. Éducation & formations n° 85 [novembre 2014 ] L’effet d’une réduction de la t

. Éducation & formations n° 85 [novembre 2014 ] L’effet d’une réduction de la taille des classes sur la réussite scolaire en France : développements récents Olivier Monso Sous-direction des synthèses Cellule des méthodes et synthèses statistiques Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance Un nombre d’élèves par classe plus faible semble permettre une meilleure réussite scolaire. Les travaux récents sur données françaises consacrés à l’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire ont tous abouti, quoiqu’avec des nuances, à ce constat. Ces travaux ont mis en évidence un impact du nombre d’élèves par classe plus fort dans le premier degré et dans la première partie du collège, peu apparent ou inexistant au lycée général. Une réduction du nombre d’élèves par classe bénéficie davantage, dans l’ensemble, aux élèves issus d’un environnement social ou scolaire défavorisé, et notamment à ceux scolarisés dans un établissement en éducation prioritaire. Toutefois, elle ne constitue pas forcément la réponse appropriée à tous les types de difficultés scolaires. Le lien entre taille des classes et réussite scolaire reste complexe, notamment parce que les mécanismes sous-jacents n’ont pas été clairement identifiés. Enfin, les effets mesurés sont affectés d’une marge d’incertitude importante, ce qui pose aussi question pour mettre en œuvre une politique adaptée. D iminuer le nombre d’élèves par classe permet-il d’amélio- rer les résultats sco- laires des élèves ? Cette question donne lieu à des débats récurrents entre chercheurs, institutions publiques, think tanks,… Deux grandes positions concurrentes peuvent être présentées de façon sommaire, en s’inspirant des travaux internationaux. La première est sceptique sur l’ef- ficacité d’une diminution du nombre d’élèves par classe. Ce scepticisme s’étend souvent à toutes les poli- tiques visant à accroître les moyens (en enseignants, financiers) par élève. Cette position est fréquemment asso- ciée à Hanushek, développée dans plusieurs de ses travaux (voir par exemple [13]). La seconde voit au contraire dans la réduction de la taille des classes un levier important pour améliorer les résultats scolaires des élèves. Cette position peut être associée à des tra- vaux ayant mis en évidence des résul- tats allant dans cette direction [3, 12]. Il faut se garder de caricaturer ces positions, qui sont souvent accom- pagnées de nuances. Hanushek lui- même ne nie pas qu’il y ait des situa- tions dans lesquelles une politique de réduction de taille des classes puisse être efficace. Toutefois, dit-il, on ne sait pas vraiment sous quelles conditions cet effet existe. De façon plus générale, Hanushek met en garde contre un raisonnement, selon lui trop systématique, qui conduit à répondre aux difficultés scolaires en augmentant les moyens par élève. Un tel schéma de pensée peut empêcher de voir des solutions plus innovantes, et peut-être plus efficaces. De même, les tenants d’une dimi- nution de la taille des classes ne sont pas forcément partisans d’une réduction massive et pour toutes les classes. Ils mettent en évidence des types d’élèves ou d’établissements pour lesquels cette diminution serait la plus efficace. Piketty et Valdenaire [21] et Valdenaire [22], dans des travaux souvent cités sur données françaises, mettent d’ailleurs en avant que cette politique peut être appliquée à moyens constants au niveau global, en ciblant cette réduction et les moyens associés sur les élèves des zones d’éducation prioritaire. En 2001, suite à une demande du Haut Conseil de l’évaluation de l’école, Meuret [16] a remis un rap- port faisant le point sur les recherches menées sur ce sujet. Ce rapport dres- sait une liste de nombreux travaux français ayant abordé la question, et les mettait en regard, notamment, des 47 Éducation & formations n° 85 [ novembre 2014 ] 48 travaux américains. Les résultats issus de travaux américains étaient beau- coup plus favorables à une réduction de la taille des classes. En France, les effets d’une réduction de la taille des classes sur les performances étaient souvent très faibles, non significative- ment différents de zéro. Face à ce constat, deux interpréta- tions sont possibles. La première est que les systèmes éducatifs français et américain sont différents. Il est logique que les résultats des recherches améri- caines ne puissent pas s’appliquer tels quels à la France1. La seconde interpré- tation s’appuie sur les différences des méthodes mises en œuvre. Les travaux américains ont, plus tôt qu’en France, utilisé des méthodes expérimentales, ou se rapprochant des conditions d’une expérience (« quasi-expérimentales »). Ils cherchaient à mieux prendre