Histoire de l'éducation André Thépot (Dir.), L'Ingénieur dans la société frança
Histoire de l'éducation André Thépot (Dir.), L'Ingénieur dans la société française, Paris, Les Éditions ouvrières, 1985 Jean-Pierre Daviet Citer ce document / Cite this document : Daviet Jean-Pierre. André Thépot (Dir.), L'Ingénieur dans la société française, Paris, Les Éditions ouvrières, 1985. In: Histoire de l'éducation, n° 30, 1986. pp. 118-121. http://www.persee.fr/doc/hedu_0221-6280_1986_num_30_1_1427 Document généré le 26/09/2015 118 No tes critiques et philosophique, quelque chose comme le meilleur de l'expérience de vingt siècles. Les nouveaux maîtres de nos sociétés sont sur le point d'assumer une option folle : asseoir leur domination sur une culture que personne ne contrôle, et surtout pas l'école. Merci à Edwy Plenel de nous avoir acheminés jusqu'au seuil de cette nouvelle méditation. Maurice CRUBELLIER L 'Ingénieur dans la société française. / Études recueillies par André Thépot. Paris : Les Éditions ouvrières, 1985. 330p. Ce volume réunit l'essentiel des contributions présentées au colloque tenu au Creusot en octobre 1980. Si, aujourd'hui, les études sur l'histoire des ingénieurs se développent, en particulier dans la voie prosopographique (1), cette rencontre a marqué un tournant en France, de par le nombre et la qualité des participants. L'ingénieur a alors commencé à émerger comme champ de recherche même si d'énormes lacunes apparaissent dans ce premier bilan. La publication distingue trois grands domaines : l'ingénieur dans l'histoire (en fait, un survol de l'évolution du type humain que représente l'ingénieur, privilégiant son rôle de conception et d'organisation), l'ingénieur dans l'entreprise, l'ingénieur dans la société. Séparation peu rigoureuse au demeurant, car plusieurs communications abordent simultanément les trois domaines. Le problème de l'enseignement du métier d'ingénieur n'est pas traité de façon spécifique, mais Jean- Claude Beaune a raison de faire remarquer qu'il est omniprésent : l'ingénieur dirige un travail parce qu'il sait, et il se définit avant tout par une formation. Combien existe-t-il d'ingénieurs en France vers 1913 ? À partir d'extrapolations, on serait tenté de penser à une population de 40 000 à 50 000 personnes, mais rien ne permet, à ce jour, d'être plus précis. La notion d'ingénieur est loin d'être claire : elle fait (1) Signalons, autour d'André Grêlon, un programme de banque de données à l'échelle européenne, avec une première étude en cours sur les écoles lorraines, dont la plus ancienne fut l'École nationale supérieure des industries chimiques, fondée en 1887. No tes critiques 119 référence à la fois à un titre décerné par les « grandes » écoles, non sans de subtiles gradations de prestige (mais il y a au moins 30 % d'ingénieurs «maison», qui reçoivent leur titre de l'entreprise, souvent anciens dessinateurs, chimistes, chefs d'atelier, ce qui devrait amener à lier l'étude des ingénieurs à celle de l'enseignement technique en général), à une fonction (mais un certain nombre d'ingénieurs sont devenus des directeurs d'usine ou des chefs d'entreprise), à un rôle social (et le titre n'est réglementé qu'avec la loi du 10 juillet 1934). Le recueil n'apporte rien de nouveau quant à la définition et à l'étude quantitative de l'ensemble de cette population. L'éducation intellectuelle et morale se trouve à la jonction de plusieurs types d'analyse. La question des écoles d'ingénieurs est surtout présente dans les contributions de John Weiss (Les changements de structure dans la profession d'ingénieur en France de 1 800 à 1850), de Claude Beaud (Les ingénieurs du Creusot à travers quelques destins, du milieu du XIXe siècle au milieu du XXe siècle), de Georges Ribeill (Profils des ingénieurs civils au XIXe siècle : le cas des Centraux), d'Etienne Dejonghe (L'ingénieur exploitant dans les houillères du Nord-Pas-de-Calais et sa formation), de René Darrigo et Pierre Serre (« Gadz' Arts » et société). Curieusement, l'École polytechnique reste la grande absente du colloque, l'ouvrage pionnier de Terry Shinn (1) n'y soulevant pas encore d'écho : il se trouve cependant