CONTRÔLES ESSAIS MESURES N°50 • FÉVRIER 2015 PAGE 99 AVIS D’EXPERTS MÉTROLOGIE
CONTRÔLES ESSAIS MESURES N°50 • FÉVRIER 2015 PAGE 99 AVIS D’EXPERTS MÉTROLOGIE Rappel sur le sens L’incertitude de mesure est une valeur qui va quantifier la confiance que l’on peut accorder à un résultat de mesure. C’est un intervalle au sein duquel la valeur recherchée a une forte probabi- lité de se trouver. Sans incertitude, un résultat n’a que peu de sens. Il ne permet pas d’être comparé à un autre ou à une valeur de référence. L’incertitude fait peur… Dans l’industrie, rares sont les entre- prises à exprimer des résultats de mesure avec des incertitudes. Pour certains industriels,exprimer l’incertitude revient à affirmer que l’entreprise n’est pas sûre d’elle, qu’elle ne détient pas « la mesure vraie », qu’elle peut être remise en cause. L’incertitude est une notion complexe à intégrer, on peut la résumer ainsi : « la mesure lue avec mes yeux n’est pas vraie, la vérité est ailleurs… Probablement quelque part au sein de la zone nommée incertitude ». Cette affirmation est toujours vraie même si l’afficheur est numérique et que le résultat est annoncé avec 5 chiffres après la virgule. L’incertitude vient donc réveiller chez l’homme de nombreuses peurs, notam- ment celles de ne pas maîtriser,de ne pas tout contrôler. Pour ceux qui cherchent à traverser leurs peurs et à inscrire un chiffre de confiance à côté de leurs résultats de mesure, ces derniers peuvent se retrouver vite décou- rager devant l’énergie qu’il faut dépenser pour calculer cette incertitude : - compréhension de la méthode de calcul qui peut paraître complexe ; - réalisation d’un calcul qui demande du temps, car il faut traquer et évaluer les grandeurs perturbatrices de la mesure. Et s’ils arrivent au bout de leurs efforts et annoncent un chiffre d’incertitude, ces personnes pourront toujours s’interroger sur la confiance que l’on peut porter à ce chiffre. Autrement dit : il y a de l’incerti- tude sur l’incertitude,difficile à entendre lorsque l’on cherche à se rassurer. Ces freins expliquent pourquoi les résul- tats de mesure ou d’étalonnage ne sont pas souvent associés à une incertitude. Hormis quelques entreprises qui ont une démarche volontaire,celles qui associent une incertitude à leurs résultats sont celles pour lesquelles la norme ou la Le métier de métrologue ÉVALUERL’INCERTITUDEDE MESUREETSESAPPLICATIONS L’article du trimestre dernier abordait un thème organisationnel, celui de la sous-traitance. Aujourd’hui le sujet traité sera plus technique puisqu’il s’agit de l’évaluation de l’incertitude de mesure et de ses applications. L’article rappellera tout d’abord ce qu’est l’incertitude de mesure pour ensuite résumer la méthode la plus employée au sein de la communauté des métrologues pour réaliser les calculs : le GUM(1) (NF ISO/CEI Guide 98-3). Pour finir, les principaux usages de l’incertitude seront exposés. LES EXPERTS Frédéric AUTHOUART Métrologue, coach et fondateur de l’entreprise Crisalis qui allie résolution technique et humaine d’une problématique Jean-Michel POU Président fondateur de la société Delta Mu, membre des commis- sions “Métrologie” et “Méthodes statistiques” de l’Afnor et président du cluster d’excellence “Auvergne Efficience Industrielle”. Nous avons tous appris à l’école qu’un résultat de mesure sans unité n’avait pas de sens, il ne viendrait à personne d’écrire ce résultat sans l’unité par exemple : « le sachet pèse 2,3 ». Même si la masse du sachet est exprimée ainsi : 2,34 g cette valeur n’a que peu de sens dans le cadre d’une utilisation rigoureuse. Il faudrait lui associer son incertitude : la masse du sachet est de 2,3 g ± 0,12 g (95%). RETOUR À L’ÉCOLE (1) GUM : Guide to the expression of uncer- tainty in measurement, NF ISO/CEI Guide 98-3 : Incertitude de mesure — Partie 3 : Guide pour l'expression de l'incertitude de mesure. PAGE 100 CONTRÔLES ESSAIS MESURES N°50 • FÉVRIER 2015 (2) Norme ISO/CEI 17025 : Exigences générales concernant la compétence des laboratoires d'étalonnages et d'essais (2) Norme NF EN ISO/CEI 17020 : Exigences pour le fonctionnement de différents types d'organismes procédant à l'inspection (2) Norme NF EN ISO 15189 : Laboratoires de biologie médicale — Exigences concernant la qualité et la compétence (3) Règlement (UE) n° 601/2012 du 21/06/12 relatif à la surveillance et à la déclaration des émissions de gaz à effet de serre au titre de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil (4) S.I. Système International des unités (5) BIPM : Bureau International des Poids et Mesure. réglementation l’exigent : accréditation(2), quantification des rejets de CO2 à l’at- mosphère(3), métrologie légale. La méthode GUM Pour calculer cet intervalle de confiance autour du résultat exprimé, il faut une méthode. Pour être utilisée, cette méthode doit être universelle, à l’image de la définition des unités du S.I.