en compte une difficulté méthodologique primordiale dans cette littérature : le fait que les élèves ne sont pas répartis aléatoirement entre les classes, les élèves les plus faibles ayant plutôt tendance à être dans les classes les moins chargées. Meuret [16] affichait sa préfé- rence pour la seconde hypothèse : les écarts entre les conclusions des travaux français et américains qu’il cite relevaient surtout, selon lui, des différences de méthodes utili- sées, plutôt que de spécificités des systèmes éducatifs. Partant de là, il concluait que l’effet d’une réduction de la taille des classes pouvait être positif et important à condition que cette réduction soit forte (en amenant les classes nettement en dessous de 20 élèves) et ciblée sur les enfants d’origine défavorisée. Dans cet article, nous proposons un panorama des travaux sur don- nées françaises2 qui ont suivi ce rapport. Ces travaux ont appliqué des méthodes assez similaires à celles employées dans les princi- pales recherches internationales. Le lecteur trouvera en annexe un réca- pitulatif de ces travaux sous forme de tableau, avec les principaux résultats et éléments de méthode. Mesurer les effets d’une taille des classes plus faible sur la réussite scolaire est complexe. Deux types de difficultés peuvent être identi- fiés. Le premier a trait à la mesure des deux objets dont il est question : qu’est-ce qu’une taille des classes ? Qu’est-ce que la réussite scolaire ? Le second est relatif à la difficulté de passer d’une corrélation entre ces deux objets, facile à observer, à une relation de causalité, beaucoup plus difficile à mettre en évidence. Taille des classes, réussite scolaire : que mesure-t-on ? Par « taille des classes », on entend effectif d’élèves dans une classe, souvent mesuré en début d’année scolaire. La classe est ici une divi- sion administrative : par exemple la seconde C du lycée X. Cette défini- tion n’est pas si évidente à manier, et comporte des risques de confusion. Une taille des classes ne mesure pas la même réalité dans une école, un collège ou un lycée, ou d’un établis- sement à un autre. Il est important de distinguer classe et niveau. Dans le premier degré, une classe ne correspond pas forcément à un seul niveau : dans une même classe, des élèves de CP peuvent côtoyer des élèves de CE1. À la rentrée 2013, 46,5 % des classes du premier degré comportent plusieurs niveaux [1] : 57,6 % des classes pré- élémentaires et 40,3 % des classes élémentaires. La « taille de la classe » veut-elle dire la même chose pour les élèves de ces classes que pour les autres ? Est-elle liée de façon simi- laire à la réussite scolaire ? Des cher- cheurs ont répondu à ces questions en excluant ces classes (ou les écoles comprenant ces classes) ou en inté- grant explicitement cette dimension dans leurs modèles [4, 22]. Dans le second degré, la princi- pale ambiguïté provient du fait que la taille des classes peut être assez éloignée du nombre d’élèves qui sont physiquement présents dans une salle de classe. Dire que la seconde C a une taille de 32 élèves ne signifie pas que chaque élève est, à chaque cours, entouré de 31 camarades. Tout d’abord, certains d’entre eux peuvent être absents, ou ont quitté l’établis- sement depuis le début de l’année (comme dans le premier degré). Ensuite, une partie des enseignements se fait en groupes : un élève peut se retrouver dans une salle avec 15 cama- rades pour suivre des travaux dirigés, un cours de langue… Au collège et à la rentrée 2011, 17 % des heures d'ensei- gnement sont suivies en groupe, 47 % en lycée général ou technologique et NOTES 1. Afsa [2], dans ce numéro, souligne la difficulté à transférer les résultats de la recherche des États-Unis à la France (en l’occurrence ayant trait à l’impact de la taille de l’établissement sur la réussite scolaire), et en appui à cet argument, présente en début d’article quelques-unes des principales différences entre les deux systèmes. 2. On inclut dans ce champ la recherche de Wößmann et West [23] sur les don- nées des évaluations internationales TIMSS (cf. infra) incluant la France. Nous emploierons par commodité l’expression « travaux français ». 49 Éducation & formations n° 85 [novembre 2014 ] NOTES 3. Ces évaluations sont elles-mêmes de diverses natures. Valdenaire [22] a uti- lisé à la fois les évaluations spécifiques aux élèves du panel CP 1997 et les éva- luations nationales à l’entrée au CE2. La DEP [7] et Bressoux et Lima [5] ont utilisé des évaluations spécifiques aux élèves de l’expérimentation « CP à effectifs réduits ». Bressoux et al. [4] ont utilisé une uploads/Ingenierie_Lourd/ depp-ef-85-2014-effet-reduction-taille-classes-reussite-scolaire-france-developpements-recents-362616.pdf

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