que la place exacte des ingénieurs polytechniciens dans la vie économique française reste un thème à défricher. Autres écoles presque constamment absentes : les nouvelles écoles de la seconde révolution industrielle (ingénieurs chimistes, ingénieurs électriciens et, d'une façon plus large, ingénieurs de laboratoire). Dans les autres cas, l'éclairage est latéral : il s'agit plus de déterminer le destin social des anciens élèves, leur rôle économique et leurs idéologies que d'étudier un type de recrutement ou le contenu précis des disciplines enseignées. Le point fort du colloque, comme il est d'usage en France, est à rechercher dans l'analyse des représentations et des mentalités, y compris et d'abord dans l'ordre du rapport au savoir. Ainsi, Jacques Guillerme trouve-t-il au XVIIIe siècle l'origine du privilège des mathématiques en France, par opposition à la science « appliquée » expérimentale, «goulet névralgique dans le réseau de la didactique». (1) Savoir scientifique et pouvoir social: l'École polytechnique, 1794- 1914. Paris, 1980, 262 p. 1 20 Notes critiques Le rôle de l'État, en tant qu'ensemble d'institutions et d'intérêts bureaucratiques, est puissamment mis en valeur : modèle de l'ingénieur militaire d'Ancien Régime, poids des grands corps (Ponts et Chaussées et Mines), réglementation et pratique des Travaux publics, souci de limiter l'accès à la profession (unification culturelle des élites, stratification sociale rigide) ont pesé sur l'image de l'ingénieur, peut-être au détriment d'une vision plus utilitariste, à l'anglaise. On a privilégié le savoir qui modelait le pouvoir, dans le sens du gouvernement des hommes davantage que dans celui de l'administration des choses. La perception sociale de l'ingénieur qui en résulte est étudiée de façon très suggestive par Diana Cooper-Richet (Les ingénieurs des Mines vus d'en bas), Gérard Gayot (Le discours des mineurs sur les ingénieurs du groupe de Courrières), Etienne Dejonghe (Ingénieurs et société dans les houillères du Nord-Pas-de-Calais de la « Belle Époque » à nos jours), Jean-Paul Thuillier (Les images de l'ingénieur depuis 1945 dans la région du Nord). Il se pose une dernière question, fort importante pour la problématique de l'histoire économique : quelle relation établir entre le modèle de croissance français, avec ce qu'il comporte de dynamismes et de freins, et l'évolution du système éducatif, à la fois cause et résultante ? Certains éléments de réflexion sont contenus dans les contributions qui portent sur l'invention (Yves Machefert-Tassin) et sur la rationalisation des années 1920 (Aimée Moutet). Les maîtres de la technique sont-ils les maîtres de l'entreprise ? Il paraît aux auteurs que le technicien occupe une fonction subordonnée dans la synthèse entrepreneuriale, parce que la décision première vient en réponse aux caractéristiques du marché et à la pression des coû.à. L'ingénieur est donc au service d'une stratégie. Il faut cependant déplorer l'absence d'une analyse plus vaste sur l'innovation (dans quelle mesure, par exemple, les ingénieurs ont-ils greffé un savoir scientifique sur le vieux fonds des savoirs empiriques dans un rôle de médiation ?) et sur l'organisation économique (quel fut précisément le besoin de savoir technique des entrepreneurs dans les diverses branches industrielles ? et quelle place accordèrent-ils au fait technique ?). Pour aller plus loin, il conviendrait probablement de mettre en correspondance l'étude des écoles d'ingénieurs (Centrale, Arts et Métiers, Écoles de chimie et d'électricité) et les temps de la croissance, en soupesant les degrés d'adaptation et la fécondité des apports de l'enseignement. De même, n'est guère explorée la notion de valeur marchande du diplôme. No tes critiques 121 Le recueil reflète l'état des connaissances en 1980. L'ensemble offre une belle et foisonnante richesse de détails, qui eût mérité, en introduction, une présentation plus ferme des problèmes ouverts de la recherche. Jean-Pierre DAVIET uploads/Ingenierie_Lourd/ daviet-jean-pierre-andre-thepot-dir-l-x27-ingenieur-dans-la-societe-francaise-pdf.pdf
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