STRUCTURES ET MOUVEMENT DIALECTIQUE DANS LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'ESPRIT DE HEGEL

STRUCTURES ET MOUVEMENT DIALECTIQUE DANS LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'ESPRIT DE HEGEL ANALYSE ET RAISONS PIERRE-JEAN LABARRIÈRE STRUCTURES ET MOUVEMENT D I A L E C T I Q U E DANS LA PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'ESPRIT DE HEGEL Nouvelle édition A U B I E R COLLECTION ANALYSE ET RAISONS COMITÉ DE DIRECTION FONDÉ PAR M A R T I A L G U E R O U L T Membre de l'Institut Professeur au Collège de France Y V O N B E L A V A L Professeur à la Sorbonne V I C T O R G O L D S C H M I D T Professeur à la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand G I L L E S - G A S T O N G R A N G E R Professeur à la Faculté des Lettres d ' Aix-en-Provence P A U L R I C O E U R Professeur à la Sorbonne Si vous souhaitez être tenu au c o u r a n t de nos publications, il vous suffit d'envoyer vos n o m et adresse aux Editions A u b i e r M o n t a i g n e 13, Q u a i de Conti . IS6& 2 ^ 7 0 0 7 ^ 9 - 8 . 1 , 4, @ 1968, 1985 Aubier Montaigne. Droits de b , E d i réservés pour tous pays. Cette étude a été présentée comme thèse de doctorat en philosophie à l'Université Grégorienne (Rome). Qu'il soit permis de remercier le P. Pierre Henrici (Rome), qui a bien voulu en accepter la responsabilité et en diriger la rédaction, ainsi que le P. Joseph Gauvin (Paris), qui l'inspira à l'origine et encouragea sa réalisation. Les schémas ont été réalisés par Paul Brutsche. INTRODUCTION « Hegel est à l'origine de tout ce qui s'est fait de grand en philosophie depuis un siècle [...]. On pourrait dire sans paradoxe que donner une interprétation de Hegel, c'est prendre position sur tous les problèmes philosophiques, politiques et religieux de notre siècle \ » Jugement catégorique, bien propre à faire trembler quiconque a l'audace de s'engager en voie si périlleuse, d'autant que sa force s'accroît d'avoir été prononcé par un philosophe dont la pensée, pour avoir été marquée par celle de Hegel, ne se situe pourtant pas sous son influence directe et immédiate. Mais, au vrai, n'est-ce point le sort de tout grand philosophe, interprète de son temps, que de contribuer pour sa part à enrichir l'humus commun où germeront, en d'imprévisibles résurgences, les pen- sées de ses successeurs ? Pourtant, en ce processus universel, qui est celui même de la culture, il est des temps, il est des lieux où l'histoire de la pensée semble se recueillir tout entière, avec une particulière plénitude, avant^ de resurgir dans une lumière neuve ; le paysage est bien le même, et l'historien de la philosophie pourra tout à loisir Souligner les emprunts et les filiations, — mais nul ne s'y trompe : l'éclairage nouveau, pour reprendre une image de Hegel lui-même, provient de la nouveauté du « soleil > qui s'est levé'. Nul doute que la fin du XVIII' et le début du xix" siècles ne constituent, en notre tradition occidentale, l'une de ces périodes privilégiées. Comme il en va toujours en de pareils cas, la réno- vation en cause s'y est pas fait sentir uniquement au plan des théories ou des idées philosophiques, mais elle a bouleversé de fond en comble tout l'homme, en ses profondeurs personnelles et 1. Merleau-Ponty, Sens et Non-sens, l'Existentialisme chez Hegel, p. 110. 2. G. (Phénoménologie de l'Esprit), 13/4 (I 12/31). — La double réfé- rence renverra toujours à la page et à la ligne de l'édition allemande de H o f f m e i s t e r (Félix Meiner, 6' édition, 1952) et de la traduction française de J . H y p p o l i t e ( A u b e r , 1939-1941), éventuellement modifiée. Pour la déter- mination de la ligne, on a tenu compte des titres éventuels, ainsi que des l e t t r e s ou des divisions numériques, qui ont été inclus et comptés à leur place. sociales. C'est Hegel, précisément, qui développa le premier cette analyse fameuse, devenue par après le bien commun de tous : il fallait que survienne cette transformation profonde des struc- tures de la vie politique et sociale que représenta la Révolution de 1789, pour que puisse s'imposer une intelligence nouvelle de l'homme entendu comme liberté radicale. Au vrai, avant même que n'éclate cette Révolution française, Kant avait déjà posé les principes d'une autre révolution, qui n'a point cessé