construction et l’opération du site, et après sa fermeture. On considère usuellement que les valeurs retenues pour les facteurs de sécurité peuvent varier selon la nature et l’envergure des ouvrages, le type de sollicita- tion et la probabilité d’apparition des événements, i.e. selon le risque associé à une défaillance. On peut inclure dans l’analyse de stabilité de l’ouvrage et le calcul du facteur de sécurité les effets des dispositifs de réduction des charges (comme les systèmes de drainage pour la dissipation des pressions), mais la sécurité de l’ouvrage ne devrait pas être compromise dans les cas où ces dispositifs ne fonctionneraient pas correctement. Les étapes, les outils de calculs et les paramètres utilisés pour l’analyse de la stabilité des ouvrages miniers ont été revus dans plusieurs documents, incluant : Vick (1990), Aubertin et al. (2002a, 2011), Fell et al. (2005), D’Appolonia Engineering (2009) et Blight (2010). Ces étapes comportent une caractéri- sation du site et des matériaux (fondations, digues, rejets, etc.), l’évaluation du volume d’entreposage en fonction du temps, la configuration géométrique des lieux et des ouvrages, ainsi que l’analyse de la réponse des composantes aux sollicitations imposées en terme de contraintes, de déplacements et de facteurs de sécurité contre la rupture. 2.1 Bilan d’eau et crue de projet Le point de départ des analyses de stabilité des ouvrages qui retiennent l’eau est la détermination du niveau phréatique (eau libre et souterraine) et l’évaluation des pressions interstitielles. La procédure habituelle repose sur l’élaboration de réseaux d’écoulement. Pour cela, on adopte souvent l’hypothèse d’un écoulement stationnaire en milieu saturé sous chargement gravitaire. Toutefois, il est de plus en plus fréquent d’utiliser des outils de calcul plus représentatifs, basés sur des conditions saturées et non saturées (e.g. Chapuis et Aubertin, 2001); il est également souhaitable de faire des analyses transitoires pour prendre en compte les variations observées. L’établissement des réseaux d’écoulement requiert une éva- luation de la position du niveau phréatique en amont et à la base des ouvrages, pour les conditions courantes et pour les Auteur/s à qui la correspondance devrait être adressée : michel.aubertin@polymtl.ca 40 40 Revue de divers aspects liés à la stabilité géotechnique des ouvrages de retenue de résidus miniers Partie II - Analyse et conception conditions exceptionnelles (associées à de très fortes venues d’eau par exemple). La position de l’eau est alors fonction de la crue de projet sélectionnée. L’ampleur de cette crue est généralement déterminée à partir des données clima- tiques accumulées et analysées statistiquement. A cet égard, on reconnait généralement qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir une estimation représentative de l’ampleur de ces conditions exceptionnelles (ou critiques) en raison des incer- titudes associées aux variations climatiques observées depuis plusieurs années. En plus de réduire la signification (perti- nence) des données antérieures, les changements climatiques ont souvent pour effet d’augmenter l’ampleur et la fréquence des événements extrêmes, comme les pluies abondantes et les sécheresses. L’incertitude accrue qui en résulte devrait inciter à la prudence, en basant la conception des ouvrages sur des événements qui ont une très faible probabilité de survenir. Cet aspect est particulièrement important pour les sites d’entreposage avec de grands bassins versants ou pour les parcs à résidus qui accumulent beaucoup d’eau. De telles conditions engendrent de nombreux défis, surtout lorsque l’on considère les risques à long terme (Aubertin et al., 1997, 2002a; Vick, 2001). La conception des bassins se fait en fonction de la crue de projet, définie à partir d’une combinaison de diverses préci- pitations, comme la fonte des neiges et une pluie abondante au printemps, ou une précipitation critique pour l’été et l’automne. En ce sens, il est maintenant commun de ba- ser le calcul de la crue de projet sur la valeur de la crue maximale probable, CMP , définie selon la précipitation maximale probable, PMP , pour une période de 24 heures (mais pouvant varier de 6 à 72 heures), pour une superficie de référence typique de 25 km2 (ASCE, 1996; Mays, 2001). A titre d’exemple, on peut mentionner l’évaluation des valeurs de la CMP et de la PMP réalisée par SNC-Lavalin (2004) pour le territoire québécois. Cette évaluation indique que la valeur de la pluie maximale probable est de l’ordre de 370 mm dans le sud du Québec (autour de Montréal), et qu’elle tend à diminuer vers le nord, soit autour de 350 mm en Abitibi (Rouyn-Noranda, Val-d’Or) et de 300 mm sur la Côte Nord (Sept-Îles). Ces valeurs sont assez proches (bien qu’un peu plus faibles dans certains cas) de celles rapportées par l’ASCE (1996) pour le sud du Québec. Ce document américain pré- sente aussi diverses relations entre la durée des précipitations, leur intensité, et la probabilité annuelle pa de survenir (avec pa = 1/PR, où PR est la période de retour ou de récurrence, exprimée en années). La valeur de pa associée à la PMP (ou à la CMP) est très faible; elle est quelquefois considérée comme nulle (théoriquement) mais elle serait plutôt de l’ordre de 6 x 10-5 en pratique (Marche, 2008). L’intensité de la PMP est souvent de l’ordre de cinq fois la précipitation correspondant à pa = 0,01. Rappelons aussi que la précipitation de pointe sur- venue uploads/Ingenierie_Lourd/ aubertin-2.pdf

  • 33
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager