Construction Métallique, n° 3-1999 VERS UNE CONCEPTION DES OUVRAGES PAR L’INGÉN

Construction Métallique, n° 3-1999 VERS UNE CONCEPTION DES OUVRAGES PAR L’INGÉNIERIE INCENDIE par J. Kruppa, L. Twilt et J.B. Schleich RÉSUMÉ En matière de sécurité incendie des constructions, l’approche actuelle est principalement fondée sur des réglementations descrip- tives qui limitent bien souvent l’expression architecturale et augmentent les coûts. De nombreux progrès ont été réalisés ces dernières décennies dans le domaine de la compréhension et la modélisation des phéno- mènes liés à l’incendie et au comportement au feu des structures. Des travaux internationaux permettent de disposer d’une démarche d'ingénierie incendie afin d’adapter les mesures de protection incendie nécessaires pour la sécurité des personnes, des biens ou de l'environnement aux risques encourus. L’analyse qualitative d’un projet de construction est réalisée en faisant appel à différents sous-systèmes décrits dans cet article. SUMMARY For the fire safety of structures, the approach used nowadays is mainly based on descriptive rules which often limit the architectu- ral expressions and increase the costs. Much progress has been achieved in the last decades as far as the understanding and the modelling of the phenomena related to the fire and to the structural fire response are concerned. Through international works a fire engineering approach has been made available which allows to adapt the fire protection steps necessary to ensure the safety of persons, goods and environment to the actual risks. The qualitative analysis of a construction project is performed by using some different sub-systems described in the present paper. J. Kruppa – Directeur Département Incendie et Essais CTICM L. Twilt – Coordinator of TNO – Fire Research International J.B. Schleich – Professeur ULG, Ingénieur Principal PROFIL-ARBED Recherches 1. – APPROCHE DESCRIPTIVE ACTUELLE La sécurité incendie dans les bâtiments et les installations à risques repose sur des textes réglementaires qui ont, le plus souvent, été élaborés pour se prémunir contre des situations dangereuses révélées lors de différents sinistres survenus en France ou à l’étranger. Cette évolution continuelle de la régle- mentation, portant principalement sur le contenant, a permis également de prendre en compte l’évolution des techniques et des produits de construction. Compte tenu des statistiques disponibles, il est admis que cette réglementation permet d’atteindre un niveau de sécurité satisfaisant. La grande majo- rité des décès en cas d’incendie dans un bâtiment concerne des personnes situées dans le local d’origine du sinistre, beaucoup plus affectées par les produits toxiques dégagés par le contenu que par le comportement au feu du contenant. La réglementation française, qui émane de différents minis- tères (voir Rubrique : «réglementation incendie» dans cette revue), est fondée sur les mesures et principes de protection suivants : pour chaque domaine concerné (réaction au feu, détection, extinction automatique, alarme, désenfumage, éva- cuation, accessibilité, compartimentage, stabilité au feu, …) les textes réglementaires imposent des solutions techniques ou des exigences auxquelles il y a lieu de se conformer. Une telle démarche descriptive, nécessaire pour offrir un niveau de sécurité convenable lorsque les phénomènes liés à l’incendie étaient mal connus, présente maintenant de nom- breux inconvénients. Tout d’abord la qualification des matériaux, appareils et élé- ments de construction repose sur des situations convention- nelles [1, 2] qui peuvent être très éloignées de celles rencon- trées dans les incendies réels, par exemple : – la réaction au feu de certains matériaux est estimée avec un flux thermique de 3 W/cm2, ce qui signifie qu’un matériau classé M1 sous cet éclairage thermique pourra très bien s’enflammer s’il est soumis à un flux supérieur en conditions réelles; – les appareils de désenfumage ne prennent pas en compte le volume de fumée qui pourrait être produit par les matériaux. En outre, ils sont testés à des températures de 200 °C à 400 °C alors que ces valeurs peuvent être dépassées; – la stabilité au feu et le compartimentage sont estimés vis-à- vis d’un incendie conventionnel alors que l’incendie réel pourra avoir un développement totalement différent; – l’estimation du comportement des éléments de construction se fait généralement sur des échantillons individuels de faibles dimensions, ce qui permet leur classement relatif mais néglige les interactions avec les éléments voisins. En outre, l’application de règlements descriptifs peut conduire à concevoir des produits permettant de satisfaire aux critères expérimentaux de classification plutôt que de s’intéres- ser à leur comportement dans les conditions réelles d’emploi. Cette réglementation fondée principalement sur l’expérience tirée de sinistres réels ne peut être que réactive et ne permet pas d’anticiper sur de nouveaux risques qui pourraient survenir. Plusieurs exemples récents, tel que l’incendie du tunnel sous le Mont Blanc, en sont la preuve. Par ailleurs, il est généralement difficile de déroger aux exi- gences imposées sans devoir compenser par des mesures com- plémentaires qui sont parfois disproportionnées avec l’objectif recherché. Ceci rend bien souvent difficile, ou pour le moins inutilement onéreux, la conception d’ouvrages sortant de l’ordinaire. De même, il est difficile de prouver que les exi- gences imposées réglementaires sont toutes justifiées et il serait très certainement possible d’obtenir un niveau de sécurité équi- valent pour un coût moindre, ou, en d’autres termes, un meilleur niveau de sécurité pour le même coût. Tous ces inconvénients militent pour l’introduction d’une discipline qui a atteint un niveau de maturité suffisant : l’ingé- nierie de la sécurité incendie. 2. – PROGRÈS RÉALISÉS DANS LA SIMULATION DU COMPORTEMENT AU FEU DES BÂTIMENTS L’ingénierie de la sécurité incendie s’appuie sur différentes disciplines pour permettre l’évaluation des risques et des mesures de protection présents dans un bâtiment. Ainsi que cela est présenté ci-après, les connaissances ont fortement pro- gressé ces dernières décennies. 2,1. – Développement du feu Bien que le développement d’un incendie puisse être carac- térisé de différentes manières – chaleur, fumée, toxicité – l’effet thermique est généralement reconnu comme étant le paramètre principal. Dans ce contexte, il y a lieu de différencier «feu généralisé» et «feu localisé» dans un local. L’expression «feu généralisé» concerne la situation où tous les matériaux combustibles d’un local contribuent au dévelop- pement du feu. Des températures de 800 °C et plus sont généra- lement atteintes. Par conséquent, les éléments de constructions peuvent être si échauffés qu’ils ne soient plus à même d’assurer leur fonction portante ou de séparation, conduisant alors à la propagation du feu vers les locaux voisins. En outre des défor- mations importantes, voire l’effondrement de la structure, peu- vent survenir. L’atteinte de la situation de feu généralisé prend généralement un certain temps, et bien souvent, n’apparaît jamais. Dans la condition de «feu localisé», l’incendie ne concerne qu’une partie d’un local et, sauf dans le voisinage immédiat, la température moyenne des gaz reste relativement faible. Bien souvent, il y a une transition nette entre la situation de feu loca- lisé à celle de feu généralisé; elle est appelée «embrasement généralisé» (expression anglaise de «flash-over»). C’est pour- quoi la situation précédente est parfois appelée «pre-flash over». À partir d’études expérimentales, au début du vingtième siècle, des modèles de simulations ont été mis au point afin de relier la durée et la sévérité des incendies à la capacité calori- fique des matériaux combustibles, exprimée en quantité équi- valente de bois par mètre carré de surface de plancher et connu sous le nom de «densité de charge incendie»1 [3]. Il a ainsi été constaté que la durée d’un incendie était proportionnelle à la quantité de combustible disponible et, bien que l’on se soit aperçu très tôt que d’autres facteurs devaient également être pris en considération [4], à cette époque il a été supposé qu’une seule loi temps-température pouvait représenter l’ensemble des incendies. Ces notions ont conduit au concept de «l’incendie normalisé» qui est encore le fondement de l’approche descrip- tive en sécurité incendie dans de nombreux pays. Par la suite, en raison d’une plus grande diversité des conceptions de bâtiments et d’une meilleure connaissance de la physique du feu, il est apparu une évolution de la sécurité 6 Vers une conception des ouvrages par l’ingénierie incendie Construction Métallique, n° 3-1999 1 Dans la littérature moderne, cette densité de charge incendie est maintenant exprimée en MJ/m2. incendie, tournée vers une approche «performantielle». Ceci a conduit à l’élaboration de modèles de développement de feu prenant en compte des paramètres tels que : – débit de pyrolyse et quantité de matériaux combustibles, – conditions de ventilation (apport d’oxygène), – propriétés thermiques des parois du local. De récents travaux de recherches internationaux, telles que les références 5 à 7, ont grandement contribué à l’amélioration des connaissances dans le domaine de la modélisation des incendies. Il est ainsi prévu que les parties des Eurocodes trai- tant du comportement au feu des structures puissent offrir ces nouvelles possibilités de calcul, favorisant ainsi l’introduction l’ingénierie incendie au niveau européen. 2,2. – Modèles «feu» Dans un ordre de complexité croissante, il est possible de distinguer les modèles de représentation des effets du feu sui- vants : 2,21. – Incendies nominaux L’évolution, en fonction du temps, de la température consi- dérée comme uniforme dans un local est établie de façon conventionnelle, c’est-à-dire qu’aucun paramètre physique n’est pris en compte. La durée de l’incendie est définie par les exigences réglementaires. On peut toutefois différencier les combustibles uploads/Ingenierie_Lourd/ conception-ouvrage-sous-incendie.pdf

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