CHAPITRE 2 SÉCURITÉ ET CONSTRUCTION 2.1 NORMES ET CALCUL AUX ÉTATS LIMITES 2.1.
CHAPITRE 2 SÉCURITÉ ET CONSTRUCTION 2.1 NORMES ET CALCUL AUX ÉTATS LIMITES 2.1.1 Les normes de calcul du Canada La norme canadienne portant sur le calcul des structures en béton, à l'exception des ponts, est identifiée par le sigle A23.3, la dernière édition datant de 20042.1 (A23.3-04). Cette norme, comme toutes les normes de calcul structural au Canada, est basée sur la philosophie du "Calcul aux états limites". Dans les bâtiments, le Code National du Bâtiment du Canada2.2 (CNBC) régit les charges et coefficients appliqués à ceux-ci alors que les différentes normes indiquent les principes de calculs de résistance propres à chacun des matériaux ou applications. Le tableau 2.1 indique certaines des normes les plus couramment utilisées dans le domaine du bâtiment. Ces normes sont sous la juridiction de l'Association Canadienne de Normalisation (ACNOR), plus souvent identifiée par l'acronyme anglais CSA (Canadian Standard Association). Tableau 2.1 Normes dans le domaine du bâtiment Domaine Numéro CSA Béton structural A23.32.1 Acier structural S16.12.3 Bois 086.12.4 Aluminium S1572.5 Dans le domaine des ponts, le Code CSA-S62.6 régit à la fois les charges et le calcul de la résistance des éléments structuraux, qu'ils soient en béton, en acier, en bois et, depuis tout récemment, en matériau composite. 2.1.2 Définitions Lorsque l'état d'une structure ou d'un élément structural devient inadéquat pour l'utilisation à laquelle il est destiné, on dit qu'il a atteint un état limite. On trouve deux catégories d'états 18 Calcul des structures en béton armé © Bruno Massicotte Hiver 2011 Utilisation restreinte à l'enseignement du cours CIV3504 École Polytechnique de Montréal limites dans la norme A23.3 soient les états limites ultimes et les états limites d'utilisation. Comme la fatigue est un aspect important de la conception d'un pont, la norme S6 reconnaît plutôt trois catégories d'états limites : ultimes, de service et de fatigue. La figure 2.1 présente la distinction entre les deux types d’états limites couramment pris en compte dans les bâtiments. États limites Ultimes Utilisation Sécurité Faible probabilité de rupture partielle ou globale Exploitation Flèche Vibrations • Contraintes • • Charges pondérées (majorées) Charges d'utilisation (telles que spécifiées) Résistance pondérée (réduite) Limites prescrites Effet des charges pondérées résistance pondérée Effet des charges d'utilisation limites prescrites Note: Dans les deux cas plusieurs combinaisons de charges doivent habituellement être prises en considération. Fig. 2.1 Principes de calcul selon la nature des états limites a) États limites ultimes On associe ces états limites à la rupture ou à une mise hors service. On leur attribue une probabilité très faible de se produire : le but est d'éviter la perte de vies humaines. Le tableau 2.2 présente quelques exemples de mise hors service. Sécurité et construction 19 © Bruno Massicotte Hiver 2011 Utilisation restreinte à l'enseignement du cours CIV3504 École Polytechnique de Montréal Tableau 2.2 Exemples de mise hors service Type d'états limites ultimes Description Perte d'équilibre Renversement, glissement Rupture Effondrement partiel ou total Rupture progressive Augmentation graduelle des efforts, dégradation lente due à la corrosion Mécanisme plastique Plastification des armatures Instabilité Déplacement ou déformations excessives Fatigue Cycles répétés aux charges de service Conditions extrêmes Feu, explosion, tremblement de terre, collision de véhicules b) États limites d'utilisation On associe les états limites d'utilisation à la non-fonctionnalité de la structure. On leur attribue une probabilité plus élevée de se produire sans blesser personne. Le tableau 2.3 en donne quelques exemples. Tableau 2.3 Exemples de non-fonctionnalité Types d'états limites d'utilisation Description Flèches excessives Machinerie, déformation visible, déformation permanente, endommagement des fenêtres Fissuration Fissures trop ouvertes, corrosion, infiltration d'eau Vibrations Mouvements perceptibles ou incommodants 2.1.3 Risques associés aux pertes de vies humaines Les pertes de vies humaines dues à l'effondrement de structures surviennent rarement dans les pays où les constructions sont régies par des normes strictes : les spécifications des normes et codes de calcul sont développées afin d'éviter que de tels événements surviennent. Cependant, il peut tout de même se produire certains effondrements lors de charges extrêmes. Il arrive que des toitures cèdent sous le poids de la neige ou encore que des bâtiments s'écroulent lors de séismes majeurs ou lors du passage d'ouragans ou tornades. La figure 2.2 indique les risques associés aux pertes de vies dues à l'effondrement de structures comparativement aux autres causes de mortalité. 