de se faire sentir jusqu'à nos jours, et qui expri- mait déjà le statut philosophique de la revendication de liberté en train de se faire jour sur le plan de la vie sociale ; de sorte qu'une définition nouvelle de l'homme accompagna le boule- versement des institutions et des lois, et se nourrit en retour des forces nouvelles dégagées par l'expérience vécue. La Philosophie, comme on l'a dit, « se réfugia » alors en Allemagne, s'y donnant à connaître à travers une lignée de penseurs qui s'efforcèrent de fournir à l'homme des temps nouveaux l'instrument nécessaire pour assumer l'expérience qu'il venait de faire, et pour inventer une nouvelle manière de penser et de vivre. Hegel fut l'un de ces penseurs. A coup sûr, il ne fut pas le seul. Et lui-même, qui combat si âprement le formalisme de ses pré- décesseurs immédiats, sait par exemple, en plus d'un passage de son œuvre, rendre à Kant un hommage qui n'est pas feint. Il est vrai, en ce sens, que le jugement de Merleau-Ponty rappelé au début de ces pages pourrait avec une justesse semblable s'appliquer à Kant lui-même : de sa pensée aussi il est vrai de dire que en tenter une interprétation « c'est prendre position sur tous les problèmes philosophiques, politiques et religieux de notre siècle ». Pourtant, il reste vrai que l'influence immédiate et lointaine de Hegel fut à tout le moins plus sensible, et qu'elle apparaît plus éclatante aux yeux de l'historien, qu'il s'intéresse au déploiement des idées ou au domaine de l'action concrète. A l'intérieur de cette époque privilégiée, l'œuvre de Hegel apparaît donc à son tour comme privilégiée. Nul plus que lui ne s'imposa à son temps, lui dont le renom portait ombrage à ses collègues de l'université de Berlin. Qu'on le comprenne ou non, qu'on l'accepte ou le rejette, on était contraint de se situer par rapport à lui, et de se dévoiler soi-même en s'efforçant de le juger. Quant à son héritage, recueilli au sein des divisions que l'on sait, il n'a cessé de fructifier jusqu'à nous, suscitant des options diverses et même antagonistes : il n'est nul mouvement de quelque importance qui ne se soit un jour, directement ou indirectement, situé, jugé, défini par rapport à cette entreprise majeure que représente, dans l'histoire de la pensée, l'hégélia- nisme. Toute la première partie de l'étude qui suit s'efforcera de mani- fester ce qui fit en son temps la nouveauté de cette vision du monde. Mais cette recherche de la problématique hégélienne, si elle justifie par elle-même l'intérêt porté à cette œuvre, présup- pose que soit répondu à une question préjudicielle qui ne peut manquer de surgir : s'il est vrai que Hegel, dans une large mesure, représente bien le « passage obligé vers l'intelligence du siècle qui le suivit, n'est-il pas vrai que les vingt années que nous venons de vivre constituent une rupture à tout le moins semblable à celle qu'il connut au temps de sa jeunesse, — de sorte que notre problème, qui est de déchiffrer le visage nouveau de l'homme en train de naître, exigerait de nous la découverte d'une nouvelle vision du monde, qui soit, comme celle de Hegel en son temps, tout à la fois d'accomplissement et de dépasse- ment ? Voilà qui n'est pas douteux : notre monde n'est plus celui du siècle dernier. L'air que nous respirons n'est plus le même. Et les questions, en changeant si profondément d'échelle, ont aussi changé de nature. Par exemple, si la philosophie, pour Hegel, est systématique par essence, rien de plus étranger à nombre de nos contemporains, pour qui la cohérence et le sens unitaire ne sont que des leurres, et qui sont plus sensibles aux ruptures présentes soulignées pour elles-mêmes. Nos problèmes, qui sont immédiatement question de vie ou de mort, paraissent à beaucoup requérir une autre approche que celle-là, de sorte qu'une étude de Hegel, loin de nous amener à « prendre position » de façon concrète, semble nous éloigner du lieu actuel de l'humaine décision. Voilà qui serait vrai si, inattentifs à tout ce qui le suivit, nous nous contentions de répéter, comme des oracles intemporels, les positions qu'il élabora en d'autres époques, face à d'autres ques- tions. Mais, nous le savons bien, la philosophie se perdrait tota- lement uploads/Ingenierie_Lourd/ dialectique.pdf

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