(4). C’est durant les années 1980 qu’un groupe de travail constitué par le BIPM(5) se mit à la tâche pour donner naissance en 1995 au guide pour l’évaluation des incertitudes de mesure, le GUM. Le GUM est aujourd’hui la norme de réfé- rence pour les calculs d’incertitude.Elle est partagée internationalement aussi bien en métrologie industrielle qu’en métrologie légale. Elle est citée dans la plupart des normes d’accréditation ou de certifica- tion comme méthode de référence. Pour être réalisée, la méthode demande de la rigueur, une modélisation mathé- matique du processus de mesure et une bonne connaissance de ce dernier. Une incertitude, mais pour faire quoi ? Disposer d’une incertitude sur un résul- tat de mesure contribue à lui donner du sens, à quantifier la confiance que l’on peut porter à ce résultat de mesure. Pour comparer Dans le domaine de l’étalonnage : les laboratoires qui les réalisent peuvent être accrédités. Comment comparer deux laboratoires accrédités ? Par leurs tarifs ? Leurs lieux géographiques ? Les délais de prestations ? Ces critères peuvent être séduisants pour un service achat, mais moins pour un demandeur.L’incertitude permet de com- parer ces deux entreprises sur le plan technique. En effet, il sera tout à fait pos- sible de trouver une entreprise X avec une incertitude de ± 0,05°C et une entre- priseY à ± 0,2 °C pour le même domaine d’étalonnage en thermométrie. Naturel- lement l’entreprise X sera plus coûteuse que l’entreprise Y, car les moyens déve- loppés y seront plus performants. En métrologie, il y a une justice, plus on cherche à se rapprocher de la mesure vraie, plus cela se paye. Dans le domaine des échanges com- merciaux : lorsqu’une comparaison de mesures a lieu entre le chiffre d’un ven- deur et celui d’un acheteur,si ces derniers ne sont pas égaux alors un conflit peut naître. Comment le résoudre ? L’incerti- tude de mesure peut répondre en partie à ce problème. Par exemple,un vendeur (V) annonce une vente de 498 tonnes d’hydrocarbures et un acheteur (A) en vérifiant la cargaison trouve 500 tonnes. À première vue, cet écart peut être problématique,mais si l’in- certitude de mesure du vendeur est de ± 0,1 % de la mesure et celui de l’acheteur Nous avons tous appris à l’école qu’un résultat s’exprimait avec des unités. Mon paquet de bonbons ne pèse pas 100, mais 100 g. Mais il faudrait aussi lui associer son incertitude : la masse du paquet de bonbons est de 100 g ± 5 g (95 %). AVIS D’EXPERTS MÉTROLOGIE Il existe une méthode alternative au GUM : la norme NF ISO 5725(6). Ce document propose d’évaluer l’incertitude de mesure par une méthode pratique, c’est à dire par l’observation de la variation du résultat de mesure lorsque l’utilisateur fait varier une ou plusieurs grandeurs d’influences. Cette norme est tout à fait pertinente, mais demande du temps et des moyens pour être mise en œuvre, elle est donc souvent réservée à quelques cas (essais laboratoires, modèle de mesure ne pouvant être traité par la méthode GUM). (6)NFISO5725-1(touteslesparties),Applicationdelastatistique.Exactitude(justesseetfidélité) des résultats et méthodes de mesure. NF ISO 5725 : UNE MÉTHODE ALTERNATIVE CONTRÔLES ESSAIS MESURES N°50 • FÉVRIER 2015 PAGE 101 (7) NF EN ISO 14253-1 : Vérification par la mesure des pièces et des équipements de mesure – Partie 1 : Règles de décision pour prouver la conformité ou la non-conformité à la spécification. AVIS D’EXPERTS MÉTROLOGIE ± 0,5 % de la mesure alors il n’y a pas de conflit.Tous les deux voient en réalité la même quantité. Par contre si l’acheteur avait trouvé 495 tonnes par exemple, une enquête pouvait être ouverte, car l’écart était supérieur à l’incertitude. conforme alors qu’il ne l’est peut-être pas). Plus le débordement est important et le risque de non-conformité est fort. Note : Cette vision traditionnelle est remise en cause par la nouvelle norme NF ISO/CEI Guide 98-4. De nombreux arti- cles ont déjà été écrits sur l’approche proposée par cette norme. Il est probable que cette norme fera évoluer rapidement les pratiques qui restent souvent, à ce jour, telles qu’expliquées ci-dessous. Dans les entreprises, plusieurs procé- dures sont observées : 1. Méconnaissance ou déni de l’incer- titude C’est un cas qui a tendance à diminuer depuis quelques années,mais qui se ren- contre encore trop régulièrement. Dans cette approche, le métrologue oublie ou néglige l’incertitude. Il confronte l’erreur de justesse seule à l’EMT. Cette méthode est simple et ne perturbe pas l’utilisa- teur qui uploads/Ingenierie_Lourd/ deltamu-cem-n-50-evaluer-l-x27-incertitude-de-mesure-et-ses-applications.pdf
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- Publié le Jui 01, 2021
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