20 Calcul des structures en béton armé © Bruno Massicotte Hiver 2011 Utilisation restreinte à l'enseignement du cours CIV3504 École Polytechnique de Montréal 10-3 10-4 10-5 10-6 10-7 10-8 Mortalité annuelle par personne Courses de motos Exploitation minière Utilisation de l'automobile Baignades Voyages d'avion Incendies de bâtiments Empoisonnements Foudre Vaccination Risques pouvant être évités par des casse-cous [10 ] -3 Risques pouvant être évités par des gens prudents [10 ] -4 Risques inévitables [5 x 10 ] -5 Effondrement d'une structure [10 ] -5 Rupture de barrages ou de multi-étagés 10-3 : Niveau inacceptable. Actions immédiates prises pour réduire les risques. 10-4 : On dépense de l'argent pour contrôler les risques d'accident. 10-5 : Les risques sont encore considérés par la société (protection contre le feu, les poisons, les armes à feu, etc.). 10-6 : Les risques ne préoccupent pas le citoyen moyen ("ça ne peut pas m'arriver", "Action divine"). Fig. 2.2 Probabilité optimale de rupture en fonction des risques L'ingénieur concepteur doit connaître les principes régissant le comportement structural des structures. Il doit pouvoir déterminer le cheminement des efforts et connaître les modes de rupture qui pourraient éventuellement prendre place. Ceci est d'autant plus vrai en béton armé où les barres d'armature doivent pouvoir reprendre les efforts de traction où ils se produisent et transmettre ceux-ci aux sections ou pièces adjacentes. Cependant, le niveau de sécurité requis est habituellement fixé par les normes. On attribue une probabilité plus faible aux états limites pouvant entraîner des pertes de vies, ainsi qu'aux ruptures soudaines et fragiles se produisant sans avertissement. Sécurité et construction 21 © Bruno Massicotte Hiver 2011 Utilisation restreinte à l'enseignement du cours CIV3504 École Polytechnique de Montréal 2.1.4 Principe de calcul Le principe de calcul adopté veut que les effets des charges soient inférieurs aux limites prescrites par les normes. a) États limites ultimes La règle de base veut que la résistance pondérée soit supérieure à l'effet des charges pondérées. Donc : ∑ ≥ i i n S R α φ (2.1) avec φ : Coefficient de résistance des matériaux (φ < 1.0) ; Rn : Résistance nominale ; αi : Facteurs de charge ; Si : Effet des charges d'utilisation (spécifiées). On retrouve comme exemples d'effets des charges : - Moment fléchissant (M) ; - Effort tranchant (V) ; - Charge axiale de compression (C ou P) ; - Charge axiale de tension (T). À titre d'exemple, on obtient pour le moment fléchissant : ... + + = ≥ = L L D D f n M r M M M M M α α φ (2.2) où Mr : Moment résistant pondéré ; φM : Coefficient de résistance du matériau ; Mn : Moment résistant nominal (non réduit) ; αD ; αL : Facteurs de charge ; MD ; ML : Moments fléchissants dus aux charges d'utilisation. Dans les normes canadiennes, on associe habituellement l'indice "r" (Mr, Vr, Cr) aux résistances pondérées et l'indice "f " (Mf, Vf, Cf) aux effets des charges majorées. Ces indices proviennent des mots anglais reduced et factored. b) États limites d'utilisation La règle de base veut que la limite permise soit supérieure à l'effet des charges d'utilisation. Donc : 22 Calcul des structures en béton armé © Bruno Massicotte Hiver 2011 Utilisation restreinte à l'enseignement du cours CIV3504 École Polytechnique de Montréal ∑ ≥ s p E L (2.3) avec Lp : limite permise : contrainte, flèche, fréquence, etc. ; Es : effets des charges : contrainte, flèche, fréquence, etc. On peut avoir, à titre d'exemples : L L D L D f f ≥ Δ + Δ ≥ Δ + ≥ max max max σ σ σ 2.1.5 Variabilité Les charges et résistances réelles des structures sont variables et diffèrent des valeurs nominales. Les distributions des valeurs réelles suivent diverses lois probabilistes. Pour les matériaux, le type de distribution varie selon le procédé de fabrication : on retrouve par exemple des lois normales ou log-normales. La figure 2.3 montre des distributions typiques pour le béton et pour l'acier. Les charges, quant à elles, ont généralement des distributions normales. Densité de probabilité Distribution normale a) Résistance du béton à la compression b) Limite élastique de l'acier structural Valeur moyenne Valeur nominale Densité de probabilité Distribution normale Valeur moyenne Valeur nominale Fig. 2.3 Distribution de la résistance du béton et de l’acier Lors de la construction et la fabrication des éléments structuraux, des tolérances sont imposées par les normes. Il s'ensuit que les charges permanentes ont des valeurs qui s'approchent des valeurs nominales ou théoriques. En contrepartie, les charges vives, principalement celles associées à l'occupation, varient énormément d'un plancher à l'autre ou d'un édifice à l'autre, même si la charge de conception peut avoir été la même. Ainsi, les charges permanentes sont habituellement mieux contrôlées que les charges uploads/Ingenierie_Lourd/ chap02-h11.pdf
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- Publié le Nov 08, 2021
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